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Prêts immobiliers consentis en monnaie étrangère à des consommateurs : les arrêts « Helvet immo »

Prêts immobiliers consentis en monnaie étrangère à des consommateurs : les arrêts « Helvet immo »
Publié le 27/07/2017 à 00:00


Cass. 1re civ. 29 mars 2017, n° 15-27.231, P+B+I

Cass. 1er civ. 29 mars 2017, n° 16-13.050, P+B+R+I



Les « prêts toxiques » ne concernent pas que les collectivités territoriales. Des particuliers ont également eu à s’en plaindre. Le contentieux très médiatique suscité par les prêts « Helvet immo » consentis par BNP Paribas Personal Finance entre 2008 et 2010 connaît un tournant décisif avec deux arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation le 29 mars 2017 et promis à la plus large diffusion. A l’origine de ces espèces, les contrats de prêts libellés en francs suisses (monnaie de compte) et remboursables en euros (monnaie de paiement) proposés pour financer des acquisitions immobilières destinées souvent à réaliser des opérations de défiscalisation. Les contrats proposés à des emprunteurs français prévoyaient la révision du taux d’intérêt en fonction des variations du taux de change euro/franc suisse. Pour séduire les emprunteurs, les établissements de crédit et les intermédiaires en opérations de banque mettaient en avant des taux d’intérêt plus faibles que ceux pratiqués pour les prêts en euro et un risque limité au regard de la stabilité du taux de change. L’évolution défavorable aux emprunteurs français de la parité euro/ franc suisse eu cependant pour conséquence d’augmenter la durée des prêts et le montant du capital à rembourser. Le problème se posa avec une particulière acuité pour les emprunteurs dont les ressources et les investissements étaient situés en France et qui se trouvaient pleinement confrontés au risque de change. Les emprunteurs soutinrent alors avoir été victimes de « prêts toxiques » et relevèrent que les offres de prêts ne mettaient pas clairement en avant le risque financier en cas d’évolution défavorable du taux de change. Le caractère de valeur refuge du franc suisse pouvait en effet tromper les emprunteurs inconscients, selon eux, des risques encourus. Un certain nombre d’emprunteurs ont alors engagé des poursuites pénales contre l’établissement de crédit ce qui a, semble-t-il, donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire par le pôle financier du tribunal de grande instance de Paris. L’association CLCV a également initié une action de groupe en novembre 2016 à destination des 4 655 particuliers concernés.


Les deux arrêts de la Cour de cassation ne concernent apparemment pas ce volet très disputé de l’affaire mais seront sans doute de nature à enrichir l’argumentaire des parties prenantes des différentes procédures. Les faits sont quasiment identiques dans les deux espèces. Des particuliers avaient souscrit entre 2008 et 2009 auprès de la société BNP ParibasPersonal Finance un prêt libellé en franc suisse et remboursable en euros dénommé Helvet immo. Dans un des cas les emprunteurs avaient simplement été mis en relation avec le prêteur de deniers par le biais d’un courtier spécialisé en prêts immobiliers. Invoquant l’irrégularité de la clause du contrat prévoyant la révision du taux d’intérêt en fonction des variations du taux de change ainsi qu’un manquement de la banque et du courtier à leur obligation d’information et de mise en garde, les emprunteurs les assignèrent en annulation de la clause litigieuse ainsi qu’en responsabilité et indemnisation. La première  chambre civile casse les deux arrêts d’appel et se prononce sur les trois questions qui lui étaient soumises à l’occasion des pourvois. Elle tranche d’abord la question de la licéité de la clause d’indexation d’un prêt sur une monnaie étrangère au regard des dispositions du Code monétaire et financier (I). Ensuite, elle considère que la clause de remboursement en fonction du taux de change d’une devise est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur et qu’il appartenait aux juges du fond de relever d’office le grief (II). Enfin, la Cour de cassation apporte un éclairage important sur l’appréciation qui peut être faite du manquement à l’obligation de mise en garde des établissements et intermédiaires de crédit en cas de risque de change supporté par un particulier (III). (...)


Vincent Perruchot-Triboulet, maître de conférence à l'Université d'Aix-Marseille


Retrouvez la suite de cet article dans le Journal Spécial des Sociétés n° 59 du 26 juillet 2017



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