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Les zones spécifiquement aménagées sur les pistes : quelles responsabilités ?

Les zones spécifiquement aménagées sur les pistes : quelles responsabilités ?
Publié le 15/03/2018 à 09:37

Les nouveaux aménagements, dont les plus courants sont les snowparks (pour reprendre cet anglicisme connu des pratiquants de ski), ont conduit les juridictions à s’interroger sur l’étendue de la responsabilité de l’exploitant, en cas d’accident.


En effet, de nouvelles questions se posent au regard de pratiques toujours plus innovantes, qui tendent à répondre à une demande de sensations originales de la part de la clientèle des stations, qu’il s’agisse de boardercross ou même du tout nouveau water slide.


Que se cache-t-il derrière de telles pratiques sur le plan juridique ?


Tout d’abord, il n’y aura plus de doute à avoir sur la nature de la responsabilité applicable sur le plan civil, contrairement aux hésitations de la jurisprudence s’agissant de la descente d’une piste. Rappelons qu’après s’être orientée vers la notion de responsabilité délictuelle, c’est-à-dire celle dégagée de tout lien contractuel, la jurisprudence s’est désormais attachée à la responsabilité contractuelle. La Cour de cassation a retenu peu à peu l’existence d’un seul régime, celui concrétisé par l’acquisition d’un forfait de ski qui fait naître, à l’égard de l’exploitant des pistes, une obligation de sécurité.


Cette obligation résulte désormais de l’article 1231 – 1 du Code civil (ancien article 1147 du même Code avant le 1er octobre 2016).


L’intensité de cette obligation de sécurité a été définie comme une obligation de moyens, c’est-à-dire celle  qui consiste à apporter les soins et les diligences normalement nécessaires pour atteindre un certain niveau d’absence de danger. Il est déjà tenu compte du rôle actif de l’usager qui emprunte une piste « ordinaire », adaptée à son niveau, et répertoriée selon un code couleur bien connu – noire, rouge, bleue, verte. Dans une zone spécifiquement aménagée, il convient de s’attacher certainement davantage au comportement particulier de celui qui vient réaliser des sauts, ou diverses figures acrobatiques dans cette zone.


Dans l’avant-projet CATALA, sur la réforme du droit des contrats, il était rappelé que la responsabilité du titulaire d’une obligation de sécurité était subordonnée à la preuve que ce dernier a manqué de prudence ou de diligence.


Cet aspect juridique, somme toute assez théorique et abstrait, se trouve confronté à une réalité pratique et concrète analysée par les juridictions qui sont amenées à statuer sur les accidents qui se sont déroulés dans des zones spécifiquement aménagées, ou en bordure de celles-ci.


 

Une responsabilité accrue en cas d’aménagements particuliers ?



À l’occasion d’un accident survenu sur un snowpark, dans un espace dénommé Easy Park, la cour d’appel de Chambéry était amenée à s’interroger sur l’étendue de l’obligation imposée à l’exploitant.


Dans un arrêt du 27 février 2014, la juridiction savoyarde posait un principe essentiel :


« L’espace Easy Park ne saurait être assimilé à une attraction de parcs de loisirs, avec un itinéraire obligatoire et totalement sécurisé, ce qui reviendrait à faire peser sur l’exploitant une obligation de résultat, alors que cet espace aménagé demeure une piste de ski, à l’intérieur de laquelle chaque skieur peut évoluer librement » (voir Carnet juridique du ski, n° 6. 36, page 226).


Cette analyse met en parallèle un élément fondamental de la pratique du ski, à savoir une évolution libre et responsable du pratiquant (adaptée à son niveau et à ses capacités techniques) avec le niveau exigé de l’obligation de sécurité du service des pistes.


Les magistrats pouvaient être tentés d’établir l’existence d’une obligation de résultat, c’est-à-dire assurant finalement une garantie totale aux usagers de parcourir la zone aménagée sans la moindre difficulté et en l’absence de tout risque. Cette exigence conduirait inévitablement à assimiler une telle zone à un véritable parc d’attraction. La rédaction de la décision précitée ne se prive d’ailleurs pas de cette référence pour l’écarter.


