Le 27 mars dernier s’est déroulée la 2e édition
des Rencontres business organisées par le magazine Le Monde du droit. La rencontre plénière de cet évènement
intitulée « Brexit :
quelles conséquences pour les entreprises ? » a fait le
point sur les problématiques et difficultés auxquelles vont devoir faire face
les entreprises des deux côtés de la Manche. Quel est le cadre juridique dans
lequel les entreprises vont devoir vivre ? Quelles mesures les entreprises
peuvent-elles prendre pour se préparer au Brexit ? Les enjeux sont très
nombreux, d’autant plus que la plupart des entreprises françaises ne sont pas
prêtes.
Deux ans après l’activation de l’article 50 du traité européen qui permet de lancer les négociations de sortie du
Royaume-Uni de l’Union européenne, la situation est plus que confuse. Le
29 mars 2019, les parlementaires britanniques ont a de nouveau rejeté le
traité de sortie qui leur était soumis. Pour éviter un Brexit sans accord (no
deal Brexit), dans la nuit du 10 au
11 avril dernier, les dirigeants européens ont accordé au Royaume-Uni un
délai supplémentaire de six mois pour sortir de l’Europe. La nouvelle date de
sortie de la Grande-Bretagne est donc fixée au 31 octobre 2019. Cela
laisse également plus de temps aux entreprises touchées par le Brexit pour se
préparer. Un petit soulagement pour ces dernières, qui sont loin d’être au
point.
C’est en tout cas l’avis des experts qui sont intervenus quelques jours
avant tous ces revirements, lors de la conférence plénière des Rencontres
business, animée par Arnaud Dumourier, directeur de la rédaction du Monde du
Droit, le 27 mars dernier. Alexandre Holroyd, député LREM ; Hervé
Jouanjean, Of Counsel, cabinet Fidal et ancien directeur général à la
Commission européenne ; Anne-Claire Dubois, juriste experte en données
personnelles (DPO) ; et Alain-Christian Monkam, avocat aux barreaux de
Paris et de Londres et directeur de Monkam Solicitors Limited, cabinet
d’avocats londonien, ont passé en revue les enjeux auxquels seront confrontées
les entreprises avec l’arrivée du Brexit, que ce soit la mobilité des salariés
et de leur famille, la fiscalité, la propriété intellectuelle ou encore les
contrats commerciaux.
DES
INCERTITUDES ANTE ET POST BREXIT
Pour Alexandre Holroyd, député LREM et rapporteur du projet de loi
habilitant le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation
au Brexit, il est primordial, dans un premier temps, de faire prendre
conscience aux interlocuteurs britanniques que leur avenir est incertain, ou en
tout cas qu’il va être totalement bouleversé. À son avis, les Anglais se
trompent quand ils pensent que les ordonnances prises par les Européens depuis
le début du Brexit ont pour but « de faire en sorte qu’en théorie le
Royaume-Uni sorte du marché commun, mais qu’il va y rester dans les faits ».
« À partir du moment où vous sortez du marché commun, vous n’êtes plus
dans le marché commun. Et tous les avantages que vous aviez disparaissent »,
a rappelé le député.
Les
ordonnances qui ont été prises ont seulement pour objectif d’empêcher une vraie
crise majeure, mais les conséquences néfastes sur les entreprises ne vont pas
disparaître. Celles-ci vont voir la différence, d’autant plus qu’il y a
quelques années seulement, les entreprises se posaient très peu la question
d’une éventuelle sortie du marché unique : « C’est une dimension
de risque qui était tellement éloignée de ce qui était dans le débat public,
qu’on ne l’envisageait pas avec beaucoup de crédibilité », a déclaré
Alexandre Holroyd, qui n’a pas caché sa déception de voir le Royaume-Uni sortir
de l’Union européenne, son père étant lui-même anglais.
Aujourd’hui,
a-t-il ajouté, les entreprises se rendent compte que cette stabilité juridique
que l’Europe a créée depuis des décennies, « cette espèce de constance »,
est en train de s’évanouir.
