À l’heure où les questions sont nombreuses autour du recours aux
ordonnances, l’occasion est ici donnée de rappeler que non seulement c’est le
Parlement qui doit autoriser l’exécutif à agir mais qu’ensuite ce même
Parlement pourra également ratifier le texte ainsi obtenu. En fait, un projet
de loi de ratification doit impérativement être déposé dans le délai prévu par
la loi d’habilitation sous peine de caducité de l’ordonnance. Toutefois, les
parlementaires ne se saisissent pas toujours de ces textes pour les discuter,
alors que c’est pour eux un moyen de ne pas être dépossédés de leur mission de
législateur.
En matière de droit de la consommation, de nombreux textes ont été
adoptés ces dernières années par ordonnance, le plus souvent l’urgence est de
mise pour respecter les délais de transposition des directives européennes de
protection des consommateurs (1), mais pas seulement. L’ordonnance relative à
la refonte de la partie législative du Code de la consommation en est un
exemple. Le projet de loi de ratification a bien été déposé dans les délais et
cette fois les parlementaires ont choisi de discuter autour de ce texte
apportant des retouches parfois formelles mais parfois plus substantielles.
Cela a donné lieu à la loi de ratification du 21 février 2017 (2) qui concerne à
la fois l’ordonnance recodifiant le Code de la consommation et celle portant
sur la transposition de la directive sur le crédit immobilier.
Notre chronique avait déjà présenté l’apport de la recodification du
Code de la consommation et avait souligné quelques difficultés liées à la
rédaction de l’ordonnance de 2016 (3). Le législateur a pu corriger un certain
nombre d’entre elles par la loi de ratification.
Modification
de la définition du non-professionnel dans l’article liminaire
Dans l’ordonnance de recodification du Code de la consommation, on avait
salué l’introduction d’une définition du professionnel dans l’article
liminaire. Cette définition (4) était logiquement le pendant symétrique de
celle du consommateur tirée des directives européennes. En revanche, la
définition posée pour la notion, bien française, de non-professionnel était
apparue surprenante car elle laissait entendre que ce non-professionnel avait
habituellement une activité que l’on pourrait qualifier de
« professionnelle ». Pour rappel, la définition du non-professionnel
posée en 2016 était la suivante : « toute personne morale qui agit
à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale,
industrielle, artisanale, libérale ou agricole ». Cette définition manquait donc sa cible car elle n’était
pas en cohérence avec la jurisprudence qui accordait la protection du droit de
la consommation plutôt à des personnes morales sans but lucratif (5). La
doctrine n’avait pas manqué de souligner cette incohérence qui suscitait des
doutes sur l’application de ce texte (6). La Cour de cassation avait, dans un
arrêt qui concernait un comité d’entreprise (7), repris dans son attendu de
principe cette définition en la modifiant pour lui donner plus de cohérence en
visant le fait que le comité d’entreprise avait agi à des fins qui n’entraient
pas dans le cadre d’une activité professionnelle, et non dans le cadre de
son activité professionnelle (ne reprenant pas ainsi parfaitement la
définition de l’article liminaire).
Le législateur a donc entendu ces critiques et est revenu à une
définition plus en adéquation avec la jurisprudence. L’article liminaire a donc
été modifié et désormais la définition du non-professionnel est la
suivante : « Toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ». Certes on
sait que la finalité professionnelle n’est pas toujours aisée à définir, on en
veut pour preuve les difficultés de définition des dettes professionnelles ou
non professionnelles dans les procédures de surendettement. Mais au moins la
définition du non-professionnel correspond désormais à la catégorie de
personnes pour lesquelles elle avait été autonomisée par rapport à la notion de
consommateur par la Cour de cassation (8). Cette nouvelle définition de
l’article liminaire est d’ailleurs celle qui avait initialement été proposée
par la DGCCRF (9). Elle nous paraît donc largement plus claire et cohérente.
Obligations
de sécurité et de conformité des produits et des services
Jusqu’à la loi de ratification, les obligations de conformité et de
sécurité des produits et des services étaient distinctes dans leur fondement.
Des décrets en Conseil d’Etat pouvaient être pris soit sur la base de l’article
L. 412-1 du Code de la consommation lorsque la conformité des produits et des
services était en cause, soit sur la base de l’article L. 422-2 du Code de la
consommation lorsque la sécurité des produits était en jeu. Or, la conformité
des produits ou des services suit une logique et un impératif de sécurité de
ces derniers. On parle ici non pas de la conformité aux stipulations
contractuelles, qui est désormais replacée logiquement dans le livre 2 du Code
de la consommation qui concerne le contrat, mais bien de l’obligation de
conformité aux prescriptions réglementaires telle que définie dans l’article L.
