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Patrimoine : une politique tournée vers les territoires

Patrimoine : une politique tournée vers les territoires
Publié le 13/11/2018 à 15:39

Les politiques patrimoniales actuelles visent à promouvoir les monuments historiques comme levier de revitalisation des centres bourgs et d’amélioration du cadre de vie des habitants.



La France possède un patrimoine d’une grande richesse, réparti sur l’ensemble de son territoire national, par-delà les océans. Partout, ce patrimoine porte l’héritage d’une mémoire collective. Il est le reflet de l’identité des territoires et participe à la qualité du cadre de vie de ses habitants. Il existe dans chaque village, dans chaque commune, un lavoir, une église, un monument qui font la fierté locale. C’est pourquoi, comme en témoigne le récent succès du Loto du patrimoine lancé par Stéphane Bern, les Français y sont profondément attachés.


Ce patrimoine constitue une chance pour tous nos concitoyens, car l’observation de l’environnement architectural et patrimonial immédiat est libre et gratuite et offre à ceux qui sont les plus éloignés des autres formes de vie culturelle un premier accès à la culture. C’est pour cette raison que la majorité actuelle a décidé de faire du patrimoine un axe prioritaire des politiques culturelles de proximité.


 


Un budget consolidé et fléché vers les territoires


Sur le plan budgétaire, les crédits inscrits, au sein du programme 175 de la mission Culture, à la ligne « entretien et restauration des monuments historiques », ont été augmentés et consolidés à hauteur de 331 millions en crédits de paiement. Conformément aux préconisations que j’avais formulées en avril 2018, le gouvernement a engagé un effort de sincérité budgétaire afin d’éviter le surgel systématique des crédits d’une année sur l’autre, et assurer une meilleure visibilité de l’engagement de l’État aux pétitionnaires et aux collectivités territoriales sollicités pour le cofinancement des projets. Les crédits de l’archéologie ont ainsi été réévalués de 5 millions en crédits de paiement pour 2019, ce qui permet un calibrage conforme aux besoins effectifs dès le début de l’exercice budgétaire.


Compte tenu de la répartition géographique de nos monuments historiques, les députés de la majorité ont également voté, au moment de la loi de finances rectificative de 2017, la mise en place d’un fonds spécifique de 15 millions d’euros dédié aux petites communes, abondé par la création d’un loto du patrimoine, concrétisant une promesse lancinante. Il convient, en effet, de rappeler que près de la moitié du patrimoine monumental est abritée par des communes de moins de 2 000 habitants qui n’ont pas toujours les ressources suffisantes pour financer les opérations d’entretien et de restauration. Au cours de l’année 2018, ce fonds a déjà permis le lancement de 151 projets dans 12 régions hexagonales.


Considérant le fort potentiel d’attractivité touristique des monuments historiques, 80 % des crédits alloués aux monuments historiques sont déployés au sein des Directions Régionales des affaires culturelles (DRAC) pour soutenir la restauration du patrimoine monumental en région.


 


Un besoin d’offre d’assistance à maîtrise d’ouvrage à titre gracieux au niveau local


En parallèle de la mission confiée à Stéphane Bern par le président de la République visant à recenser les monuments en péril et de nouveaux modes de financement, j’ai obtenu de la Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation une mission flash sur le patrimoine protégé, nous permettant d’identifier les facteurs explicatifs de la sous-consommation chronique des crédits alloués à la restauration et l’entretien du patrimoine monumental à la fin de chaque exercice des crédits votés chaque année en loi de finances. Cette sous-consommation s’explique pour partie, de manière irréductible, du fait de la planification pluriannuelle des travaux qui engendre des reports de fonds de concours d’une année sur l’autre. Mais elle tient également de l’absence dans les territoires de services d’assistance de maîtrise d’ouvrage en direction des porteurs de projets. Les petites communes, par exemple, qui ont la responsabilité de milliers de petits monuments protégés, n’ont souvent ni les moyens techniques ni administratifs nécessaires pour monter les dossiers face à la complexité des circuits administratifs, exacerbée par la réforme territoriale de la loi NOTRe. Celle-ci a rendu illisible l’organisation des services des régions et des DRAC dans les régions fusionnées. De même, les propriétaires privés qui possèdent près de 40 % du patrimoine monumental protégé sont confrontés à des lourdeurs administratives analogues : si leur monument constitue un bien collectif, il est bien souvent un fardeau individuel.


L’existence de financements publics croisés, motivée par le niveau différencié d’intervention des collectivités territoriales en fonction des critères et des priorités politiques qui ont été définis, complexifie également la tâche, car les calendriers d’intervention des financeurs sont différents. Les crédits des DRAC sont mis à disposition dès le début de l’année civile, ce qui n’est pas le cas des collectivités territoriales, dont les budgets sont généralement votés en février ou mars. Or, certains projets de restauration de monuments ne se font pas en raison de la difficulté pour les porteurs de projets à boucler ces tours de table financiers.