En effet, plus raisonnablement, la cour d’appel de Chambéry a considéré que le rôle actif de celui qui pénétrait à l’intérieur d’une telle zone nécessite de retenir uniquement l’existence d’une obligation de moyens.


En revanche, et à juste titre, les magistrats deviennent de plus en plus exigeants sur deux questions fondamentales lorsqu’un accident grave survient :


Le pratiquant était-il bien informé du fait qu’il pénétrait dans une zone aménagée, avec de ce fait, des niveaux de difficultés différents dans ce secteur ?


Les lieux, tels qu’ils étaient aménagés, présentaient-ils un danger anormal ou excessif ?


C’est dire que, peu à peu, l’obligation de moyens « simple » semble se transformer malgré tout, en une obligation de moyens « renforcée », car l’aménagement mis en place réclame une information et une vigilance particulière.


 


L’exemple des snowparks


Le 2 mars 2004, un jeune homme était victime d’un accident de snowboard, en chutant sur le dos à la réception d’un saut sur une bosse aménagée dans un snowpark. Les blessures subies ont malheureusement entraîné sa paraplégie.


Après différentes étapes judiciaires, c’est la Cour de cassation qui a été amenée à statuer définitivement, par un arrêt du 8 février 2017 (Carnet juridique du ski n° 6. 35 page 227-
1. ci-dessous).


La haute juridiction a d’abord relevé que les témoignages produits par le demandeur étaient trop imprécis, pour caractériser un danger anormal ou excessif, de sorte qu’à ce titre, il n’était pas démontré une faute de l’exploitant du domaine skiable.


Rappelant ensuite que compte tenu de la date des faits (2004), il n’existait pas alors de normes de références, les magistrats de la Cour de cassation insistent sur la présence d’un panneau entouré de deux triangles, contenant un point d’exclamation pour signaler le danger, la mention « attention » et les mots suivants : « l’utilisation du snowpark présente des risques/sachez évaluer votre niveau », ce qui constituait pour les magistrats une signalisation suffisante.


La responsabilité de l’exploitant n’était donc pas retenue.


C’est sensiblement la même analyse qui a conduit le tribunal de grande instance de Grenoble dans son jugement rendu le 9 février 2017 (2. ci-dessous). Il s’agit d’un jeune homme, skieur expérimenté, qui s’est grièvement blessé après avoir sauté un « big-air » situé dans un snowpark. Une enquête pénale classée sans suite, a permis d’établir les faits de manière précise.


Après s’être élancée à très grande vitesse, à tel point que l’un de ses amis a tenté vainement de lui faire signe de ralentir, la jeune victime « s’est envolée » à hauteur de plusieurs mètres mais malheureusement s’est retrouvée trop en arrière et s’est mal réceptionnée, de sorte que ses skis se sont trouvés à la perpendiculaire par rapport à l’axe de progression.


Le tribunal rappelait la jurisprudence constante qui retient que l’exploitant de ce type d’espace aménagé est tenu d’une obligation de sécurité de moyens, eu égard au rôle actif des pratiquants dans cette zone : il convenait donc pour la victime d’établir l’existence d’une faute contractuelle.


Cependant, ni le défaut d’information, ni l’absence de dispositif de sécurité n’ont été retenus par les premiers juges qui ont considéré que l’obligation de sécurité de moyens avait été respectée par le service des pistes dans cette zone.


Les magistrats prenaient soin d’indiquer – sans dénuer ainsi leur décision de toute considération compréhensible pour la victime – que « sans minimiser l’importance des blessures subies », il convenait de dire que l’accident n’était pas imputable à l’exploitant de la zone spécifiquement aménagée. Cette décision sera soumise prochainement à l’appréciation de la cour d’appel de Grenoble.