Bref, a-t-il
conclu, au Royaume-Uni, la situation est très critique. Pour lui, les députés
sont en voie de créer une crise politique mettant la Grande-Bretagne dans une
situation très difficile.
Parfaitement
d’accord avec les propos de son prédécesseur, Hervé Jouanjean, Of Counsel
au cabinet Fidal, a assuré que l’incertitude que nous vivons en ce moment sera
toujours là une fois le Royaume-Uni définitivement sorti de l’Union européenne.
« Nous
ne sommes qu’au début du Brexit, une fois le deal adopté, les
conséquences seront nombreuses pour les entreprises », a-t-il affirmé.
Tout devra
être adapté, notamment le droit des marques, la rédaction des contrats, le
droit de la propriété intellectuelle, etc. « On va devoir reconstruire
en moins bien ce qui existe déjà », a-t-il affirmé, assez inquiet.
Dans quel
cadre juridique les entreprises vont donc devoir évoluer après le Brexit ?
a demandé Arnaud Dumourier, directeur de la rédaction du Monde du Droit,
à ses invités.
UN CADRE JURIDIQUE NOUVEAU POUR
LES ENTREPRISES
Hervé
Jouanjean a d’abord rappelé que la loi organisant le retrait du Royaume-Uni de
l’Union européenne, promulguée le 26 juin 2018, va permettre à
la Grande-Bretagne de continuer à fonctionner normalement après le Brexit.
« Jusqu’à
la fin 2020, s’il y a un deal, on pourrait être tranquille, le
Royaume-Uni ne sera plus un État membre institutionnellement même s’il
continuera à appliquer, s’il le souhaite, toutes les dispositions du droit
communautaire » a-t-il rappelé.
En effet,
les lois européennes que le pays souhaitera conserver (comme les lois sur la
bioéthique par exemple) pourront être intégrées au droit britannique. Elles
deviendront alors des textes de loi de la Nation. Il reste qu’il faudra
nécessairement les adapter pour éliminer ce qui n’aura plus cours (contrôle par
les institutions européennes, etc.).
À terme, a
prédit Hervé Jouanjean, il y a un risque pour les entreprises de se retrouver
avec des dispositions sur des sujets spécifiques – en matière d’environnement,
en matière sociale particulièrement – qui seront différentes de celles de
l’Union européenne du fait de la volonté du législateur britannique.
Actuellement,
les entreprises françaises au Royaume-Uni s’interrogent donc sur les
conséquences pratiques que ce nouveau cadre juridique va engendrer.
L’ancien
directeur général de la Commission européenne a évoqué l’exemple d’entreprises
qui vendent des dispositifs médicaux en Grande-Bretagne et qui déposent sur
leurs produits la marque CE. Puisque l’organisme accrédité se situe au
Royaume-Uni, en cas de no deal, ces sociétés ne pourront plus, du jour
au lendemain, apposer cette marque sur leurs dispositifs.
Il y aura en
tout cas plus de « paperasse et plus de contrôles », a affirmé
Hervé Jouanjean.
Anne-Claire
Dubois, juriste experte en données personnelles (DPO) qui travaille à Londres
depuis plusieurs années, a donné son sentiment sur ce que vivent les
Britanniques aujourd’hui. Au départ, a-t-elle raconté, à la perspective du
Brexit, une certaine euphorie était palpable, un très grand enthousiasme
animait les gens, mais celui-ci s’est peu à peu essoufflé. « Aujourd’hui,
il y a même un sentiment de lassitude » a-t-elle confessé. Ce qui
explique, selon elle, pourquoi la pétition pour rester dans l’Union européenne
lancée le 21 mars 2019 sur
le site du Parlement anglais a rencontré un tel succès.
Du côté des
entreprises, l’exaltation est également retombée, car si l’on se retrouve
avec un no deal, s’agissant de la protection des données par exemple, « cela
va vraiment ébranler le monde de l’économie digitale, les services en ligne… »
a affirmé l’experte en DPO (Data Protection Officer).
