DROIT

Réforme et retraite des avocats : le CNB fait le point

Réforme et retraite des avocats : le CNB fait le point
Publié le 23/03/2023 à 15:00

Dans le contexte de réforme des retraites, un webinaire a conjointement été organisé par le CNB et la CNBF le 15 mars dernier pour faire le point. Si le régime autonome de retraite des avocats semble préservé, des mesures du projet de réforme concernent toutefois le régime des avocats dans leur système de cotisation notamment.  Les représentants de la profession restent par ailleurs vigilants sur le sort des pensions de réversion et l’annonce d’une réforme sur l’assiette sociale des travailleurs indépendants.

Le 15 mars 2023, le Conseil national des barreaux (CNB) et la Caisse nationale des barreaux français (CNFB) ont organisé un webinaire intitulé « Quelle retraite pour les avocats ? », l’occasion de passer en revue un régime de retraite autonome finalement préservé après des mois de mobilisation de la profession pour son maintien.

En introduction de cette matinée d’échange, Marie-Aimée Peyron, vice-présidente du CNB, a tenu à rassurer les avocats : « La réforme ne touche pas au régime de base ni au régime complémentaire de notre retraite », avant de mentionner la suppression de l’article 1er bis nouveau (portant sur l’universalisme des régimes des retraites) ayant permis de préserver le régime de retraite des avocats grâce à un amendement déposé au Sénat.

Une sauvegarde du régime à laquelle les avocats ont été plus que favorables, sans quoi le montant de leurs cotisations aurait considérablement augmenté – entraînant, craignait la profession, la fermeture de petits cabinets – et celui de leur pension de retraite aurait au contraire accusé une baisse significative, alors même que leur régime spécial s’équilibre de lui-même sans aucune aide de l’État.

Un régime autonome de « confrères qui servent les confrères »

Pour débuter cette matinée d’échanges, le président de la CNBF Bruno Zillig a rappelé combien la profession s’est battue depuis 2019 pour la sauvegarde du régime avant d’en détailler ses spécificités.

Totalement autonomes, son régime de base et son régime complémentaire sont gérés par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), une caisse monoprofessionelle, où « les confrères servent les confrères » a expliqué le président de la CNBF. En effet, les avocats cotisent les uns pour les autres de manière solidaire : quatre avocats en exercice cotisent pour un avocat retraité, permettant à la CNFB de dégager des bénéfices, de deux milliards d’euros à ce jour.

De plus, le régime de retraite des avocats comprend un régime d’invalidité avec des indemnités journalières revalorisées de 61 à 90 euros par jour, et un régime d’aide sociale en cas d’interruption de carrière, « un bel instrument au service de la profession et extrêmement important », selon Bruno Zillig.

Des régimes qui s’ajoutent aux deux principaux, à savoir le régime de base forfaitaire qui donnera droit à une retraite de 18 299 euros brut, mais qui peut être complété avec le régime de retraite complémentaire. En outre, chacun peut cotiser à cette dernière dès la première année d’exercice contre cinq ans auparavant. Ce régime pérenne et désormais obligatoire n’est pas impacté par la réforme, contrairement au régime des avocats.

Une simplification des cotisations et contributions sociales pour les avocats indépendants

Parmi les mesures qui s’appliqueraient au régime des avocats, les cotisations pourraient être impactées. En effet, le projet de la réforme des retraites prévoit une simplification des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, et ce dans le but d’afficher une « équité » contributive avec les avocats salariés. Mais cet objectif casserait l’équilibre du régime autonome, a indiqué Gilles Not, directeur de la CNBF, qui en a rappelé les principes.

En l’état actuel, si l’avocat salarié dépend du régime général des salariés pour tous les risques autres que le risque vieillesse (maladie-maternité, invalidité, chômage, accidents du travail), il cotise en revanche de la même façon qu’un avocat indépendant pour sa retraite de base et complémentaire. En ce sens, il touche 18 299 euros brut de retraite qu’il peut compléter avec le régime complémentaire à points qui fonctionne sur la base de trois classes de cotisation. Gilles Not a toutefois rappelé que s’il est possible de changer de classe d’une année sur l’autre pour augmenter ses cotisations, il ne sera plus possible de le faire à partir du 1er janvier 2024.