 


Un accident de Boarder cross


Au sens strict, le boarder cross désigne en réalité une compétition de snowboard dans laquelle quatre ou six snowboardeurs évoluent en parallèle sur un parcours : de ce fait, les zones d’évolution sont assez étroites et comprennent des virages cambrés, avec divers types de sauts mettant ainsi au défi le coureur de garder le contrôle de sa trajectoire, tout en maintenant une vitesse maximale. Il n’est évidemment pas rare, dans ces conditions, que les coureurs entrent en collision les uns avec les autres, très souvent à mi-course.


Les stations ont pris l’habitude de mettre en place des parcours utilisant la même terminologie, indifféremment destinés au skieur et au surfeur évoluant l’un après l’autre, mais toujours avec une idée d’un parcours comprenant des virages cambrés et des bosses spécialement aménagées. Là encore, il est impératif qu’une signalisation correcte soit mise en place afin que le pratiquant sache, en toute connaissance de cause, qu’il va emprunter un parcours spécifique qui n’est pas une piste habituelle.


Un accident survenu le 14 mars 2010 a conduit le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains à s’interroger sur une double faute à l’origine du dommage : après avoir emprunté un boardercross, ouvert à tous les skieurs, et avoir chuté suite au passage d’une bosse aménagée sur ce parcours, le skieur qui se trouvait au sol était heurté par un autre pratiquant venant de l’amont.


Les compagnies d’assurances avaient vainement tenté une répartition des responsabilités à titre amiable. Les magistrats hauts-savoyards saisis du litige ont dès lors été amenés à statuer le 6 juillet 2017
(3. ci-dessous).


Sur la responsabilité principale, extérieure aux présents développements, le tribunal retenait la responsabilité du skieur amont, considérant qu’il ne démontrait aucune faute de la victime située en aval, précisant que « le manque de rapidité (du skieur aval) pour se dégager du creux de la bosse à la réception de laquelle il avait chuté, ne pouvait lui être reproché ».


En revanche, l’auteur du dommage soutenait que la piste de boardercross ne comportait pas de délimitation ni de signalétique informant les usagers du niveau de difficulté au regard des sauts et des virages.


Il est assez curieux de constater que, dans cette décision, les magistrats procèdent à un véritable retournement de la charge de la preuve : en effet, il est reproché à l’exploitant de ne pas justifier de la présence d’un balisage en prévention des risques, alors qu’il appartient précisément au demandeur d’apporter les éléments de preuve de l’existence de la faute qu’il évoque.


Pour les premiers juges, « la piste en cause était particulièrement dangereuse au regard de ses virages et de la hauteur des buttes la composant », alors que précisément c’est la définition même d’un parcours de boardercross et que la notion de « danger excédant ceux contre lesquels un usager doit se prémunir par une attitude adaptée » n’est pas réellement prise en compte : il aurait fallu démontrer que les lieux n’étaient pas correctement entretenus, et/ou qu’ils comportaient un danger excessif.


Mais pour les magistrats, l’exploitant aurait omis de mettre en place un dispositif adéquat de protection, suggérant la présence de filets, lesquels auraient pu permettre d’éviter toute entrée d’un skieur à mi-parcours. La juridiction de première instance n’avait toutefois pas vérifié de manière précise, l’existence ou non de ces éléments de fait.


En définitive, le tribunal se déterminait sur un partage de responsabilité à hauteur de 50 %, c’est-à-dire que l’auteur principal – à savoir le skieur amont – se trouvait ainsi exonéré, en définitive, de la moitié des conséquences du dommage.


 


L’analyse d’une chute dans un water slide


Encore une nouvelle terminologie pour décrire une étendue d’eau artificielle, installée dans un espace aménagé, généralement au pied des pistes, longue de quelques mètres et profonde d’environ 40 cm que le skieur va parcourir à l’aide de son engin de glisse, après une prise d’élan sur une piste aménagée.


Le but du jeu est de traverser cette étendue d’eau sans chuter, en évitant ainsi de se mouiller.


Cette nouvelle discipline a été adoptée dans nombre de stations, considérant que cette activité sportive est accessible à tous, y compris aux enfants : la pratique est libre et non encadrée.