En effet,
actuellement, environ 15 % des données personnelles de l’Union européenne
transitent par la Grande-Bretagne.
Le plus
étonnant, a fait remarquer Anne-Claire Dubois, est que sur la page Internet du
gouvernement britannique, dans la rubrique « Que faut-il faire pour
vous assurer que le flux des données au 12 avril pourra continuer de
s’opérer entre vos activités basées en Union européenne vers la Grande-Bretagne
et inversement de la Grande-Bretagne vers l’Union européenne »,
les explications sont assez laconiques. En fait, le droit britannique prévoit
tout simplement de conserver le RGPD et d’effectuer quelques aménagements dans
les textes.
Tout cela
paraît simple du Royaume-Uni vers l’UE. Néanmoins, a averti la juriste, le
passage des données personnelles de la communauté européenne vers le
Royaume-Uni sera lui plus compliqué à effectuer.
« Il
faudra pouvoir mettre en place certains mécanismes de transfert »,
a-t-elle expliqué, et en cas de no deal, les mécanismes seront beaucoup
plus contraignants, et les entreprises basées dans l’Union européenne devront
revoir tous leurs flux de données.
« La
totalité des contrats sera à revoir, avec les partis tiers, les sous-traitants
de données, les fournisseurs de service basés en dehors de l’Union européenne,
etc. », a prévenu Anne-Claire Dubois. Cette procédure pourrait prendre
trois à cinq ans.
Quel sera l’impact
du Brexit sur les salariés ? Le droit du travail peut en effet être
fortement impacté en fonction des évolutions économiques.
L’IMPACT DU BREXIT SUR LES
EXPATRIÉS
Plutôt optimiste, Alain-Christian Monkam, avocat aux barreaux de Paris
et de Londres et directeur de Monkam Solicitors Limited, a d’abord tenu à
souligner qu’à l’heure actuelle « l’Angleterre se porte bien »,
et même « mieux que la France à bien des égards » a-t-il
affirmé. En effet, en Grande-Bretagne, le taux de chômage est de seulement
3,9 %, « du jamais vu depuis 1975 », alors qu’en France,
on était à 8,5 % au trimestre dernier.
Quant au déficit budgétaire, celui-ci est quasiment réduit à 0 en Angleterre, a rappelé l’avocat, tandis qu’en France, on est encore à
17 milliards…
C’est pourquoi, selon lui, malgré le vote du Brexit, en Grande-Bretagne,
les choses se passent tout de même très bien.
Sur le droit du travail à proprement parler, les conséquences seront
juridiques et économiques, a déclaré le directeur de Monkam Solicitors Limited.
Le 26 juin 2018, le Parlement
britannique, après signature de la reine Elizabeth II, a promulgué la loi
sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le texte prévoit qu’au
moment du Brexit, l’ensemble de la législation qui était prévue en Union européenne
pourra être adapté en droit interne, et par conséquent, le droit du travail
également (notamment en ce qui concerne le temps de travail, les congés
maternité, les discriminations…).
Selon
l’avocat, les Anglais ne verront donc pas beaucoup de différences après le
Brexit. Par contre, pour les Européens qui travaillent ou voudront travailler
en Angleterre, la situation ne sera pas en revanche aussi simple qu’auparavant.
Des difficultés se posent réellement, puisqu’au Royaume-Uni sont actuellement installées
3 000 filiales françaises qui embauchent 350 000 personnes,
a rappelé Maître Monkam. Parmi elles, on compte un grand nombre de
salariés français et de l’Union en général. Pour ces derniers, le Royaume-Uni
s’est engagé, de manière unilatérale, à accorder le droit de rester à tous ceux
qui résident en Angleterre depuis au moins cinq ans.
Quant à ceux qui sont arrivés justes avant le vote du Brexit, der
derniers ont un délai pour acquérir les cinq années nécessaires afin de
prétendre à ce « stable status ».