411-1 : « Dès la première mise sur le marché, les produits et les services doivent répondre
aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes, à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des
consommateurs. » Cet article qui débute le titre
portant sur l’obligation de conformité montre un lien évident entre conformité
et sécurité. Or, la dualité des textes existant dans le Code de la consommation jusqu’à la loi de
ratification rendait délicate à la fois la détermination de la base juridique
des décrets pris en Conseil d’État et leur application par les opérateurs
économiques.
La loi de ratification, suivant d’ailleurs en cela une recommandation du
Conseil d’État, a heureusement fusionné les deux textes. Désormais les
dispositions sont intégrées de manière unifiée dans l’article L. 412-1 du Code
de la consommation (10). Pour les réglementations en matière de produits et
services, cet article crée un régime unique qui figure donc désormais dans les
mesures générales sous le titre 1er consacré à la conformité. On
aurait pu souhaiter qu’il soit directement placé avant celui-ci pour refléter
le fait qu’il concerne à la fois la conformité (titre 1) et la sécurité (titre
2), mais l’unification du régime est ici ce qui prévaut en terme de clarté,
plus que sa place dans le Code. L’utilisation de ce texte sera ainsi sans aucun
doute améliorée.
Clarification
autour de la résiliation de l’assurance-emprunteur
La loi dite Lagarde (11) portant réforme du crédit à la consommation a
permis aux emprunteurs de choisir lors de la conclusion du contrat de prêt
à la consommation une autre assurance équivalente à celle proposée
par le prêteur sans que celui-ci ne puisse s’y opposer ou modifier les
conditions du prêt. Puis la loi dite Hamon (12) relative à la consommation
est à nouveau intervenue en 2014 pour offrir
aux emprunteurs immobiliers le droit de substituer
l’assurance équivalente de leur choix à n’importe quel moment de la
première année du prêt.
Or, dans ces deux lois rien n’était prévu pour les emprunteurs
ayant souscrit leur crédit et donc leur assurance avant l’admission
de ces deux facultés de substitution. La
question s’est donc rapidement posée de savoir si en dehors de ces deux
facultés de substitution, les emprunteurs pouvaient user de la
faculté de résiliation annuelle reconnue par l’article L. 113-12 du Code des assurances.
Après des hésitations jurisprudentielles, le législateur est intervenu
sur cette question, importante en pratique, en permettant la
résiliation annuelle à ces contrats par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre
2016 (13). Le Conseil constitutionnel a cependant censuré cette disposition
pour des questions de procédure (14). C’est finalement dans la loi de
ratification du 21 février 2017 que le droit pour les emprunteurs de
résilier chaque année leur contrat d’assurance a été consacré. L’article L.
313-31 du Code de la consommation renvoie depuis cette loi conjointement aux
articles du Code des assurances et du Code de la mutualité qui prévoient cette
faculté de résiliation. On comprend alors que l’assurance-emprunteur reste bien
dans le droit commun du droit des assurances et on peut même penser que cette
possibilité s’exercera quel que soit le type de crédit immobilier ou de
consommation (15).
La loi du 21 février 2017 prévoit également les conditions de son
application dans le temps (16).
Là encore ces clarifications sont les bienvenues car un contentieux relativement
important s’était créé à ce sujet et les solutions étaient fragiles.
Ce même texte de l’article L. 313-31 du Code de la consommation apporte
également des précisions sur les modifications du contrat de prêt qui doivent
apparaître après la substitution notamment en terme de modification du taux
effectif global. Un avenant au contrat sera donc nécessaire.