À la suite d’un accident du 12 mars 2014, le tribunal de grande instance d’Albertville rendait le 15 décembre 2017 (4. ci-dessous) une décision à la fois novatrice par le sujet, et intéressante sur le plan juridique.


En fin d’après-midi, vers 16 h 50, une skieuse adulte chute en évoluant sur le water slide aménagé dans la station : cette chute provoque une flexion de la colonne vertébrale ainsi qu’un traumatisme du rachis, fort heureusement sans conséquences graves.


Elle décide de mettre en cause la responsabilité de la station, demandant que celle-ci soit condamnée à réparer son préjudice.


Avant d’examiner la discussion au fond sur la responsabilité, la juridiction pose un principe extrêmement intéressant : elle indique que s’agissant d’une zone spécifiquement aménagée, si la responsabilité ne change pas de nature (entendons par là une obligation contractuelle de moyens), elle est d’autant plus renforcée et « doit être appréciée d’autant plus sévèrement que des aménagements spécifiques ont été apportés au terrain naturel, de nature à augmenter sa dangerosité », ajoutant que les pratiquants qui s’engagent dans ce type d’aménagement, en parfaite connaissance de cause, doivent eux-mêmes apprécier si le niveau de leur formation, leur forme physique et leur équipement sont compatibles avec les « dangers normalement prévisibles » dans ce type de zone.


Une première question se posait donc, sur la nécessité ou non de mettre en place une surveillance permanente à l’entrée de cette zone, une sorte de « vigie » contrôlant la capacité de chacun à effectuer le parcours (comment ?) et mettant en garde chaque candidat sur les risques de cet espace spécifique.


Le juge du fond retient que l’exploitant n’est pas tenu d’une obligation de surveillance en précisant qu’il n’a pas « la possibilité d’effectuer un contrôle permanent de l’utilisation de cet espace aménagé, par les skieurs ». C’est, en fait, toute la question de la signalisation de la zone qui s’impose : des panneaux indicatifs doivent être mis en place, souvent de couleur rouge/orangé très voyante, avec l’inscription en français et en anglais : « attention, ce parcours comporte des risques… » et d’éventuels rappels de sécurité. Les juridictions sont très vigilantes pour la vérification de l’existence d’une information suffisamment claire.


Ceci permet de vérifier s’il s’agit pour le pratiquant d’un choix délibéré de se retrouver sur un parcours particulier. En l’espèce, la juridiction relève que le jeune enfant de la victime s’était élancé, lui, sans la moindre difficulté, et que la victime elle-même, filmée par son époux, avait parfaitement conscience du fait que cette activité n’était pas encadrée, et qu’elle allait évoluer librement dans ce secteur.


La configuration des lieux est également mise en cause, la victime faisant référence à une sorte de « tremplin » ayant conduit à un envol. Cependant, il était versé aux débats une vidéo de l’accident malheureux, et cet élément de preuve a été largement pris en compte par la juridiction.


Était constatée l’absence de tremplin rendant l’activité particulièrement dangereuse, et le fait que le temps clair permettait une descente sans la moindre difficulté : la chute était intervenue après, ce que l’on pourrait qualifier, « d’amerrissage » – un nouveau vocabulaire qui vient s’immiscer curieusement dans l’univers des sports d’hiver !


La juridiction retenait ensuite que le pratiquant s’engageant dans une telle zone doit adopter une conduite prudente et avisée, au besoin après une reconnaissance préalable du terrain. Or, l’audition et le visionnage de la vidéo réalisée par l’époux de la victime ont permis au tribunal de constater que ce dernier criait énergiquement « en arrière, en arrière », preuve que la position de la victime n’était pas adaptée.


Ainsi, les juridictions prennent soin de vérifier s’il existe une dangerosité manifeste de l’espace aménagé ou si l’exploitant a commis un manquement à son obligation d’information, de mise en œuvre des moyens nécessaires à assurer la sécurité des utilisateurs.


