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Les relations de l’Europe : la ministre chargée des Affaires européennes Nathalie Loiseau était l’invité du Cercle Turgot

Les relations de l’Europe : la ministre chargée des Affaires européennes Nathalie Loiseau était l’invité du Cercle Turgot
Publié le 14/12/2018 à 16:53

Jean-Louis Chambon, président fondateur du cercle Turgot, a invité Nathalie Loiseau à s’exprimer au cours d’un déjeuner-débat. La ministre chargée des Affaires européennes brosse un portrait de l’Union européenne, de ses périls, de ses ambitions, et de l’action du gouvernement en la matière.




La relation future entre le Royaume-Uni et l’Union européenne a été annoncée. Personne, dans l’Union, ne soutient ce départ. Chacun le regrette mais se doit de le respecter et de le mettre en œuvre de manière ordonnée en protégeant au mieux les intérêts des citoyens européens et de leurs entreprises. Suite à un accord de retrait, nulle célébration, on ne fête pas un divorce. La relation future entre l’Europe et le Royaume-Uni sera choyée mais constituera malgré tout une dégradation par rapport à la situation antérieure, celle que connaissent les 27 : étroite, fluide, profitable. Les négociateurs se sont avant tout entendus sur les conditions de la séparation : définition du statut des Européens établis dans le Royaume-Uni et réciproquement ; règlement par les Britanniques des sommes nécessaires aux engagements qu’ils ont pris avant le Brexit ; sort de la paix et de la frontière en Irlande. L’intégralité du Royaume-Uni pourrait rester dans une forme d’union douanière européenne, ce qui justifierait un minimum de contrôle (sanitaires, réglementaires) en mer d’Irlande. Les états membres font preuve d’unité dans ce dossier quand, dans le même temps, les Britanniques se déchirent.


Les fondements de l’Union européenne ne sont pas négociables, à savoir l’intégrité du marché intérieur, l’indivisibilité des quatre libertés et son autonomie de décision. La ratification par le Parlement européen de l’accord sur les relations prochaines semble être une formalité, alors qu’en Angleterre, les discussions à la Chambre des communes paraissent houleuses. Les Britanniques négocient entre eux. Le parti travailliste s’intéresse davantage à l’agenda politique intérieur qu’au Brexit. Le parti conservateur connaît de fortes divisions internes. Theresa May traverse une période périlleuse. Le risque d’un refus existe. Dans cette hypothèse, la France légifèrerait par ordonnance pour éviter tout chaos le 30 mars 2019 au matin. Les Français qui reviendraient du Royaume-Uni verraient leurs diplômes, leurs qualifications, leurs années de cotisation pris en compte en France. Un statut serait défini pour les Britanniques qui vivent sur notre sol. La fluidité de circulation des biens et des personnes serait assurée à travers la Manche. Tous les contrôles administratifs, douaniers, sanitaires d’avant 1973 renaîtraient. Depuis longtemps, les pays de l’Union dépensent leur énergie pour se rapprocher et bâtir ensemble une zone pacifique. L’excentrique divergence britannique fera peut-être exception.


L’action de l’Union européenne n’a pas été accaparée par le Brexit. Elle a continué à relever des défis considérables. L’Union est attaquée à l’extérieur par des grandes puissances. Donald Trump nous qualifie d’adversaire des États-Unis. Il a pris des mesures sur les importations d’acier et d’aluminium européens en utilisant une réglementation se référant à des considérations de sécurité nationale US. Il semble que, depuis un moment, les USA se désintéressent du sort de l’Europe. Le peuple russe, pour sa part, a la nostalgie de sa grandeur passée. Vladimir Poutine retourne à une géographie disparue, comme on peut le constater en Crimée ou au Dombass. Les partis dits nationalistes en Europe, antieuropéens, se précipitent régulièrement à Washington et à Moscou, en quête de soutien. La menace intérieure provient donc de dirigeants politiques, amateurs de « Bruxelles bashing ». Pire, les défenseurs d’égoïsmes nationaux, casseurs d’Europe, cherchent à s’entendre et à prendre la tête des prochaines élections européennes.


Le clivage entre nationalistes et progressistes ne doit pas être occulté. La ministre rappelle qu’en 2014, pour la France, le Front National a obtenu le plus de voix pour siéger au Parlement européen. Depuis, il y vote régulièrement contre les projets. Sans bilan, il espère faire mieux au prochain scrutin et rallier la ligue italienne, l’extrême droite autrichienne, l’AfD allemande. Une ombre plane sur l’avenir de plusieurs pays de l’Union : menace sur la justice, corruption, attaque du pluralisme des médias. Les relations entre les 27 s’en trouvent fragilisées. Comment faire de la coopération en matière de police et de justice quand leur indépendance n’est pas garantie ? Comment user du mandat d’arrêt européen quand on doute de la façon dont la justice est rendue quelque part ? Comment défendre des entreprises qui investissent dans des régions où elles peuvent être victimes de déni de justice ? Comment accepter les assassinats de journalistes qui enquêtent sur des détournements de fonds européens ?


Paradoxalement, Donald Trump nous aide et nous flatte. Il voit une Europe pas si naïve commercialement, en excédent. Il se heurte à un continent uni face à lui, prêt à parler de stratégie militaire européenne, mais pas comme il l’espérait. Le président américain demandait à l’Europe une augmentation des financements publics consacrés à la défense pour nous vendre plus d’armes. L’Union acquiesce à cette augmentation mais pour plus d’autonomie. Cette tension nouvelle a même amené Angela Merkel à aborder le point d’une armée européenne à la tribune du Parlement à Bruxelles.


Aujourd’hui, les grands défis se remportent à une échelle supranationale : écologie, sécurité, énergie, migration. Groupée, l’Europe réussit à juguler l’immigration. La réponse est nécessairement globale. De la même façon, pour dialoguer aujourd’hui avec les GAFA, une nation seule est trop petite, mais l’Union, elle, peut imposer des règles.


L’incompréhension entre les populations et les instances européennes perdure. Une vaste consultation sur la Refondation de l’Europe a été diligentée dans tous les pays membres, hormis l’Italie où le parti de Matteo Salvini a choisi de parler au nom du peuple sans le consulter préalablement. Pour Nathalie Loiseau, obtenir l’adhésion des Européens à un projet commun paraît plus que souhaitable.


Emmanuel Macron est un européen convaincu. Europe de la défense, crédits pour la recherche, travailleurs détachés, investissement extra européen dans les secteurs stratégiques, défense du commerce, université européenne, etc., le chef de l’État a fait 49 propositions pour l’Europe. 22 sont d’ores et déjà en cours de mise en œuvre.


C2M


 


 


 


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