Pour les entreprises qui voudront employer de nouveaux salariés de
l’Union européenne après le Brexit, il faudra respecter des procédures très
différentes (demande de visas, douanes, etc.).
Il sera toutefois possible d’aller en Angleterre sans visa si l’on reste
moins de trois mois.
Une entreprise qui souhaitera délocaliser ses locaux de la
Grande-Bretagne vers le continent, ce qui de nos jours ne se produit que très
rarement (seulement 7 000 emplois sont
actuellement délocalisés en Union européenne), devra suivre les procédures
classiques en matière de visa, a expliqué Alain-Christian Monkam.
À propos des conséquences économiques, aujourd’hui, près de
30 000 entreprises françaises exportent en Angleterre. Notre balance
est excédentaire d’environ 4 milliards d’euros avec ce pays, a rappelé
Maître Monkam. De ce fait, « ni la France, ni l’Angleterre n’ont
intérêt à ce que les choses se passent mal » a déclaré l’avocat.
Selon lui, trois scénarios sont envisageables à l’heure actuelle :
soit le Brexit est repoussé, et il ne se passera pas grand-chose ; soit
l’UE et le Royaume-Uni parviennent à un deal il y aura peut-être
quelques désaccords, mais rien de très inquiétant ; ou alors les négociations
aboutiront à un no deal et dans ce cas, on peut s’attendre à plusieurs
perturbations (droit de douane), notamment sur les entreprises.
Pour l’instant, puisque rien n’est très clair, le Brexit est selon lui
« une hystérie politique », qui n’a pas encore de réalité
économique.
Rebondissant sur ces propos, Alexandre Holroyd a rétorqué que « certes
le chômage est très bas en Angleterre, mais avec des zero-hour contracts
(Contrat à la tâche ndlr.), des choix politiques qu’en France, on n’a
pas voulu prendre. »
En outre, à son avis, les inégalités au Royaume-Uni sont beaucoup plus
flagrantes qu’en France.
Estimant Maître Monkam un peu trop optimiste, Alexandre Holroyd a
de son côté affirmé qu’en cas de Brexit dur, pas moins de
500 000 emplois risquaient de disparaître.
Cependant, a-t-il concédé, « il est vrai que les Britanniques
ont pris une série d’engagements qui va très loin pour clarifier le statut des
Européens qui travaillent chez eux ».
Le problème, a-t-il relevé, est que le « stable status »
doit être mis en place par l’équivalent de décrets, pas encore sortis à ce
jour. « Même s’il y a des engagements, nous on veut voir de la
législation, on veut le voir dans la loi » a-t-il déclaré.
Sans détour, le député LREM a affirmé que sa priorité est uniquement de
protéger les intérêts européens. « S’il y a un Brexit dur, il y aura un
impact très négatif sur l’industrie. Et si on met à mal le marché commun,
l’impact sera démultiplié » a-t-il averti.
Ainsi, « même ceux qui sont proches idéologiquement des
Britanniques, – les Suédois et les Danois –, sont prêts à accepter qu’il y ait
un dommage économique à court terme, s’il s’agit de protéger le cadre juridique
du marché commun dans lequel ils conçoivent leur avenir économique »
a-t-il affirmé. Enfin, pour lui, « nous ne sommes pas dans une hystérie
politique, mais dans une réflexion qui repose sur du long terme ». Une
réflexion qui interroge l’avenir sur de très nombreuses années.
Dans ce nouveau cadre économique et juridique, quelles bonnes pratiques
pourraient adopter dès à présent les entreprises ?
LES BONNES PRATIQUES À ADOPTER
Alexandre Holroyd invite les entreprises françaises à
entreprendre un audit de tout ce qui va impacter leur activité. « La
première chose à faire est de mener un audit très clair pour trouver les points
de tensions (frontières, cadre juridique, chaine de production, etc.) »
a-t-il avancé. À partir de là, on peut trouver des solutions. Certaines d’entre
elles devront sans doute se demander comment moins dépendre du Royaume-Uni, a
affirmé le député LREM.
