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Recodification du Code de la consommation : les corrections apportées par la loi de ratification

Recodification du Code de la consommation : les corrections apportées par la loi de ratification
Publié le 16/12/2017 à 09:00

À l’heure où les questions sont nombreuses autour du recours aux ordonnances, l’occasion est ici donnée de rappeler que non seulement c’est le Parlement qui doit autoriser l’exécutif à agir mais qu’ensuite ce même Parlement pourra également ratifier le texte ainsi obtenu. En fait, un projet de loi de ratification doit impérativement être déposé dans le délai prévu par la loi d’habilitation sous peine de caducité de l’ordonnance. Toutefois, les parlementaires ne se saisissent pas toujours de ces textes pour les discuter, alors que c’est pour eux un moyen de ne pas être dépossédés de leur mission de législateur.



En matière de droit de la consommation, de nombreux textes ont été adoptés ces dernières années par ordonnance, le plus souvent l’urgence est de mise pour respecter les délais de transposition des directives européennes de protection des consommateurs (1), mais pas seulement. L’ordonnance relative à la refonte de la partie législative du Code de la consommation en est un exemple. Le projet de loi de ratification a bien été déposé dans les délais et cette fois les parlementaires ont choisi de discuter autour de ce texte apportant des retouches parfois formelles mais parfois plus substantielles. Cela a donné lieu à la loi de ratification du 21 février 2017 (2) qui concerne à la fois l’ordonnance recodifiant le Code de la consommation et celle portant sur la transposition de la directive sur le crédit immobilier.


Notre chronique avait déjà présenté l’apport de la recodification du Code de la consommation et avait souligné quelques difficultés liées à la rédaction de l’ordonnance de 2016 (3). Le législateur a pu corriger un certain nombre d’entre elles par la loi de ratification.

 


Modification de la définition du non-professionnel dans l’article liminaire


Dans l’ordonnance de recodification du Code de la consommation, on avait salué l’introduction d’une définition du professionnel dans l’article liminaire. Cette définition (4) était logiquement le pendant symétrique de celle du consommateur tirée des directives européennes. En revanche, la définition posée pour la notion, bien française, de non-professionnel était apparue surprenante car elle laissait entendre que ce non-professionnel avait habituellement une activité que l’on pourrait qualifier de « professionnelle ». Pour rappel, la définition du non-professionnel posée en 2016 était la suivante : « toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ». Cette définition manquait donc sa cible car elle n’était pas en cohérence avec la jurisprudence qui accordait la protection du droit de la consommation plutôt à des personnes morales sans but lucratif (5). La doctrine n’avait pas manqué de souligner cette incohérence qui suscitait des doutes sur l’application de ce texte (6). La Cour de cassation avait, dans un arrêt qui concernait un comité d’entreprise (7), repris dans son attendu de principe cette définition en la modifiant pour lui donner plus de cohérence en visant le fait que le comité d’entreprise avait agi à des fins qui n’entraient pas dans le cadre d’une activité professionnelle, et non dans le cadre de son activité professionnelle (ne reprenant pas ainsi parfaitement la définition de l’article liminaire).


Le législateur a donc entendu ces critiques et est revenu à une définition plus en adéquation avec la jurisprudence. L’article liminaire a donc été modifié et désormais la définition du non-professionnel est la suivante : «  Toute personne morale qui nagit pas à des fins professionnelles ». Certes on sait que la finalité professionnelle n’est pas toujours aisée à définir, on en veut pour preuve les difficultés de définition des dettes professionnelles ou non professionnelles dans les procédures de surendettement. Mais au moins la définition du non-professionnel correspond désormais à la catégorie de personnes pour lesquelles elle avait été autonomisée par rapport à la notion de consommateur par la Cour de cassation (8). Cette nouvelle définition de l’article liminaire est d’ailleurs celle qui avait initialement été proposée par la DGCCRF (9). Elle nous paraît donc largement plus claire et cohérente.



