Les politiques patrimoniales actuelles visent
à promouvoir les monuments historiques comme levier de revitalisation des
centres bourgs et d’amélioration du cadre de vie des habitants.
La France possède un
patrimoine d’une grande richesse, réparti sur l’ensemble de son territoire
national, par-delà les océans. Partout, ce patrimoine porte l’héritage d’une
mémoire collective. Il est le reflet de l’identité des territoires et participe
à la qualité du cadre de vie de ses habitants. Il existe dans chaque village,
dans chaque commune, un lavoir, une église, un monument qui font la fierté
locale. C’est pourquoi, comme en témoigne le récent succès du Loto du
patrimoine lancé par Stéphane Bern, les Français y sont profondément attachés.
Ce patrimoine constitue une
chance pour tous nos concitoyens, car l’observation de l’environnement
architectural et patrimonial immédiat est libre et gratuite et offre à ceux qui
sont les plus éloignés des autres formes de vie culturelle un premier accès à
la culture. C’est pour cette raison que la majorité actuelle a décidé de faire
du patrimoine un axe prioritaire des politiques culturelles de proximité.
Un budget consolidé et fléché vers les territoires
Sur le plan budgétaire, les
crédits inscrits, au sein du programme 175 de la mission Culture, à la ligne
« entretien et restauration des monuments historiques », ont
été augmentés et consolidés à hauteur de 331 millions en crédits de
paiement. Conformément aux préconisations que j’avais formulées en avril 2018, le
gouvernement a engagé un effort de
sincérité budgétaire afin d’éviter le surgel systématique des crédits d’une
année sur l’autre, et assurer une meilleure visibilité de l’engagement de
l’État aux pétitionnaires et aux collectivités territoriales sollicités pour le
cofinancement des projets. Les crédits de l’archéologie ont ainsi été réévalués de 5 millions en
crédits de paiement pour 2019, ce qui permet un calibrage conforme aux besoins
effectifs dès le début de l’exercice budgétaire.
Compte tenu de la
répartition géographique de nos monuments historiques, les députés de la
majorité ont également voté, au moment de la loi de finances rectificative de
2017, la mise en place d’un fonds spécifique de 15 millions d’euros dédié
aux petites communes, abondé par la création d’un loto du patrimoine,
concrétisant une promesse lancinante. Il convient, en effet, de rappeler que
près de la moitié du patrimoine monumental est abritée par des communes de
moins de 2 000 habitants qui n’ont pas toujours les ressources
suffisantes pour financer les opérations d’entretien et de restauration. Au
cours de l’année 2018, ce fonds a déjà permis le lancement de 151 projets
dans 12 régions hexagonales.
Considérant le fort
potentiel d’attractivité touristique des monuments historiques, 80 % des crédits alloués aux
monuments historiques sont déployés au sein des Directions Régionales des
affaires culturelles (DRAC) pour soutenir la restauration du patrimoine
monumental en région.
Un besoin d’offre d’assistance à maîtrise d’ouvrage à titre gracieux au
niveau local
En parallèle de la mission
confiée à Stéphane Bern par le président de la République visant à recenser les
monuments en péril et de nouveaux modes de financement, j’ai obtenu de la
Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation une mission flash sur le
patrimoine protégé, nous permettant d’identifier les facteurs explicatifs de la
sous-consommation chronique des crédits alloués à la restauration et
l’entretien du patrimoine monumental à la fin de chaque exercice des crédits
votés chaque année en loi de finances. Cette sous-consommation s’explique pour
partie, de manière irréductible, du fait de la planification pluriannuelle des
travaux qui engendre des reports de fonds de concours d’une année sur l’autre.
Mais elle tient également de l’absence dans les territoires de services
d’assistance de maîtrise d’ouvrage en direction des porteurs de projets. Les
petites communes, par exemple, qui ont la responsabilité de milliers de petits
monuments protégés, n’ont souvent ni les moyens techniques ni administratifs
nécessaires pour monter les dossiers face à la complexité des circuits
administratifs, exacerbée par la réforme territoriale de la loi NOTRe. Celle-ci
a rendu illisible l’organisation des services des régions et des DRAC dans les
régions fusionnées. De même, les propriétaires privés qui possèdent près de 40 % du patrimoine monumental
protégé sont confrontés à des lourdeurs administratives analogues : si
leur monument constitue un bien collectif, il est bien souvent un fardeau
individuel.
L’existence de financements
publics croisés, motivée par le niveau différencié d’intervention des
collectivités territoriales en fonction des critères et des priorités
politiques qui ont été définis, complexifie également la tâche, car les
calendriers d’intervention des financeurs sont différents. Les crédits des DRAC
sont mis à disposition dès le début de l’année civile, ce qui n’est pas le cas
des collectivités territoriales, dont les budgets sont généralement votés en
février ou mars. Or, certains projets de restauration de monuments ne se font
pas en raison de la difficulté pour les porteurs de projets à boucler ces tours
de table financiers.
En conséquence, au-delà
d’appeler à une meilleure coordination des prises de décision au niveau de
chaque échelon de collectivité, nous avions proposé avec la co-rapporteure de
la mission Emmanuelle Anthoine, députée de la Drôme, de mettre en place dans
chaque territoire une offre structurée d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO)
à titre gracieux. Nous souhaitons, par ailleurs, l’organisation de réunions de
planification régulières dans les DRAC réunissant tous les acteurs du
financement et ce dès le début de l’année budgétaire.