Anne-Claire Dubois a acquiescé à ces propos. Du point
de vue de la protection des données personnelles, il est indispensable selon
elle de « continuer ces audits, ces bonnes pratiques mises en place
pour le RGPD ».
Certes, il ne faut pas paniquer puisque le
gouvernement britannique a confirmé que les données pourront être aisément
transférées de la Grande-Bretagne à l’Union européenne, mais s’agissant du
chemin inverse, « il faudra être créatif dans les contrats »,
a-t-elle assuré. La liste sera longue de tous les aspects à vérifier :
étude des fournisseurs principaux, identification des flux de données, révision
de la cartographie mise en place pour l’article 30 du RGPD, examen de la
situation du DPO. Si ce dernier est basé au Royaume-Uni, il faudra aussi se
poser la question de son accessibilité pour les employés et les clients, a
suggéré la juriste.
Cette dernière a également incité les chefs
d’entreprise à consulter la page de l’ICO (Information Commissioner’s Office, équivalent
de la CNIL pour la Grande-Bretagne) qui a mis en ligne de nombreuses fiches
techniques pour aider les employeurs à définir les pratiques à mettre en place.
De son côté, Hervé Jouanjean a été très clair. La
priorité est de regarder la structure des exportations de l’Union européenne et
protéger le marché commun.
Pour l’ancien directeur général à la Commission
européenne, il faut appliquer à l’Union européenne ce que l’Allemagne a fait
tout au début des négociations : « Madame Merkel a fait un choix
très clair qui a été de protéger le marché intérieur contre toute tentative de
démantèlement pour protéger les intérêts à court terme de l’Allemagne. »
« C’était un signal très fort »,
a-t-il estimé. Dans les négociations à venir, la structure du marché devra
absolument être protégée.
« Aujourd’hui les Britanniques sortent,
demain c’est un pays tiers », a-t-il rappelé. « Les
entreprises doivent comprendre qu’à Bruxelles ce que nous défendons, c’est
l’Union européenne à 27, les activités des entreprises des 27, les emplois des
salariés de l’Union » a-t-il ajouté.
C’est pourquoi, à son avis, les entreprises devront
être très vigilantes et suivre de près les négociations commerciales afin de
voir si du côté britannique, il n’y a pas une détermination à gagner des
avantages. « Les gouvernements auront besoin du soutien des
entreprises », a-t-il affirmé.
Concernant l’attitude à adopter pour ces dernières,
l’avocat estime lui aussi qu’il faut qu’elles procèdent à un audit interne et
étudient ce qu’elles importent et exportent en Grande-Bretagne.
En outre, puisque « le no deal est tout à
fait possible », selon lui, les entreprises doivent donc « continuer
à s’y préparer, continuer ou commencer leurs audits ».
Quoi qu’il en soit, l’avocat est certain que « les
Britanniques vont vouloir récupérer le terrain perdu ». Et pourquoi
pas tourner le Brexit à leur avantage ?
QUEL AVENIR POUR LA Grande-Bretagne
APRÈS LE BREXIT ?
S’exprimant à ce sujet, Alain-Christian Monkam a fait remarquer que
derrière tous ces pourparlers, il y a sans doute pour les Anglais l’idée de
construire un droit plus concurrentiel. Pour le bien de leur économie, ils
pourraient opter pour un droit plus flexible en matière du droit du travail, en
matière de représentants du personnel par exemple.
En réalité, pour l’avocat, le plus grand risque post Brexit est
peut-être que les Anglais s’en sortent mieux qu’avant, car si cela arrive,
d’autres ne vont-ils pas être tentés ? L’avenir sera-t-il meilleur ou pire
pour eux ? s’est-il demandé en toute franchise.
