L’Institut des relations internationales et
stratégiques (IRIS) a parrainé l’Observatoire des Criminalités
Internationales (ObsCi) pour sa première conférence autour de Michel
Debacq, avocat général près la Cour de cassation, et Charlotte Moge, maître de
conférences en histoire et études italiennes à l’université Lyon 3. Gaëtan
Gorce et David Weinberger, membres de
l’IRIS, ont encadré la discussion.
Michel
Debacq a évoqué l’historique de la lutte contre le crime organisé. Il a centré
son propos sur la Convention ouverte à Palerme du 12 au 15 décembre 2000, tenue sous l’égide des Nations unies,
contre la criminalité transnationale organisée. La longue période depuis
l’après-guerre jusqu’à l’adoption du texte de cette Convention fondatrice de
portée mondiale, a été parcourue d’événements aux retentissements de plus en
plus vastes. À Palerme, pensons aux assassinats de la Torre
et de dalla Chiesa en 1982, de Falcone et de Borsellino en 1992, et
considérons d’autre part les connexions révélées par les enquêtes, trop peu
nombreuses, conduites avec difficulté dans le monde entier, au gré de
l’expansion et de l’intensification de l’activité des réseaux criminels.
Palerme est indubitablement le catalyseur universel de la volonté solennelle de
lutte contre la criminalité organisée. Celle-ci peut se scinder en trois époques.
Période 1980-2000 (avant la signature de la
convention de Palerme)
Le trafic de stupéfiants a largement pesé dans le fondement de la
criminalité organisée. Dans les zones de demande intense comme l’Amérique du
nord ou l’Europe de l’ouest, les stupéfiants (héroïne, cocaïne, cannabis)
occupent une place majeure au cours de cette période. La mise en œuvre de leur
trafic sur le territoire structure l’histoire de la criminalité organisée.
Pendant l’entre-deux-guerres, la cocaïne et l’héroïne avaient certes déjà de
l’importance, cependant, après la guerre, les trafics antérieurs de cigarette
blonde, d’émeraude colombienne, de piastre indochinoise, etc. disparaissent.
Les matrices traditionnelles sont submergées par les produits stupéfiants. Les
revenus induits par les recettes illicites amenées par leur trafic consolident
les mafias. L’exemple est flagrant en Italie, mais il l’est également en Amérique du nord et du
sud (Colombie, Mexique), voire même dans les milieux européens moins organisés (France). La puissance des trafiquants,
de drogues et perçue comme une menace, provoque la riposte des états. Les USA votent la loi Rico, au
début des années 80, axée sur la lutte contre la criminalité organisée.
En France, la loi du 31 décembre 1970 annonce déjà l’engagement des polices judiciaires sur une portée étendue. Une brigade des stupéfiants renforcée est installée par Marcel
Morin dans les Bouches du Rhône, qui coordonne l’aspect judiciaire de la lutte.
Plus de dix ans avant la mort de Giovanni Falcone, a lieu
l’assassinat de Pierre Michel, le 21 octobre 1981. Le juge Michel travaillait déjà sur
l’organisation criminelle mafieuse Cosa Nostra et sur ses liens avec le milieu
marseillais. L’élément déterminant dans l’apparition d’une nécessité de réaction
est la tragédie de Capaci. À ce
moment là se déroule l’assassinat de Giovanni Falcone, de son épouse et de son
escorte, le 23 mai 1992, suivi quelques semaines plus tard par
celui de Paolo Borsellino, le procureur de Marsala.
L’assassinat de Falcone est un acte terroriste. La criminalité organisée
peut, bien entendu, recourir à de telles méthodes. Dans les années qui ont
suivi ce meurtre, des bombes ont été placées par la mafia, à la galerie des
offices de Florence, et au Vatican. Les exécutions de magistrats et de
fonctionnaires de police se sont enchainées. Ces meurtres révèlent un mode de
fonctionnement temporaire des cartels colombiens, mexicains et des mafias
italiennes qui instaure la peur. Mais il ne s’agit pas d’activités terroristes
en soit, ces dernières ont d’autres techniques, d’autres intentions.
L’organisation mafieuse poursuit exclusivement deux buts : l’expansion sur le territoire de sa zone de contrôle,
et l’augmentation de sa capacité à faire fructifier et blanchir ses revenus
illicites. Elle ne s’intéresse pas à autre chose. En revanche, si l’état heurte ses objectifs, elle peut
utiliser des moyens violents de représailles. L’emprise territoriale de la
mafia est très importante dans les années qui précèdent la Convention de
Palerme. Cosa Nostra en Sicile, Ndrangheta en Calabre, Camorra à Naples,
Sacra Corona Unita ailleurs en Italie, cartel de
Medellin et de Cali en Colombie, la justice et la police comptent des dizaines
de victimes dans leurs rangs. Chine, Mexique, France, Espagne, Allemagne,
Angleterre, des connexions s’instaurent entre les criminels du monde entier. La
zone d’influence se conçoit comme une région, une ville, ou encore comme un
emplacement stratégique (port, aéroport). Elle s’acquiert par la force et la terreur.