Renouer le
dialogue entre les élus locaux et les Architectes des
Bâtiments de France
Au-delà des polémiques qui ont agité le débat
parlementaire au sujet de l’opportunité de suppression ou non de l’avis
conforme des Architectes des Bâtiments de France (ABF), le projet de loi
relatif à l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique a permis
d’envoyer des signaux positifs pour renouer le dialogue entre les élus locaux –
les maires, les présidents d’établissements publics de coopération
intercommunale et les élus en charge de la délivrance d’autorisation en matière
d’urbanisme – et ces fonctionnaires souvent décriés du ministère de la Culture.
Pendant longtemps, le rôle
des ABF est demeuré incompris sur le terrain : alors que celui-ci veille à
préserver le patrimoine qui constitue notre bien collectif et une richesse pour
l’attractivité des collectivités, il est parfois accusé de freiner les projets
de développement économique des territoires. De même, les élus locaux se sont
souvent interrogés sur la légitimité des avis rendus, compte tenu de leur
relative volatilité. Aussi, dans l’objectif d’introduire davantage de dialogue
en amont des procédures d’urbanisme, de mieux faire accepter les enjeux
patrimoniaux aux abords des monuments historiques et d’éviter un engorgement
possible des recours, trois amendements que j’ai défendus au nom de la
Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l’Assemblée nationale
ont été adoptés.
Le premier encourage la co-instruction des
dossiers entre l’ABF et les services de l’autorité compétente pour délivrer les
autorisations d’urbanisme sur les dossiers les plus récurrents tels que les
demandes formulées par les particuliers en matière de couleur des volets ou de
liner de piscines. Cette disposition doit permettre aux ABF de se recentrer sur
les projets à forts enjeux patrimoniaux et de se montrer plus disponibles sur
le terrain.
Le deuxième amendement vise
à valoriser la connaissance des élus de leurs territoires, en leur permettant
de proposer aux ABF un projet définition des périmètres intelligents aux abords
des monuments historiques dont la loi relative à la liberté de la création, à
l’architecture et au patrimoine prévoit la mise en place.
Le troisième prévoit
d’instituer un médiateur, à savoir le président de la commission régionale du
patrimoine et de l’architecture, que le pétitionnaire pourra saisir en amont
d’un recours afin de faire valoir ses arguments s’il estime qu’ils n’ont pas
suffisamment été pris en compte au cours de la procédure. Ces mesures, sans
remettre en question l’efficacité de nos politiques de sauvegarde du patrimoine,
doivent être à même d’apaiser le débat et faire évoluer positivement la
relation élu/ABF en introduisant davantage de concertation.
Une circulaire du ministère de la Culture a
également été diffusée suite aux recommandations du groupe de travail
réunissant des ABF, des élus locaux et des parlementaires, en vue de mieux
co-construire les avis et éviter les situations conflictuelles.
S’agissant des cas
dérogatoires prévus à l’article 15, le périmètre de l’avis simple de l’ABF
demeure limité : il est circonscrit à l’installation
d’antennes relais et aux
autorisations de démolir portant sur des bâtiments insalubres ou frappés d’un arrêté de péril. Ce dernier point appelle à la vigilance et à la responsabilité de tous :
il appartient aux citoyens, aux élus et aux associations de défense du
patrimoine de lancer l’alerte
lorsque des décisions prises par l’autorité en charge des autorisations d’urbanisme
heurtent le sens commun et l’intérêt général.
Ne plus opposer architecture et patrimoine
Le débat public sur le
projet de loi élan a aussi
souligné la nécessité de ne plus cloisonner, comme peuvent le faire les
services de l’État, les enjeux architecturaux, d’aménagement du territoire et
les enjeux patrimoniaux qui s’imbriquent dans une même dynamique au service ou
aux dépens
des territoires. La baisse tendancielle de la qualité architecturale telle qu’elle
est constatée dans
le secteur privé, hypothèque en réalité le patrimoine de demain et la qualité générale du cadre de vie des habitants. Elle se manifeste par
des entrées de villes défigurées, par les centres commerciaux desservis, par
les voies expresses, par l’étalement urbain des lotissements qui alimente le
phénomène de désertification des centres villes où le bâti ancien et mal entretenu se dégrade. Il
est donc essentiel de penser le rôle de l’architecture
dans sa globalité – dans toutes ses dimensions :
culturelle, sociale et économique – et en complémentarité avec l’avenir du
patrimoine et l’attractivité des territoires. C’est pourquoi j’avais proposé
que ces questions, qui demeurent ballotées au gré des textes et de leur
coloration en fonction de la prévalence d’un ministère sur l’autre, soient
traitées au sein d’une entité interministérielle qui pourrait prendre la forme
d’une mission interministérielle. La bonne prise en compte des enjeux
patrimoniaux et architecturaux est essentielle pour ancrer la dynamique de
revitalisation des centres anciens et la relier à la question de la qualité du
cadre de vie.
.
Raphaël
Gérard,
Député de la
Charente-Maritime,
Membre de la
commission des affaires culturelles et de l’éducation