De son côté, Hervé Jouanjean a qualifié le Brexit de processus « totalement
irrationnel ». Pour lui, au contraire, c’est cette sortie va contre
l’intérêt national : « si les Britanniques avaient été rationnels,
jamais ils n’auraient voté le Brexit », a-t-il scandé.
Le fait que les députés du Parlement se soient opposés au deal de
Madame May – lequel est tout à fait bénéfique pour l’économie britannique,
et qui a été très bien négocié par la ministre, selon Hervé Jouanjean – démontre
à son avis l’incohérence des négociations.
Pour Alexandre Holroyd, une autre question se pose : au lendemain
du Brexit, une fois l’étape des négociations terminée, qu’est-ce que les
Britanniques voudront être ? Plus libéraux, plus conservateurs ?
« Actuellement, l’incertitude vient aussi de la liberté que le
Royaume-Uni va reprendre en sortant de l’Union européenne. »
En effet, le législateur pourra choisir ou non d’appliquer les textes du
droit communautaire, avec les conséquences sur le fonctionnement de l’économie
britannique et sur la compétitivité de leurs produits.
Le Royaume-Uni sera dans une situation d’indépendance totale. Le pays
« [devra] reformuler des décisions qui depuis 40 ans sont
formulées au niveau européen. Il s’agit d’une incertitude conséquente »
a-t-il assuré.
Les intervenants se sont enfin demandé si le départ de la
Grande-Bretagne n’allait pas entraîner un effet domino. Dans ce cas, quel sera
l’avenir de l’Union européenne ?
QUID DE L’AVENIR DE L’EUROPE ?
Tout d’abord, Alexandre Holroyd a rappelé que tous les pays de l’Union
ne sont pas comparables. Aujourd’hui, a-t-il précisé, le Royaume-Uni sort de
l’Union européenne, et cette dernière s’en trouve très affaiblie.
Pourquoi ? Car la Grande-Bretagne est une puissance politique et
commerciale de premier ordre. Aussi, a-t-il ajouté, « Si Theresa May a
pu négocier un accord comme celui-ci, c’est parce qu’elle a des éléments
importants à faire valoir. »
Le pouvoir de négociation est très différent selon les états qui veulent sortir, a-t-il
rappelé. Ainsi, si d’autres pays veulent quitter l’Union européenne, ils ne
sortiront certainement pas dans les mêmes conditions que le Royaume-Uni.
D’ailleurs, a-t-il ajouté, « ceux qui parlaient autrefois de
sortir de l’Union européenne n’en parlent plus du tout aujourd’hui ».
Au contraire, les pays veulent y adhérer, a-t-il indiqué.
Pour Alexandre Holroyd, le plus grand danger pour l’Europe n’est donc
pas d’ordre économique, mais bien plus géopolitique.
« La perte des Britanniques est une immense perte dans le combat
contre l’anti terrorisme, dans l’influence internationale, dans le
développement de l’Afrique… », a souligné le député LREM.
Ce dernier a ainsi rappelé que la Grande-Bretagne est un des
cinq pays a posséder le droit de veto au Conseil de sécurité, qu’elle
possède des services de renseignements très efficaces, et est dotée d’une très
grande force nucléaire.
Tous ces éléments sont, certes, peu quantifiables, « mais ils
sont beaucoup plus graves que le fait de devoir restructurer des chaines de
production, ou même de savoir si les Britanniques vont s’en sortir mieux ou non
après le Brexit » a-t-il déclaré.
Pour finir,
Hervé Jouanjean a tout de même incité l’assistance – composée de chefs
d’entreprise, d’avocats, de juristes, de fiscalistes – à ne pas s’alarmer, mais
plutôt « à adopter une attitude constructive ». En d’autres
termes, à utiliser le Brexit pour réfléchir à la structure européenne. « N’y
aurait-il pas la possibilité de faire advenir quelque chose de différent au
sein de cette architecture qui nous permettra de garder des bons liens avec nos
amis britanniques ? » a-t-il suggéré en guise de conclusion.
Maria-Angélica Bailly