Simultanément, il faut considérer l’emprise économique qui, elle, s’impose par
les moyens financiers et la corruption. Dans les territoires contrôlés,
s’instaurent le racket (pizzo), le recel, le blanchiment, les alliances
étrangères.
Période 2000-2003 (trois protocoles essentiels de
la convention)
Les ripostes nationales manquaient d’envergure par rapport aux enjeux,
mais surtout, l’entraide internationale était très insuffisante. Il
importe dès lors pour les États d’ajouter aux conventions spéciales sur la
drogue datant de 1961, 1971 et 1988 des axes de lutte adaptée.
Europol et Eurojust sont créées et débouchent en 1999 sur le Sommet de Tampere, consacré pour moitié à la lutte contre le crime
organisé. Le programme européen facilite le rôle
de l’UE
dans la naissance de la Convention des Nations unies de 2000. L’Union
européenne partage un entrain commun avec les États-Unis, le Mexique, et
certains pays africains qui booste le texte signé en décembre 2000 à Palerme. Parallèlement, sont menés d’importants travaux contre la
corruption et le blanchiment, par le groupe d’États contre la corruption (GRECO)
et le groupe action financière (GAFI). L’accord signé par 189 États entre en vigueur en 2003.
Il rapproche la cohérence pénale des pays pour favoriser
l’entraide répressive. Il facilite des incriminations puissantes :
participation à un groupe criminel organisé, blanchiment du produit des
activités criminelles conduites, corruption, entraves aux missions de justice
pénale et de police judiciaire.
Il vise à permettre aux autorités compétentes d’accroître
leurs capacités de coopération, notamment dans l’entraide répressive et dans
les procédures d’extradition.
Trois
articles sont particulièrement importants dans cette Convention. L’article 2 pose une définition du groupe criminel
organisé. Celui-ci apparaît dès que cinq personnes le composent. L’article 3 établit le caractère transnational des infractions
pertinentes pour lesquelles les états
sont obligés de coopérer. L’article 10 prévoit la responsabilité des personnes morales dans les activités de
criminalité organisée.
Sont également prévus trois protocoles qui permettent de couvrir la
majeure partie du champ infractionnel. Le premier concerne la traite des êtres
humains, l’esclavage, l’exploitation sexuelle, le travail clandestin, les
prélèvements d’organes. Le second prend en charge le trafic des migrants par
terre, air et mer. Le troisième s’oppose au trafic des armes à feu de petit
calibre.
Aujourd’hui (les suites
de la Convention)
Depuis 2018,
il est prévu que chaque État soit audité
régulièrement sur la mise en œuvre de ce texte. En dépit des
engagements, vingt ans après la signature, la criminalité organisée est
toujours là, de plus en plus forte. Plusieurs éléments sont à prendre en compte :
• la présence de l’économie financière illégale dans le système global
est colossale. Son estimation se c hiffre à
près de 4 % du produit brut mondial, soit 2 000 milliards de dollars annuels ;
• l’utilisation du dark net, des réseaux criminels mais aussi des
intranets cryptés sophistiqués ne cesse de croître ;
• la compensation permet à l’argent de circuler partout ;
• les repères éthiques et prudentiels dans nos relations avec l’argent
sale disparaissent. Les formes indécelables d’investissement fiduciaire se
multiplient.
Par
ailleurs, Michel Debacq constate un affaissement, voire la disparition des
structures étatiques d’enquêtes judiciaires et de répression pénale dans
quelques régions.
En découle soit une militarisation de la réponse (pays africains, Mexique),
soit l’instauration d’une sorte de pacte. Il faut que les nations comme
l’Italie, les USA, qui ont une expérience concrète du problème, mais aussi
l’Union européenne aident les États faillis avec des programmes de coopération
qui tiennent compte de la réalité des capacités déjà en place. Beaucoup de
soutiens apportés s’avèrent inefficaces. Les pays en question doivent se
construire une police judiciaire et une justice pénale. Pour certains d’entre
eux, les tribunaux n’ont même pas de dossiers dans leurs locaux. L’activité des
magistrats reste un point d’interrogation. Les affaires de criminalité
organisée et de corruption n’existent pas ou sont réduites à la portion
congrue. On ne lutte pas contre les mafias autrement qu’avec de la coercition
civile, c’est-à-dire la police judiciaire et la justice pénale. Cette mission
n’est pas militaire ni paramilitaire, elle demande de mener des enquêtes qui
aboutissent ; la compétence judiciaire doit être privilégiée. La justice
pénale doit être organisée, spécialisée, centralisée. Malheureusement, nombreux
sont les États qui n’ont pas un système suffisant (notamment sur le continent
africain). Tous les pays n’ont pas la capacité de tenir un grand procès contre
une puissance occulte.