En conséquence, au-delà d’appeler à une meilleure coordination des prises de décision au niveau de chaque échelon de collectivité, nous avions proposé avec la co-rapporteure de la mission Emmanuelle Anthoine, députée de la Drôme, de mettre en place dans chaque territoire une offre structurée d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) à titre gracieux. Nous souhaitons, par ailleurs, l’organisation de réunions de planification régulières dans les DRAC réunissant tous les acteurs du financement et ce dès le début de l’année budgétaire.


 


Renouer le dialogue entre les élus locaux et les Architectes des Bâtiments de France


Au-delà des polémiques qui ont agité le débat parlementaire au sujet de l’opportunité de suppression ou non de l’avis conforme des Architectes des Bâtiments de France (ABF), le projet de loi relatif à l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique a permis d’envoyer des signaux positifs pour renouer le dialogue entre les élus locaux – les maires, les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale et les élus en charge de la délivrance d’autorisation en matière d’urbanisme – et ces fonctionnaires souvent décriés du ministère de la Culture.


Pendant longtemps, le rôle des ABF est demeuré incompris sur le terrain : alors que celui-ci veille à préserver le patrimoine qui constitue notre bien collectif et une richesse pour l’attractivité des collectivités, il est parfois accusé de freiner les projets de développement économique des territoires. De même, les élus locaux se sont souvent interrogés sur la légitimité des avis rendus, compte tenu de leur relative volatilité. Aussi, dans l’objectif d’introduire davantage de dialogue en amont des procédures d’urbanisme, de mieux faire accepter les enjeux patrimoniaux aux abords des monuments historiques et d’éviter un engorgement possible des recours, trois amendements que j’ai défendus au nom de la Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l’Assemblée nationale ont été adoptés.


Le premier encourage la co-instruction des dossiers entre l’ABF et les services de l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme sur les dossiers les plus récurrents tels que les demandes formulées par les particuliers en matière de couleur des volets ou de liner de piscines. Cette disposition doit permettre aux ABF de se recentrer sur les projets à forts enjeux patrimoniaux et de se montrer plus disponibles sur le terrain.


Le deuxième amendement vise à valoriser la connaissance des élus de leurs territoires, en leur permettant de proposer aux ABF un projet définition des périmètres intelligents aux abords des monuments historiques dont la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine prévoit la mise en place.


Le troisième prévoit d’instituer un médiateur, à savoir le président de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, que le pétitionnaire pourra saisir en amont d’un recours afin de faire valoir ses arguments s’il estime qu’ils n’ont pas suffisamment été pris en compte au cours de la procédure. Ces mesures, sans remettre en question l’efficacité de nos politiques de sauvegarde du patrimoine, doivent être à même d’apaiser le débat et faire évoluer positivement la relation élu/ABF en introduisant davantage de concertation.


Une circulaire du ministère de la Culture a également été diffusée suite aux recommandations du groupe de travail réunissant des ABF, des élus locaux et des parlementaires, en vue de mieux co-construire les avis et éviter les situations conflictuelles.


S’agissant des cas dérogatoires prévus à l’article 15, le périmètre de l’avis simple de l’ABF demeure limité : il est circonscrit à linstallation dantennes relais et aux autorisations de démolir portant sur des bâtiments insalubres ou frappés dun arrêté de péril. Ce dernier point appelle à la vigilance et à la responsabilité de tous : il appartient aux citoyens, aux élus et aux associations de défense du patrimoine de lancer lalerte lorsque des décisions prises par lautorité en charge des autorisations durbanisme heurtent le sens commun et lintérêt général.


 


Ne plus opposer architecture et patrimoine


Le débat public sur le projet de loi élan a aussi souligné la nécessité de ne plus cloisonner, comme peuvent le faire les services de l’État, les enjeux architecturaux, d’aménagement du territoire et les enjeux patrimoniaux qui s’imbriquent dans une même dynamique au service ou aux dépens des territoires. La baisse tendancielle de la qualité architecturale telle quelle est constatée dans le secteur privé, hypothèque en réalité le patrimoine de demain et la qualité générale du cadre de vie des habitants. Elle se manifeste par des entrées de villes défigurées, par les centres commerciaux desservis, par les voies expresses, par l’étalement urbain des lotissements qui alimente le phénomène de désertification des centres villes le bâti ancien et mal entretenu se dégrade. Il est donc essentiel de penser le rôle de larchitecture dans sa globalitédans toutes ses dimensions : culturelle, sociale et économique – et en complémentarité avec l’avenir du patrimoine et l’attractivité des territoires. C’est pourquoi j’avais proposé que ces questions, qui demeurent ballotées au gré des textes et de leur coloration en fonction de la prévalence d’un ministère sur l’autre, soient traitées au sein d’une entité interministérielle qui pourrait prendre la forme d’une mission interministérielle. La bonne prise en compte des enjeux patrimoniaux et architecturaux est essentielle pour ancrer la dynamique de revitalisation des centres anciens et la relier à la question de la qualité du cadre de vie.


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Raphaël Gérard,


Député de la Charente-Maritime,


Membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation


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