Obligations de sécurité et de conformité des produits et des services

 


Jusqu’à la loi de ratification, les obligations de conformité et de sécurité des produits et des services étaient distinctes dans leur fondement. Des décrets en Conseil d’Etat pouvaient être pris soit sur la base de l’article L. 412-1 du Code de la consommation lorsque la conformité des produits et des services était en cause, soit sur la base de l’article L. 422-2 du Code de la consommation lorsque la sécurité des produits était en jeu. Or, la conformité des produits ou des services suit une logique et un impératif de sécurité de ces derniers. On parle ici non pas de la conformité aux stipulations contractuelles, qui est désormais replacée logiquement dans le livre 2 du Code de la consommation qui concerne le contrat, mais bien de l’obligation de conformité aux prescriptions réglementaires telle que définie dans l’article L. 411-1 : « Dès la première mise sur le marché, les produits et les services doivent répondre aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes, à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs. »  Cet article qui débute le titre portant sur l’obligation de conformité montre un lien évident entre conformité et sécurité. Or, la dualité des textes existant dans le Code de  la consommation jusqu’à la loi de ratification rendait délicate à la fois la détermination de la base juridique des décrets pris en Conseil d’État et leur application par les opérateurs économiques.


La loi de ratification, suivant d’ailleurs en cela une recommandation du Conseil d’État, a heureusement fusionné les deux textes. Désormais les dispositions sont intégrées de manière unifiée dans l’article L. 412-1 du Code de la consommation (10). Pour les réglementations en matière de produits et services, cet article crée un régime unique qui figure donc désormais dans les mesures générales sous le titre 1er consacré à la conformité. On aurait pu souhaiter qu’il soit directement placé avant celui-ci pour refléter le fait qu’il concerne à la fois la conformité (titre 1) et la sécurité (titre 2), mais l’unification du régime est ici ce qui prévaut en terme de clarté, plus que sa place dans le Code. L’utilisation de ce texte sera ainsi sans aucun doute améliorée.

 


Clarification autour de la résiliation de l’assurance-emprunteur


 

La loi dite Lagarde (11) portant réforme du crédit à la consommation a permis aux emprunteurs de choisir lors de la conclusion du contrat de prêt à la consommation une autre assurance équivalente à celle proposée par le prêteur sans que celui-ci ne puisse s’y opposer ou modifier les conditions du prêt. Puis la loi dite Hamon (12) relative à la consommation est à nouveau intervenue en 2014 pour offrir aux emprunteurs immobiliers le droit de substituer l’assurance équivalente de leur choix à n’importe quel moment de la première année du prêt.


Or, dans ces deux lois rien n’était prévu pour les emprunteurs ayant souscrit leur crédit et donc leur assurance avant l’admission de ces deux facultés de substitution.  La question s’est donc rapidement posée de savoir si en dehors de ces deux facultés de substitution, les emprunteurs pouvaient user de la faculté de résiliation annuelle reconnue par l’article  L. 113-12 du Code des assurances.


Après des hésitations jurisprudentielles, le législateur est intervenu sur cette question, importante en pratique, en permettant la résiliation annuelle à ces contrats par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 (13). Le Conseil constitutionnel a cependant censuré cette disposition pour des questions de procédure (14). C’est finalement dans la loi de ratification du 21 février 2017 que le droit pour les emprunteurs de résilier chaque année leur contrat d’assurance a été consacré. L’article L. 313-31 du Code de la consommation renvoie depuis cette loi conjointement aux articles du Code des assurances et du Code de la mutualité qui prévoient cette faculté de résiliation. On comprend alors que l’assurance-emprunteur reste bien dans le droit commun du droit des assurances et on peut même penser que cette possibilité s’exercera quel que soit le type de crédit immobilier ou de consommation (15).


La loi du 21 février 2017 prévoit également les conditions de son application dans le temps (16).


Là encore ces clarifications sont les bienvenues car un contentieux relativement important s’était créé à ce sujet et les solutions étaient fragiles.


Ce même texte de l’article L. 313-31 du Code de la consommation apporte également des précisions sur les modifications du contrat de prêt qui doivent apparaître après la substitution notamment en terme de modification du taux effectif global. Un avenant au contrat sera donc nécessaire.