En parallèle, contrairement à un mouvement plus général de responsabilité automatique, les tribunaux demeurent ici attachés à l’analyse stricte de l’attitude de celui qui pénètre dans une telle zone : le pratiquant fait le choix du parcours ; dès lors qu’il s’élance, il doit avoir conscience que ce genre d’activité comporte un risque de chute normalement prévisible, auquel il s’expose.


Cet équilibre, comme les deux plateaux de la balance de Thémis, tend à concilier liberté d’aller et venir et nécessité d’une sécurité minimale due par l’exploitant de ces nouvelles zones spécifiquement aménagées sur les pistes.


 


 


1. Chute sur le dos, à la réception d’une bosse aménagée dans un snowpark : la charge de la preuve d’un éventuel manquement de l’exploitant incombe à la victime. En l’espèce, aucune faute démontrée. Le snow-park était bien signalé et bien délimité : pas de danger anormal ou excessif – pas de danger manifeste en lien avec une prétendue trop forte pente.

Cour de cassation, 8 février 2017


Madame Batut, présidente


Madame le Gall, conseiller référendaire rapporteur


Madame Kamara, conseiller doyen


Pourvoi n° X 15-28 .025/Arrêt n°210F-D


Monsieur B. a été victime d’un accident de snowboard sur le domaine skiable de V., en chutant sur le dos à la réception d’un saut sur une bosse aménagée dans un snowpark. Les blessures subies ont entraîné sa paraplégie. (…)


Ayant estimé que les témoignages faisant état d’une piste gelée, de petits amas de glace et de certaines excavations, constituaient des observations imprécises qui ne caractérisaient pas un danger anormal ou excessif empêchant de franchir l’obstacle aménagé, la cour d’appel en a souverainement déduit qu’ils n’étaient pas susceptibles de démontrer une faute de l’exploitant ;


Ensuite, en énonçant qu’il appartenait à la victime de démontrer qu’au jour de l’accident, le module de saut était si dangereux que l’exploitant aurait dû l’interdire et le signaler, et après avoir rappelé que le snowpark était délimité et particulièrement signalé par un panneau entouré de deux triangles contenant un point d’exclamation pour signaler le danger, la mention du mot « attention » et les mots suivants : « ’utilisation du snowpark présente des risques/sachez évaluer votre niveau », et qu’à l’époque de l’accident, il n’existait pas de normes de références, la cour d’appel n’a fait que rappeler à qui incombait la charge de la preuve ;


Enfin, la cour d’appel a relevé que la pente de la piste d’impulsion était visible et que la preuve n’était donc pas rapportée d’un danger manifeste qui serait résulté d’une trop forte pente de cette piste, imprévisible pour un skieur averti (…) la mise en place d’une signalisation, après l’accident, ne pouvait être interprétée comme une reconnaissance de responsabilité ni un aveu du caractère anormalement dangereux de l’obstacle aménagé (…)


 

2. Accident grave dans un snowpark : jeune victime grièvement blessée. La responsabilité de l’exploitant est écartée : pas de défaut d’information, dispositif de sécurité suffisant, respect des mesures de prudence et de sécurité.


Tribunal de grande instance de Grenoble, 9 février 2017


Madame Hetier-Noel, présidente de la 6e chambre civile


Madame Durand, vice-présidente


Monsieur Callec, vice-président


Le 2 avril 2011, le jeune J. âgé de 19 ans, a été victime d’un accident de ski alors qu’il évoluait sur le snowpark exploitée par la société S. Il s’est grièvement blessé après avoir sauté le « big-air » : cet accident a entraîné une tétraplégie complète de niveau moteur C6 – C7.


 Trois reproches ont été formulés :


défaut d’information :


… il résulte des éléments de l’enquête que si les modules ne sont effectivement pas jalonnés de codes couleur comme le préconise la norme AFNOR BP S 52 – 107, ils sont très clairement délimités, et l’apposition de banderoles, et notamment celle « expert » informe suffisamment les usagers sur le niveau de difficulté particulier du module « big – air ».  Preuve en est d’ailleurs dans la mesure où les deux personnes qui skiaient avec la victime ont choisi de ne pas sauter, compte tenu de leur niveau, alors que J., dont le très bon niveau de skieur est acquis, a décidé, en toute connaissance de cause de passer cet obstacle.