Une fois que
l’autorité judiciaire a pu être établie, il convient d’assurer sa pérennité.
Ensuite, la structure doit fournir des réponses adaptées. Les capacités
d’enquête transfrontière doivent bien entendu prendre en compte des réalités
qui n’existaient pas en 2000, comme les activités criminelles dans le cyber.
Quelques points de
sociologie
De tout temps,
des groupes criminels plus ou moins élaborés ont existé. Un grand changement
apparaît après la Seconde Guerre mondiale et s’accélère dans les années 80. Les
structures mafieuses internationales, à vocation acquisitive, voient leur
économie illégale s’amplifier avec la libéralisation et la globalisation des
échanges. Les douaniers les premiers le constatent, la quantité de conteneurs
transportés dans le monde augmente. Empiriquement, 1 à 2 % de leur valeur économique
contribuent à des activités illégales. Le business de la drogue est
devenu central dans l’économie criminelle. Il est difficile
d’identifier avec précision les revenus qu’il génère. Cependant, pour les
experts, il compterait pour 30 à 50 % des recettes criminelles,
indique David Weinberger.
De nos jours, les différentes mafias se sont saisies des opportunités
offertes par les flux migratoires. La législation italienne organise localement
les comptes par des appels d’offres qui sont souvent remportés par des entités
proches de la mafia. Cette dernière profite de cette situation pour détourner
l’argent normalement alloué aux ressortissants étrangers. Paradoxalement, c’est
donc la loi italienne qui permet la mise en place de ces pratiques. Certes la
justice italienne ne l’a pas caractérisée en association mafieuse, mais un
réseau de corruption a bien été démantelé dans ce registre à Rome. Des individus étaient très impliqués
dans les camps de migrants. Plutôt qu’une activité de passeur, leur objectif
était de se trouver dans la chaine de gestion des centres au moment où il est
possible de capter de l’argent. Des financements nationaux et européens sont
effectivement attribués quotidiennement aux migrants. Le principe consiste donc
à s’infiltrer pour essayer de siphonner ces sommes. Un autre filon pratiqué est
d’exploiter la main d’œuvre clandestine,
bon marché, pour tous les travaux agricoles, notamment dans le sud de l’Italie.
Le phénomène de caporalato, forme d’esclavage agricole des clandestins,
s’adresse à ceux qui remontent depuis le sud de la botte pour rejoindre les
autres pays de l’UE. Chemin faisant, ils travaillent dans les champs pour des
salaires dérisoires sur lesquels ils sont encore rackettés.
Il faut bien faire la distinction entre terrorisme et activité criminelle
en vue de l’obtention d’avantages financiers ou matériels. Dans le second cas,
l’objectif est la recherche pérenne de puissance semi politique et la mainmise
sur l’économie régionale. Les groupes djihadistes disposent désormais de
suffisamment d’armes, ils n’ont plus la nécessité de se mobiliser pour
recueillir un profit matériel ou pécuniaire. Lorsqu’une organisation terroriste
se livre au trafic de cocaïne, par exemple, il s’agit d’une étape transitoire
de financement. La théorie de l’hybride criminel terroriste demande à être
maniée avec parcimonie.
Au-delà de
l’action professionnelle du policier, du magistrat, du douanier, se pose la
question de l’impact de la criminalité internationale sur notre société à
plusieurs niveaux. D’abord, paradoxalement, l’activité de la délinquance
ordinaire est un stimulateur politique important, car les électeurs ont une
opinion sur la sécurité. Elle est liée aux problématiques que le citoyen
rencontre au quotidien dans la rue, dans les transports en commun. De son côté,
la grande criminalité, moins visible, n’inspire pas les scrutins, même si elle
a bien plus d’effets nocifs. Financièrement, ensuite, une partie de l’argent
généré par la société est captée par les groupes mafieux qui ne participent pas
à la solidarité économique et ne payent pas d’impôts. Et pourtant, leur impact
économique prend de telles proportions, dans certaines régions, qu’ils déstabilisent le pouvoir légitime (États faillis, fragilisés
d’Amérique latine ou d’Afrique). L’Europe de l’ouest et l’Amérique du nord mésestiment
l’influence de la sphère financière criminelle.
