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Ordre des avocats du barreau de Lyon - Avocat : une profession genrée ?

Ordre des avocats du barreau de Lyon - Avocat : une profession genrée ?
Publié le 22/01/2019 à 14:56

à l’initiative de Laurence Junod-Fanget, bâtonnière du barreau de Lyon en 2016-2017 et aujourd’hui membre de la commission « égalité » au CNB, le barreau de Lyon – deuxième barreau de France après Paris en termes d’inscrits – a réalisé une étude portant sur l’égalité femmes-hommes au sein de son barreau. Alors que nous assistons de manière générale à une féminisation de la profession d‘avocat (en 2009, selon le ministère de la Justice, la proportion de femmes dépasse pour la première fois celle des hommes), « l’égalité femmes-hommes dans la profession n’est pas atteinte, tant en termes de carrière que de rémunération » assure-t-il.





En novembre 2017, l’Égalité entre les femmes et les hommes a été déclarée grande cause nationale par le président de la République Emmanuel Macron. Deux ans auparavant, le Conseil national des barreaux (CNB) exprimait déjà sa mobilisation en votant au début de l’année 2015 « en faveur de la création d’une nouvelle commission “Égalité” en son sein, se révélant être un besoin nécessaire dans un contexte d’évolution rapide de la profession, toujours marquée par des inégalités entre les hommes et les femmes ».


Le barreau de Lyon s’est à son tour emparé de cette question. En effet, en janvier, il regroupe 3 359 professionnels, soit 5 % des professionnels français (contre 42 % rien que pour Paris), faisant de lui le deuxième barreau de France. Fort de cette représentativité, ce dernier a lancé auprès de tous ses inscrits un questionnaire. Avec un taux de réponse de 31 %, le barreau a publié les résultats de cette enquête.


 


Le profil type de l’avocat aujourd’hui :  une femme de moins de 50 ans


Outre le fait que la profession s’est rapidement développée (au 1er janvier 2017, 65 480 avocats ont été recensés en France ; en 2002, ils étaient 39 454), elle s’est aussi fortement rajeunie (selon les travaux réalisés par Kami Haeri en 2017, « 45 % des membres [de la profession] ont moins de 40 ans et 75 % moins de 50 ») et féminisée. Aussi, en vingt ans, le taux de femmes exerçant le métier d’avocate a doublé, pour atteindre, en 2017, 55,4 %. « Cette tendance se traduit par une entrée de plus en plus forte des femmes dans la profession et un vieillissement des hommes qui exercent : l’âge moyen des femmes avocates est moins élevé que celui des hommes. » Et selon l’association Femmes et Droit, cette évolution devrait se poursuivre : en France, en 2016, 70 % des élèves dans les écoles d’avocats étaient des femmes. « Cependant, et malgré cette féminisation croissante, l’égalité femmes-hommes dans la profession n’est pas atteinte, tant en termes de carrière que de rémunération » déclare le barreau de Lyon.


À Lyon, 1 432 hommes et 1 927 femmes sont inscrits, représentant respectivement 43 % et 57 % des effectifs, un taux de féminisation légèrement supérieur à la moyenne nationale. Toutefois, les femmes ont davantage répondu aux questionnaires proposés par le barreau que les hommes : les chiffres ne sont donc pas représentatifs du barreau, mais sont à analyser selon les groupes (femmes/hommes). On peut toutefois en ressortir cinq grandes tendances.


 


Femmes, hommes : quelle spécialisation ?


Au sein de la profession, la spécialisation s’explique-t-elle selon le genre ? L’étude révèle que les femmes sont plus attirées par le domaine social, alors que les hommes s’orientent plus vers le droit fiscal ou le droit des affaires. En effet, les avocats sont 48 % à exercer en droit des affaires et 28 % en droit fiscal, alors que leurs consœurs féminins sont 41 % à déclarer être spécialisées en droit des personnes ou en droit social.


Cette distinction, s’expliquerait par le fait que les femmes privilégieraient leurs « convictions personnelles » dans le choix de leur spécialisation, mais aussi sociologiquement. En effet, les rédacteurs du rapport expliquent qu’« inconsciemment, dû à une socialisation différenciée, les femmes sont plus encouragées à réaliser un travail de care [comme capacité à “prendre soin” d’autrui (C. Gilligan)], généralement moins bien rémunéré et dévalorisé, et les hommes encouragés à entreprendre des carrières appréciées socio économiquement ».


 




 



Des modes d’exercice inégaux


Comme le révélait déjà l’enquête « Conditions de travail et expériences des discriminations au sein de la profession d’avocate en France » présentée par le Défenseurs des droits Jacques Toubon en mai dernier (voir JSS numéro 40 du 6 juin 2018), les statuts ne sont pas les mêmes au sein des cabinets, que l’on soit un homme ou une femme : les avocates sont davantage collaboratrices, et les avocats, associés. « Les modes d’exercice majoritairement investis par les femmes ne résultent pas toujours d’un choix, mais, d’après certaines réponses, de difficultés à s’installer ou à s’associer, suite, par exemple, à des ruptures de contrat après un congé maternité » explique-t-on dans ledit rapport du barreau de Lyon. L’étude rappelle ainsi que la carrière d’une femme évolue plus lentement que celle d’un homme.


 


Conciliation des modes de vie


Alors que le taux de célibat et de non-parentalité apparaît plus élevé chez les femmes, celles-ci sont plus nombreuses à considérer la parentalité comme un « facteur qui entrave la carrière professionnelle ». En effet, l’étude souligne que les changements d’exercice des femmes ne répondent pas à un choix, mais à une adaptation à la vie de famille (grossesse, temps de vie, amplitudes horaires non-adaptées…). Citant certains chiffres établis, l’étude rappelle que « deux fois plus de femmes quittent la profession après dix ans d’activité ».


 


L’avocature, victime de sexisme ordinaire


Lorsqu’on interroge les femmes sur leur rémunération, elles sont plus de la moitié à considérer percevoir, à travail équivalent, une rémunération inférieure à celle de leur confrère masculin. Alors que 70?% soulignent que c’est le cas depuis le début de leur carrière, elles sont plus d’un quart à ne le relever toutefois que depuis la naissance de leur première enfant. Le sexisme des confrères ou des clients en serait la cause, pour plus de la moitié des interrogées.


 


Une rémunération inégalitaire


« Le constat est toujours le même : les hommes ont tendance à avoir des revenus plus élevés que ceux des femmes. » déclare-t-on dans l’étude menée par le barreau de Lyon. Plus le salaire est élevé et plus l’écart se creuse ; la différence la plus flagrante étant chez les associés, avec un écart de 45 points lorsque le salaire dépasse les 100 000 euros par an. Cet écart continue de s’étendre avec le nombre d’années professionnelles, et ce dans tous les domaines du droit. En effet, en début de carrière, la différence de salaire entre un homme et une femme est de 9 points et atteint son apogée entre dix à vingt ans de carrière, avec un écart de 46 points (chiffres 2015).


Alors qu’en 2018, 135 barreaux sur 164 avaient déjà eu à leur tête une femme bâtonnière, la volonté d’établir une égalité femmes-hommes au sein de la profession semble s’affirmer.


 



 


Constance Périn


 


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