La présence constante d’un personnel sur site ne s’avérait dont pas indispensable.


Absence de dispositif de sécurité :


Quand bien même certaines stations le font, il ne saurait être reproché à la société S. l’absence de délimitation de la zone d’élan, alors que, comme l’a fait justement remarquer l’agent de maîtrise de la société S, la zone d’élan varie notamment en fonction du type de ski, de la glisse, du saut envisagé, et qu’il s’avère plus adéquat de permettre aux usagers de décider par eux-mêmes de leur élan au cas par cas.


Absence de mesures de prudence et de sécurité


Il est constant que le jour de l’accident, les conditions météorologiques étaient bonnes et aucun élément n’établit que la piste était gelée. En conséquence, les demandeurs sont mal fondés à reprocher à l’exploitant de ne pas avoir fermé l’accès au big-air. (…)


Eu égard à l’ensemble de ces éléments, et sans minimiser l’importance des blessures subies, il convient de dire que l’accident dont a été victime J. n’est pas imputable à la société d’exploitation S.


 


3. Collision sur une piste de boardercross. Responsabilité en lien avec le dommage causé du fait des choses que l’on a sous sa garde à l’égard du skieur amont. Absence de faute du skieur aval. S’agissant de l’exploitant, absence de balisage en prévention des risques et absence de dispositif adéquat de protection sous la forme de filets, afin d’éviter toute entrée d’un skieur à mi-parcours. Responsabilité retenue à hauteur de moitié avec le skieur amont.


Tribunal de Grande instance de Thonon, 6 juillet 2017.


Monsieur Magnier : président


Madame Goddalis : vice-présidente


Madame Bourachot : juge


Le 14 mars 2010, sur les pistes de ski de la station de A, après avoir emprunté une piste de boardercross, ouverte à tous les skieurs, et avoir chuté suite au passage d’une bosse aménagée par le service des pistes, Monsieur F. a été heurté par Monsieur M.


Monsieur F. soutient que Monsieur M., en sa qualité de skieur en amont, a commis une faute en n’étant pas maître de sa vitesse et en ne s’assurant pas de la présence de skieurs en aval. Il affirme également que la société d’exploitation a commis une faute pour ne pas avoir mis en place de barrières de sécurité sur les deux côtés de la piste, cette absence de signalisation autorisant ainsi Monsieur M. emprunté la piste de boardercross alors qu’il a pénétré en latéral et non au départ de celle-ci.


(…) Le tribunal considère que Monsieur M. ne peut s’exonérer de sa responsabilité sur le fondement d’une faute commise par la victime dans la mesure où il ne démontre pas que Monsieur F. a commis une telle faute, ni la chute de ce dernier à réception d’une bosse, ni son manque de rapidité pour se dégager du creux de la bosse ne pouvant lui être reprochés.


En ce qui concerne l’exploitant du domaine skiable, il est soumis à une obligation de sécurité, qui constitue une obligation de moyens.


Tant Monsieur F. que Monsieur M. soutiennent que la piste de boardercross ne comportait pas de délimitation ni de signalétique informant les usagers de son niveau de difficulté compte tenu des sauts et des virages la constituant.


Il résulte des pièces produites aux débats que la société d’exploitation a non seulement négligé de procéder à cet endroit précis à une signalisation spécifique, ne justifiant nullement de la présence d’un balisage en prévention des risques, alors même que la piste en cause était particulièrement dangereuse au regard de ses virages et de la hauteur des buttes la composant, mais encore a omis de mettre en place un dispositif de protection adéquat sous la forme de filets afin d’éviter toute entrée d’un skieur à mi-parcours. (…)


Il y a lieu de prononcer un partage de responsabilité par moitié entre Monsieur M. et la société d’exploitation du domaine skiable.


 


 

4. Exploitant d’une zone spécialement aménagée : obligation de sécurité renforcée. Accident survenu dans un water slide. Absence de dangerosité manifeste de l’espace aménagé et information suffisante, accident en lien avec un mauvais positionnement de la victime : absence de responsabilité de l’exploitant.