Enfin,
polar, série télévisée ou fiction, l’image fantasmée du banditisme a des
conséquences sur la population, notamment sur la jeunesse. À côté du policier et du truand est
apparu un personnage moderne. C’est un entrepreneur un peu libertaire, rendu
romantique parce qu’il s’exempte des règles pour s’enrichir et vivre en homme
libre. Il propage une forme de fascination pour les criminels. Cette fiction
ignore la réalité. Les grands criminels sont sans foi ni loi. Ils ne
s’intéressent pas à autrui. Ils torturent, massacrent, assassinent pour s’enrichir. Malgré cela,
dans certaines zones du monde, la jeunesse est poussée à oublier que ce modèle
est extrêmement destructeur.
L’expérience italienne
Les trois
principales mafias italiennes, apparues dans la première moitié du 19e siècle, s’appellent
Cosa Nostra en Sicile, la Camorra en Campanie, et la plus puissante de toutes,
la N’dranghetta en Calabre. Une quatrième organisation, la Sacra Corona Unita,
dans les Pouilles, est née il y a une quarantaine d’années. Les trois premières
ont émergé au moment de l’unité italienne. Elles ont profité
des faiblesses du jeune royaume italien pour asseoir leur position d’autorité
concurrente à celle de l’État. Leur longévité s’explique par le contrôle
qu’elles exercent sur leurs territoires d’origine et sur les populations qui y
habitent. Leur emprise leur permet de
pénétrer le tissu économique et de le taxer à tous les stades. Par
ailleurs, elle leur donne de l’influence sur les votes. En effet, pour chaque
élection, elles disposent d’un nombre de voix suffisant pour orienter le
résultat et instaurer un rapport de force avec une partie de la classe
politique. Cette relation étroite des représentants politiques au niveau local
ou national renforce le rôle antagoniste de des mafias par rapport à l’État.
Elle donne aussi un des points d’accès à
leur infiltration dans l’économie légale.
Fin des années 70, début des anées 80, plusieurs
guerres se déclarent dans tous les territoires. Elles s’accompagnent
d’assassinats de figures importantes parmi lesquelles des représentants de
l’État. Cette explosion de violence oblige le gouvernement à se
saisir du sujet, indique Charlotte Moge. Aussi,
à partir de 1982, l’Italie se dote-t-elle d’une solide législation, dite
urgentiste, pour combattre le crime organisé. L’arsenal législatif adopté fait
figure de modèle en Europe et dans le monde : définition juridique de l’association
mafieuse et mesures phares comme la confiscation des biens,
la protection des repentis, l’isolement carcéral pour les chefs mafieux, ou
encore la dissolution d’administration publique pour infiltrations mafieuses.
En Italie,
tous les épisodes tragiques, en particulier les assassinats des juges Falcone
et Borsellino en 1992, ont fait naître une mobilisation citoyenne aujourd’hui
structurée en mouvement antimafia. Cet élan de la
population se caractérise par son dynamisme associatif et par la célébration active de la mémoire des victimes. S’ensuivent des actions de grande ampleur, comme par exemple des
programmes d’éducation à la légalité, dispensés dans les écoles de toute la
péninsule.
Pour sa part,
la formation universitaire a longtemps laissé un grand vide sur ce périmètre.
Nando Dalla Chiesa est le fils du préfet assassiné à Palerme en 1982.
Sociologue, journaliste, militant politique, il a été conseiller municipal à
Milan, parlementaire, sénateur et aussi secrétaire d’état à l’enseignement supérieur. Il préside Libera, la plus
grosse ONG antimafia du pays, qui regroupe un réseau de près de 1 600 associations. Enseignant chercheur à la
faculté de sciences politiques de Milan, Nando Dalla Chiesa crée en 2009 un cours optionnel transversal conçu comme un
complément de formation accessible aux étudiants de toutes filières. La
criminalité mafieuse étant protéiforme, l’enseignement dispensé se veut pluridisciplinaire. Le
module, baptisé « sociologie de la criminalité organisée », rencontre un véritable succès. Son volume horaire et les demandes d’inscription
augmentent année après année. Ce cours optionnel a été le précurseur à la
naissance d’une véritable discipline académique, elle-même devenue
spécialisation possible pour les étudiants de sciences politiques. D’autres modules ont été ouverts à la suite de
celui-ci : sociologie et méthodes de l’éducation à la légalité ; organisations
criminelles globales ; art, culture et criminalité organisée ; sociologie de la
mémoire ; géopolitique et criminalité organisée ; ou encore légalité et
criminalité organisée. L’activité universitaire a des conséquences concrètes,
telles la création d’un laboratoire de journalisme antimafia à la faculté de
Milan, qui a débouché sur le site stampo antimafioso, particulièrement bien
documenté. La multiplication des études de cas réalisés par les étudiants qui
rédigent un mémoire (une quarantaine par an) enrichit régulièrement les
connaissances sur la présence mafieuse au nord de la péninsule. Les résultats
des études donnent une mesure du degré d’infiltrations en Lombardie et en
Emilie Romagne, ainsi que des mécanismes de colonisation du tissu économique.