En effet, tout avocat, qu’il soit déficitaire ou bénéficiaire, touchera la même retraite de base, une « solidarité très forte qui existe de moins en moins dans le paysage des retraites » a commenté le directeur de la CNBF. Une solidarité que le CNB ne souhaite pas voir remise en cause avec la simplification. Ce dernier a notamment sollicité que « la CSG et la CRDS ne soient calculées que sur le bénéfice net et non sur le bénéfice brut comme c’est le cas actuellement » est-il détaillé sur le site du Conseil.

Recul de l’âge de départ à la retraite : une mesure « transparente » pour les avocats

Comme l’a rappelé Jérôme Bourgeois, directeur opérationnel de la CNBF, « l’âge moyen de départ à la retraite pour les avocats est de 65 ans et deux mois ». L’âge de départ à la retraite, qui sera progressivement relevé à raison de trois mois par année pour atteindre les 64 ans en 2030, n’impacte donc pas les avocats qui « font liquider leur droit plus tard » a ajouté Jérôme Bourgeois.

Seulement la retraite dépendant de la durée de l’exercice pour calculer la pension, « si les avocats doivent cotiser 172 trimestres [dès 2027], l’entrée dans la profession se faisant à 30 ans en moyenne, il faudrait partir à 73 ans ! » s’est alarmée Catheline Modat, membre élue du CNB et co-responsable de la commission Protection sociale du CNB. Les avocats seraient ainsi contraints de travailler au-delà de l’âge légal.

Toutefois, à partir de 67 ans, les avocats pourront prendre leur retraite à taux plein – de 18 299 euros pour le régime de retraite de base rappelons-le – sans même justifier de l’intégralité des trimestres. Une mesure qui concernerait donc les avocats entrés tardivement dans la profession.

Cependant, un avocat souhaitant partir plus tôt à la retraite peut racheter des trimestres à la CNBF – dans la limite de douze trimestre –, « à condition toutefois que la caisse des avocats soit le premier régime après l’obtention du diplôme » a précisé Jérôme Bourgeois.

De plus, une personne qui aura travaillé sous un autre régime avant de rejoindre celui de la CNFB conservera ses trimestres mais cotisera différemment et devra se manifester auprès des deux caisses de retraites où elle aura cotisé.

Par ailleurs, la CNBF est la « seule caisse de retraite où une femme qui suspend son activité au titre d’une maternité va se constituer les mêmes droits qu’une femme qui n’aurait pas eu de congés maternité » a de son côté expliqué Vincent Maurel, membre de la commission ad hoc Protection sociale du CNB et vice-président Province de la CNBF.

Les avocats finalement intégrés dans le dispositif de majoration de 10 % des pensions des retraites

Ce webinaire a notamment été l’occasion de revenir sur une « victoire » du CNB. En effet, les avocats initialement exclus du dispositif de la majoration de 10 % de la pension de retraite pour les parents ayant eu trois enfants ou plus, y ont finalement été intégrés grâce à un amendement déposé sur l’action du CNB au Sénat. Un accès légitime dans la mesure où les avocats cotisent au régime d’allocation familiale qui les finance, alors que jusqu’à maintenant « [ils] ne bénéfici[aient] pas de cette disposition qui pourtant était financée par la branche famille » et non par les régimes de retraite, a expliqué Catheline Modat.

Ainsi, tout avocat ou avocate ayant eu un moins trois enfants bénéficiera d’une majoration de 10 % de sa pension de retraite, « un dispositif qui va aller en favorisant et en améliorant la pension servie par les avocats » et qui sera calculé sur le régime de retraite de base uniquement, a complété l’avocate.

Le vice-président Vincent Maurel a de son côté rassuré son audience : adhérer à ce dispositif ne remet pas en cause leur régime de retraite mais vient en revanche « réparer une injustice ».

Cependant, l’institution représentative des avocats et la CNBF restent vigilantes sur deux points : le sort des pensions de réversion, qui ne sont soumises à aucun plafond de ressource aujourd’hui mais pourraient l’être à l’avenir, ainsi que sur l’annonce d’une réforme sur l’assiette sociale des travailleurs indépendants. Des sujets en discussion à Bercy, à l’heure où le 49.3 s’est imposé le 16 mars dernier à l’Assemblée nationale.

 

Allison Vaslin

 

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