Dans
le dernier épisode de notre podcast, la commissaire de justice Christelle
Maréchal aborde le quotidien foisonnant de sa profession, où la prévention et
la pédagogie ont un rôle central.
Sa
simple évocation suffit parfois à faire frémir. Huissier de justice. Vient
immédiatement en tête l’image d’une expulsion mouvementée, d’un constat
d’adultère abracadabrant ou d’une saisie théâtrale. Parmi les professionnels du
droit, les huissiers, pourtant discrets et peu présents sur la scène
médiatique, jouissent d’une réputation d’enquiquineurs qui leur colle à la
peau.
Mais
en dépit des poncifs dont ils font l’objet, ceux que l’on appelle désormais
commissaires de justice, depuis que les huissiers et les commissaires-priseurs
judiciaires ont fusionné à l’été 2022, seraient-ils, au fond, bien moins
sinistres et indélicats qu’il n’y parait ?
« Ce
n’est jamais de gaieté de cœur »
C’est
en tout cas ce que s’attache à démontrer au quotidien Christelle Maréchal.
Commissaire de justice dans l’est de la France, notre invitée pour le deuxième
épisode de notre podcast « Raide comme la Justice »
témoigne d’un métier varié, de terrain : rendez-vous clients, significations
d’actes (assignations, etc.), exécutions (recouvrement d’impayés, etc.),
participations à des sous-commissions de prévention des expulsions locatives,
inventaires de mobilier (par exemple dans le cadre d’une procédure de mise sous
tutelle…).
« On parle toujours de l’expulsion alors que c’est une
infime partie de notre métier. Mais c’est la plus dure »,
admet Christelle Maréchal.
À
ce titre, la commissaire de justice évoque notamment à quel point il est
difficile pour elle d’assister à des expulsions de personnes avec leurs
enfants, étant elle-même mère de famille. « Parfois je me retrouve face
à des enfants qui ont l’âge des miens. Ce n’est jamais facile, jamais de gaieté
de cœur », martèle-t-elle.
« J’ai
déjà craint pour ma sécurité »
Elle
mentionne aussi devoir faire face à des personnes qui refusent de s’exécuter,
voire qui peuvent se montrer agressives.
« Parfois
il y a de la violence verbale, voire physique, parfois ça va crescendo (…).
J’ai déjà fait l’objet de menaces, j’ai déjà déposé des mains courantes en
gendarmerie car j’ai craint pour ma sécurité ou celle de ma famille. »
Des
situations compliquées qui requièrent patience et maîtrise de soi.
« En
montrant qu’on est normal, on désamorce les choses »
C’est
pourquoi Christelle Maréchal s’efforce de mettre la pédagogie au cœur de son
métier, une pédagogie qui s’apprend « sur le terrain ».
« [Je]
réexplique toujours la décision de justice (…). C’est épuisant, de garder son
calme, de ne pas dire un mot de trop ou de travers pour ne pas que ça tourne
mal. Il faut savoir garder son sang-froid, rester maître de la situation, mais
conserver son autorité tout en faisant redescendre la pression, ce n’est pas
toujours facile. »
Mais
au bout du compte, affirme-t-elle, « en montrant qu’on est normal, on
arrive à désamorcer les choses ».
Cette
image-là, de « normalité », Christelle Maréchal met un point
d’honneur à la véhiculer par tous les moyens possibles, auprès d’une grande
variété de publics : « Je m’attèle à dédiaboliser notre profession,
j’interviens dans des forums des métiers, dans des établissements scolaires,
auprès d’entreprises et de particuliers… J’explique toujours tout ce que l’on
fait », assure-t-elle.
« On
recrée souvent le dialogue »
Christelle
Maréchal donne par ailleurs une place importante à la prévention, et précise
que le commissaire de justice peut intervenir en amont, pour éviter que les
difficultés n’empirent.
« L’autre
jour, une personne m’a demandé conseil car elle n’arrivait plus à faire face à
ses échéances de crédit, je l’ai conseillée, et une requête aux fins de
suspension des crédits a pu être déposée », illustre-t-elle. Et
d’ajouter : « [En tant que commissaire de justice], on recrée
aussi souvent le dialogue entre les parties (…) On fait beaucoup de
négociation, on règle beaucoup de litiges qui pourraient surengorger les
tribunaux. »
Preuve
que cet agent assermenté n’est pas toujours un oiseau de mauvaise augure !
Retrouvez
l’intégralité de l’épisode « L’huissier de justice est sans scrupules » ici.
Bérengère Margaritelli