Cass.
1re civ. 29 mars 2017, n° 15-27.231, P+B+I
Cass.
1er civ. 29 mars 2017, n° 16-13.050, P+B+R+I
Les « prêts toxiques » ne concernent pas que les collectivités
territoriales. Des particuliers ont également eu à s’en plaindre. Le
contentieux très médiatique suscité par les prêts « Helvet immo » consentis par
BNP Paribas Personal Finance entre 2008 et 2010 connaît un tournant décisif
avec deux arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation
le 29 mars 2017 et promis à la plus large diffusion. A l’origine de ces espèces,
les contrats de prêts libellés en francs suisses (monnaie de compte) et
remboursables en euros (monnaie de paiement) proposés pour financer des
acquisitions immobilières destinées souvent à réaliser des opérations de défiscalisation.
Les contrats proposés à des emprunteurs français prévoyaient la révision du
taux d’intérêt en fonction des variations du taux de change euro/franc suisse.
Pour séduire les emprunteurs, les établissements de crédit et les intermédiaires
en opérations de banque mettaient en avant des taux d’intérêt plus faibles que
ceux pratiqués pour les prêts en euro et un risque limité au regard de la
stabilité du taux de change. L’évolution défavorable aux emprunteurs français
de la parité euro/ franc suisse eu cependant pour conséquence d’augmenter la durée
des prêts et le montant du capital à rembourser. Le problème se posa avec une
particulière acuité pour les emprunteurs dont les ressources et les
investissements étaient situés en France et qui se trouvaient pleinement
confrontés au risque de change. Les emprunteurs soutinrent alors avoir été victimes de « prêts toxiques »
et relevèrent que les offres de prêts ne mettaient pas clairement en avant le
risque financier en cas d’évolution défavorable du taux de change. Le caractère
de valeur refuge du franc suisse pouvait en effet tromper les emprunteurs
inconscients, selon eux, des risques encourus. Un certain nombre d’emprunteurs
ont alors engagé des poursuites pénales contre l’établissement de crédit ce qui
a, semble-t-il, donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire par le
pôle financier du tribunal de grande instance de Paris. L’association CLCV a également initié une action de groupe en novembre 2016 à destination des 4 655 particuliers concernés.
Les deux arrêts de la Cour de cassation ne concernent apparemment pas ce
volet très disputé de l’affaire mais seront sans doute de nature à enrichir
l’argumentaire des parties prenantes des différentes procédures. Les faits sont
quasiment identiques dans les deux espèces. Des particuliers avaient souscrit
entre 2008 et 2009 auprès de la société BNP ParibasPersonal Finance un prêt libellé en franc suisse et remboursable en euros
dénommé Helvet immo. Dans un des cas les emprunteurs avaient simplement été mis
en relation avec le prêteur de deniers par le biais d’un courtier spécialisé en
prêts immobiliers. Invoquant l’irrégularité de la clause du contrat prévoyant
la révision du taux d’intérêt en fonction des variations du taux de change ainsi
qu’un manquement de la banque et du courtier à leur obligation d’information et
de mise en garde, les emprunteurs les assignèrent en annulation de la clause
litigieuse ainsi qu’en responsabilité et indemnisation. La première chambre civile casse les deux arrêts d’appel et
se prononce sur les trois questions qui lui étaient soumises à l’occasion des
pourvois. Elle tranche d’abord la question de la licéité de la clause d’indexation
d’un prêt sur une monnaie étrangère au regard des dispositions du Code
monétaire et financier (I). Ensuite, elle considère que la clause de
remboursement en fonction du taux de change d’une devise est de nature à créer
un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment
du consommateur et qu’il appartenait aux juges du fond de relever d’office le
grief (II). Enfin, la Cour de cassation apporte un éclairage important sur
l’appréciation qui peut être faite du manquement à l’obligation de mise en
garde des établissements et intermédiaires de crédit en cas de risque de change
supporté par un particulier (III). (...)
Vincent Perruchot-Triboulet, maître de conférence à l'Université d'Aix-Marseille
Retrouvez la suite de cet article dans le Journal Spécial des Sociétés n° 59 du 26 juillet 2017