JUSTICE

PODCAST. Commissaires de justice : « On parle toujours de l’expulsion alors que c’est une infime partie de notre métier »

PODCAST. Commissaires de justice : « On parle toujours de l’expulsion alors que c’est une infime partie de notre métier »
Publié le 11/09/2023 à 11:25

Dans le dernier épisode de notre podcast, la commissaire de justice Christelle Maréchal aborde le quotidien foisonnant de sa profession, où la prévention et la pédagogie ont un rôle central.

Sa simple évocation suffit parfois à faire frémir. Huissier de justice. Vient immédiatement en tête l’image d’une expulsion mouvementée, d’un constat d’adultère abracadabrant ou d’une saisie théâtrale. Parmi les professionnels du droit, les huissiers, pourtant discrets et peu présents sur la scène médiatique, jouissent d’une réputation d’enquiquineurs qui leur colle à la peau.

Mais en dépit des poncifs dont ils font l’objet, ceux que l’on appelle désormais commissaires de justice, depuis que les huissiers et les commissaires-priseurs judiciaires ont fusionné à l’été 2022, seraient-ils, au fond, bien moins sinistres et indélicats qu’il n’y parait ?

« Ce n’est jamais de gaieté de cœur »

C’est en tout cas ce que s’attache à démontrer au quotidien Christelle Maréchal. Commissaire de justice dans l’est de la France, notre invitée pour le deuxième épisode de notre podcast « Raide comme la Justice » témoigne d’un métier varié, de terrain : rendez-vous clients, significations d’actes (assignations, etc.), exécutions (recouvrement d’impayés, etc.), participations à des sous-commissions de prévention des expulsions locatives, inventaires de mobilier (par exemple dans le cadre d’une procédure de mise sous tutelle…).

« On parle toujours de l’expulsion alors que c’est une infime partie de notre métier. Mais c’est la plus dure », admet Christelle Maréchal.

À ce titre, la commissaire de justice évoque notamment à quel point il est difficile pour elle d’assister à des expulsions de personnes avec leurs enfants, étant elle-même mère de famille. « Parfois je me retrouve face à des enfants qui ont l’âge des miens. Ce n’est jamais facile, jamais de gaieté de cœur », martèle-t-elle.

« J’ai déjà craint pour ma sécurité »

Elle mentionne aussi devoir faire face à des personnes qui refusent de s’exécuter, voire qui peuvent se montrer agressives.

« Parfois il y a de la violence verbale, voire physique, parfois ça va crescendo (…). J’ai déjà fait l’objet de menaces, j’ai déjà déposé des mains courantes en gendarmerie car j’ai craint pour ma sécurité ou celle de ma famille. »

Des situations compliquées qui requièrent patience et maîtrise de soi.

« En montrant qu’on est normal, on désamorce les choses »

C’est pourquoi Christelle Maréchal s’efforce de mettre la pédagogie au cœur de son métier, une pédagogie qui s’apprend « sur le terrain ».

« [Je] réexplique toujours la décision de justice (…). C’est épuisant, de garder son calme, de ne pas dire un mot de trop ou de travers pour ne pas que ça tourne mal. Il faut savoir garder son sang-froid, rester maître de la situation, mais conserver son autorité tout en faisant redescendre la pression, ce n’est pas toujours facile. »

Mais au bout du compte, affirme-t-elle, « en montrant qu’on est normal, on arrive à désamorcer les choses ».

Cette image-là, de « normalité », Christelle Maréchal met un point d’honneur à la véhiculer par tous les moyens possibles, auprès d’une grande variété de publics : « Je m’attèle à dédiaboliser notre profession, j’interviens dans des forums des métiers, dans des établissements scolaires, auprès d’entreprises et de particuliers… J’explique toujours tout ce que l’on fait », assure-t-elle.

« On recrée souvent le dialogue »

Christelle Maréchal donne par ailleurs une place importante à la prévention, et précise que le commissaire de justice peut intervenir en amont, pour éviter que les difficultés n’empirent.

« L’autre jour, une personne m’a demandé conseil car elle n’arrivait plus à faire face à ses échéances de crédit, je l’ai conseillée, et une requête aux fins de suspension des crédits a pu être déposée », illustre-t-elle. Et d’ajouter : « [En tant que commissaire de justice], on recrée aussi souvent le dialogue entre les parties (…) On fait beaucoup de négociation, on règle beaucoup de litiges qui pourraient surengorger les tribunaux. »

Preuve que cet agent assermenté n’est pas toujours un oiseau de mauvaise augure !

Retrouvez l’intégralité de l’épisode « L’huissier de justice est sans scrupules » ici.

Bérengère Margaritelli

0 commentaire
Poster

Nos derniers articles