Contrats conclus à distance sur les services financiers



Certaines modifications apportées par la loi de ratification sont cependant de moins grande envergure il s’agit parfois de simples précisions mais qui peuvent avoir des conséquences procédurales importantes. Ainsi en est-il du délai de rétractation pour le contrat conclu à distance par un consommateur pour un service financier. Ce délai conformément au droit de l’Union européenne est désormais de 14 jours (art. L. 222-7, al. 1er du Code de la consommation). Le texte dans l’ordonnance de 2016 prévoyait son point de départ : le jour où le contrat est conclu ou le jour où le consommateur reçoit les conditions contractuelles et informations obligatoires, s’il les reçoit postérieurement. Mais on ne précisait pas si ces 14 jours constituaient un délai fixe, ou si, les règles classiques de computation des délais, qui veulent que le dernier jour du délai soit nécessairement ouvrable, étaient applicables. C’est chose faite désormais car l’article L. 222-7 du Code de la consommation est clair sur ce point : « Le consommateur dispose dun délai de quatorze jours calendaires révolus pour exercer son droit de rétractation, sans avoir à justifier de motif ni à supporter de pénalités ». Tous les jours sont donc pris en compte du premier au dernier de l’année civile.


Cette loi de ratification apporte encore d’autres corrections ponctuelles ou formelles rendues nécessaires par une recodification d’envergure conduite assez rapidement depuis la loi Hamon qui avait habilité le gouvernement à cet effet (17). Cette loi permet de rappeler, si besoin était, que le Parlement reste le législateur même lorsque des textes sont adoptés par ordonnance.


 

Anne-Marie de Matos




1) Ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation, JORF n° 0073 du 26 mars 2016, transposant la directive 2014/17/UE du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, JOUE, n° L 60 du 28 février 2014, p. 34.

2) Loi n° 2017-203 du 21 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services: JORF 22 févr. 2017, texte n° 1

3) A-M. de Matos : La recodification du Code de la consommation par l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 - Présentation générale du nouveau code, Journal des sociétés, n° 141, avril 2016, p. 53.

4) « Toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ».

5) Par exemple un syndicat de copropriétaires : Civ. 1re, 23 juin 2011, n° 10-30.645, D. 2011. 2245, note S. Tisseyre.

6) H. Auby et N. Sauphanor- Brouillaud : Recodification du droit de la consommation - À propos de l’ordonnance n° 2016- 301 du 14 mars 2016, JCP éd. G, n° 14, 4 avril 2016, 392 ; S. Bernheim-Desvaux et G. Raymond, Regards croisés sur la réforme de la partie législative du Code de la consommation : Contrats, concurrence Consommation 2016, étude 7.

7) Cass. 1ère civ., 15 juin 2016, n° 15-17.369, Contrats Concurrence Consommation n° 8-9, Août 2016, comm. 200, S. Bernheim-Desvaux.

8) Cass., 1re civ., 15 mars 2005, n° 02-13285, Contrats Concurrence Consommation 2005, n° 100, note Raymond ; RTD civ. 2005. 391, obs. J. Mestre et B. Fages, D. 2005, AJ p. 887, obs. C. Rondey, et Jur. p. 1 948, note A. Boujeka.

9) S. Bernheim-Desvaux : Quand ratification rime avec modifications ! : Contrats Concurrence Consommation n° 3, Avril 2017, comm. 63.

10) L’article L.422-2 étant abrogé par ailleurs puisque sans contenu désormais.

11) Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, JORF n°151 du 2 juillet 2010

12) Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, JORF n°65 du 18 mars 2014 

13) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, JORF n° 0287 du 10 décembre 2016.

14) Décision n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016.

15) N. Leblond : Assurance emprunteur - La résiliation annuelle applicable à l’assurance emprunteur d’un crédit immobilier, Responsabilité civile et assurances n° 6, Juin 2017, étude 8.

16) La loi n’est d’application immédiate que pour les offres de prêts émises à compter de sa publication. Pour les contrats de crédit immobilier souscrits avant cette date, l’usage de la faculté de résiliation annuelle ne sera permis qu’à compter du 1er janvier 2018 et évidemment, à l’échéance du contrat d’assurance.

17) Pour une liste exhaustive de toutes les modification, se reporter utilement au tableau de concordance : S. Bernheim – Desvaux : JurisClasseur Concurrence – Consommation, Fasc. 786 -Tableau de concordance des textes composant la partie législative du Code de la consommation depuis la loi n° 2017-203 du 21 février 2017 de ratification de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.



 


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