La
solidité de la communauté scientifique qui travaille la matière repose sur
plusieurs éléments.
• En premier lieu, sur l’organisation
d’événements pluri-participants qui regroupent des étudiants, des militants
anti mafia, des membres des forces de l’ordre, des avocats, des fonctionnaires
mais aussi des personnes du milieu bancaire ou entrepreneurial. Depuis 2011, la
Summer School propose une semaine de formation intensive ouverte à tous
sur une thématique spécifique renouvelée chaque année. D e même, en 2012 a été créé le cours scénarios internationaux de la criminalité
organisée. Là aussi, le sujet change chaque année, souvent dicté par l’actualité. La
communauté participante ne se limite pas au monde universitaire et alimente une
synergie entre les différents acteurs.
• En second lieu, sur la proposition d’un
cours avancé de sociologie de la criminalité organisée qui traite de problèmes
méthodologiques : comment produire des analyses
ancrées dans la réalité ? Comment traiter les entretiens directs ? Comment obtenir des sources judiciaires ? Comment mener une enquête
de terrain ?...
• En dernier lieu, sur la création d’une structure pour la communauté
scientifique et d’un média. C’est le rôle de l’Osservatorio sulla
Criminalità Organizzata (CROSS, observatoire de la criminalité organisée),
initié à Milan en 2014. Ce centre de recherche produit des rapports pour les
institutions et pour le secteur privé. Parallèlement, il existe une revue
spécialisée, la Rivista di Studi e Ricerche sulla criminalita organizzata,
périodique trimestriel en libre accès, unique en Italie, qui diffuse les études les plus significatives
sous forme d’articles, souvent par le biais de numéro thématique.
Structure
et support constituent l’ensemble qui autorise « la recherche action ». Les membres de l’observatoire ont été plusieurs fois sollicités pour la
rédaction de rapports par les commissions parlementaires antimafia nationales
et régionales. Ils ont aussi été appelés à piloter un comité de vigilance avant
l’exposition universelle tenue à Milan en 2015, afin de limiter les risques
d’infiltrations mafieuses dans les travaux lors de la construction du site. Les
expertises se sont effectivement matérialisées par des mesures telles que
l’invention d’un certificat antimafia délivré aux entreprises ou encore
l’exclusion en procédure accélérée sur ordre du préfet des fournisseurs douteux
dans les appels d’offres.
Les recherches menées alertent
les pouvoirs publics. Elles expliquent les mutations et les mécanismes de
conquête des mafias hors de leurs zones traditionnelles. Les connaissances
acquises par l’observation et l’analyse universitaire délivrent un savoir de
qualité mis à la disposition des administrateurs. Grâce au soutien financier de
la commission parlementaire antimafia de la région Lombardie et de l’université
de Milan, le doctorat de sociologie de la criminalité organisée a été créé en
2017. Son objectif est de donner tous les ans à l’Italie cinq ou six
spécialistes de la criminalité mafieuse.
La formation
hyper spécialisée délivrée inclut des dimensions essentielles parfois internationales. Elle aborde
notamment l’analyse sociologique mais aussi juridique du concept d’association
mafieuse, l’étude de la jurisprudence, les relations mafieuses internationales,
l’entreprise mafieuse, son expansion, l’ingérence dans l’économie légale, la
criminalité financière, le blanchiment. Sur le volet social, elle traite de
l’éducation à la légalité, des mouvements antimafias, de la législation
antimafia, de l’administration des biens confisqués. Les thèses soutenues ont
souvent une dimension comparative entre l’Italie et un autre pays. Seules deux
autres universités proposent des cours de sociologie de la criminalité
organisée : Turin et Bologne.
Les
gouvernements et les services de lutte contre la criminalité ont besoin de tous
les moyens disponibles pour préserver la société, la démocratie et l’économie
de l’ingérence des mafias. L’action de l’ObsCI vise à encourager les travaux de
recherche universitaire, et notamment ceux consacrés à ces questions.
C2M