Tribunal de grande instance d’Albertville, 15 décembre 2017.


Madame Tixier, présidente


Le 12 mars 2014, en fin d’après-midi (aux environs de 16 h 50), Madame B. a été victime d’un accident de ski en chutant alors qu’elle évoluait sur le « water slide » aménagé dans la station de ski X, activité qui permet d’opérer des glissades en ski sur un plan d’eau peu profond après une prise d’élan sur une rampe de lancement.


Cette chute a provoqué une torsion de la colonne vertébrale ainsi qu’un traumatisme du rachis.


En sa qualité d’exploitant des pistes de ski, la société X est tenue en application de l’article 1147 (ancien) du Code civil d’une obligation de sécurité de moyens à l’égard des usagers du domaine skiable ; cette obligation, sans changer de nature, est d’autant plus renforcée, et doit être appréciée d’autant plus sévèrement que des aménagements spécifiques ont été apportés au terrain naturel, de nature à augmenter sa dangerosité, nonobstant le fait que les pratiquants de la discipline sportive considérée, dûment informés de ces aménagements, doivent eux-mêmes apprécier si le niveau de leur formation, leur forme physique et leurs équipements sont compatibles avec les dangers et les risques normalement prévisibles ; la charge de la preuve incombe à la victime, qui ne doit pas se contenter d’établir qu’elle a une posture adaptée, mais doit prouver que l’exploitant a objectivement manqué à son obligation de sécurité (…)


La victime ne rapporte nullement la preuve que l’espace « water slide » n’était pas signalé ; les pièces produites aux débats montrent au contraire que cet espace était signalé par un panneau rouge/orangé contenant la mention en gros caractères et en majuscule « ATTENTION » (…)


D’ailleurs, le fait que l’époux de la victime ait pris une vidéo de cette descente établit formellement que celle-ci était prévue par Madame B., qui a fait le choix délibéré de s’adonner à cette activité en toute connaissance de cause, faisant notamment la queue au milieu d’autres skieurs pour prendre son tour, et autorisant même son jeune enfant à s’y élancer, ce qu’elle confirme dans son attestation ; elle n’a pu que s’apercevoir que cette activité n’était pas encadrée, et que dans ces conditions elle devait, comme tout skieur, évoluer librement.


Il résulte des photographies tirées de la vidéo que la pente d’élan est tout à fait modérée et qu’elle ne comporte aucun obstacle, de nature à mettre en exergue un défaut d’entretien, pas plus qu’un tremplin rendant cette activité particulièrement dangereuse ; elles démontrent que la descente, et effectuée par temps  très clair, que la chute est intervenue juste après l’amerrissage, sans aucune phase d’envol, Madame B. inclinée en avant, ayant une mauvaise réception sur l’eau et basculant en avant.


Enfin, la victime ne peut utilement reprocher à la société X de ne pas lui avoir signalé les positions à proscrire et celles à adopter, celles-ci étant identiques à celles de la pratique du ski, et l’usager d’un water slide, devant avoir une conduite prudente et avisée et devant s’assurer d’une progression sans danger, au besoin par une reconnaissance préalable du terrain. (…)


En tout état de cause, il n’est nullement établi une dangerosité manifeste de l’espace aménagé ou que l’exploitant ait objectivement manqué à son obligation d’information, ou qu’il n’ait pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour assurer la sécurité des utilisateurs. La chute, qui n’est due qu’à un manque de maîtrise et à l’inexpérience de Madame B. sur cette zone un peu particulière, mais sur laquelle elle a fait le choix de s’élancer, constitue un risque inhérent à la pratique du ski, étant précisé que dans ce genre d’activité, le risque de chute est normalement prévisible puisque le but est précisément d’éviter de tomber dans l’eau.


Pour l’ensemble de ces raisons, Madame B. ne peut qu’être déboutée de ses demandes.


Maurice Bodecher,

Avocatcimes


 


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