Contrats
conclus à distance sur les services financiers
Certaines modifications apportées par la loi de ratification sont
cependant de moins grande envergure il s’agit parfois de simples précisions
mais qui peuvent avoir des conséquences procédurales importantes. Ainsi en
est-il du délai de rétractation pour le contrat conclu à distance par un
consommateur pour un service financier. Ce délai conformément au droit de
l’Union européenne est désormais de 14 jours (art. L. 222-7, al. 1er du
Code de la consommation). Le texte dans l’ordonnance de 2016 prévoyait son
point de départ : le jour où le contrat est conclu ou le jour où le
consommateur reçoit les conditions contractuelles et informations obligatoires,
s’il les reçoit postérieurement. Mais on ne précisait pas si ces 14 jours
constituaient un délai fixe, ou si, les règles classiques de computation des
délais, qui veulent que le dernier jour du délai soit nécessairement ouvrable,
étaient applicables. C’est chose faite désormais car l’article L. 222-7 du Code
de la consommation est clair sur ce point : « Le consommateur
dispose d’un délai de quatorze jours calendaires révolus
pour exercer son droit de rétractation, sans avoir à justifier de motif ni à supporter de pénalités ». Tous les jours sont donc pris en compte du premier au dernier de l’année
civile.
Cette loi de ratification apporte encore d’autres corrections
ponctuelles ou formelles rendues nécessaires par une recodification d’envergure
conduite assez rapidement depuis la loi Hamon qui avait habilité le
gouvernement à cet effet (17). Cette loi permet de rappeler, si besoin était,
que le Parlement reste le législateur même lorsque des textes sont adoptés par
ordonnance.
Anne-Marie de Matos
1) Ordonnance
n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux
consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation, JORF n° 0073 du 26 mars 2016,
transposant la directive 2014/17/UE du 4 février 2014 sur les contrats de
crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel,
JOUE, n° L 60 du 28 février 2014, p. 34.
2) Loi n°
2017-203 du 21 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14
mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n°
2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs
aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise
en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits
et services: JORF 22 févr. 2017,
texte n° 1
3) A-M. de
Matos : La recodification du Code de la consommation par
l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 - Présentation générale du nouveau
code, Journal des sociétés, n° 141, avril 2016, p. 53.
4) « Toute
personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant
dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale
ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre
professionnel ».
5) Par
exemple un syndicat de copropriétaires : Civ. 1re, 23 juin 2011, n° 10-30.645, D.
2011. 2245, note S. Tisseyre.
6) H. Auby
et N. Sauphanor- Brouillaud : Recodification du droit de la consommation - À
propos de l’ordonnance n° 2016- 301 du 14 mars 2016, JCP éd. G, n° 14, 4 avril 2016, 392 ; S. Bernheim-Desvaux et
G. Raymond, Regards croisés sur la réforme de la partie législative du
Code de la consommation : Contrats, concurrence Consommation 2016, étude
7.
7) Cass. 1ère civ., 15 juin 2016, n° 15-17.369, Contrats
Concurrence Consommation n° 8-9, Août 2016, comm. 200, S. Bernheim-Desvaux.
8) Cass., 1re civ.,
15 mars 2005, n° 02-13285, Contrats Concurrence Consommation 2005, n° 100, note Raymond ; RTD civ. 2005. 391, obs. J. Mestre et B. Fages, D. 2005, AJ
p. 887, obs. C. Rondey, et Jur. p. 1 948, note A. Boujeka.
9) S. Bernheim-Desvaux : Quand ratification rime
avec modifications ! : Contrats Concurrence Consommation n° 3,
Avril 2017, comm. 63.
10) L’article L.422-2 étant
abrogé par ailleurs puisque sans contenu désormais.
11) Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, JORF n°151 du 2 juillet 2010
12) Loi n° 2014-344 du 17 mars
2014, JORF n°65 du 18 mars 2014
13) Loi n° 2016-1691
du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la
corruption et à la modernisation de la vie économique, JORF n° 0287
du 10 décembre 2016.
14) Décision n° 2016-741
DC du 8 décembre 2016.
15) N.
Leblond : Assurance emprunteur -
La résiliation annuelle applicable à l’assurance emprunteur d’un
crédit immobilier, Responsabilité civile et assurances n° 6, Juin 2017, étude 8.
16) La loi n’est d’application
immédiate que pour les offres de prêts émises à compter de sa publication. Pour
les contrats de crédit immobilier souscrits avant cette date, l’usage de la
faculté de résiliation annuelle ne sera permis qu’à compter du
1er janvier 2018 et évidemment, à l’échéance du contrat d’assurance.
17) Pour une liste exhaustive
de toutes les modification, se reporter utilement au tableau de
concordance : S. Bernheim – Desvaux : JurisClasseur Concurrence
– Consommation, Fasc. 786 -Tableau de concordance des textes composant la
partie législative du Code de la consommation depuis la loi n° 2017-203 du
21 février 2017 de ratification de l’ordonnance n° 2016-301 du
14 mars 2016.