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Rentrée solennelle de l’EFB : « Nous allons vous apprendre à porter la robe »

Rentrée solennelle de l’EFB : « Nous allons vous apprendre à porter la robe »
Publié le 18/01/2020 à 09:30

Le 9 janvier dernier, le Palais des Congrès de Paris a accueilli les 1 881 élèves-avocats de la promotion 2020-2021 de l’École de formation du barreau (EFB). Ces derniers ont prêté leur « petit serment » devant une scène transformée en gigantesque salle d’audience pour l’occasion. Un moment solennel qui s’est déroulé en présence, notamment, du directeur de l’EFB, Pierre Berlioz, du bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, du Premier président de la cour d’appel de Paris, Jean-Michel Hayat, et du parrain de promotion, l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve.

 



L’ouverture de la cérémonie de rentrée de l’EFB a été assurée par Maître Alain Bensoussan, expert en droit du numérique, qui a proposé à son auditoire « un voyage dans les technologies avancées ». Une épopée plus particulièrement centrée sur les technologies à destination des avocats afin de faire prendre con science à ces derniers des bouleversements que la profession est en train de subir.



Pierre Berlioz, Alain Bensoussan, Olivier Cousi et Laurent Martinet



L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, UNE NOUVELLE ÈRE POUR LA PROFESSION


« Dix ans avant 2030, c’est-à-dire maintenant, a débuté Maître Bensoussan d’un air mystérieux, il y avait trois mondes. » Le premier monde était celui du papier. Celui-ci côtoyait le monde de la transition numérique, qui côtoyait lui-même le temps de l’intelligence artificielle qui pointait alors son nez. « Le passé, le présent, le futur étaient présents au même moment. Nous étions au début de l’ultra humanité » a-t-il conté. Cependant, a-t-il ajouté, la plupart des individus n’avaient pas vu arriver cette accélération bien que de nombreux indices étaient évidents. « Apple, Google, Microsoft, Amazon : le digital avait pris le monde en otage », a affirmé Maître Bensoussan. Dans le monde du droit en particulier, certains avocats étaient conscients de ces bouleversements mais en minimisaient leur portée. Ils pensaient que le droit classique continuerait à donner des solutions, et donc que l’innovation pouvait bien attendre. « Or, nous étions plongés dans une organisation exponentielle » a indiqué l’intervenant, en donnant quelques exemples. 


Les premiers robots avaient été construits au Nevada, aux États-Unis, mais aussi en Europe et en France. Quant à la population, elle avait augmenté de façon fulgurante depuis un siècle. La richesse continuait aussi à s’accroître, cependant, a précisé Alain Bensoussan, 80 % des capitaux et des biens étaient entre les mains de seulement 1 % de la population. La grande question à laquelle les économistes devaient répondre en ce temps-là était la suivante : comment gérer la pauvreté ?


Enfin, a ajouté Maître Bensoussan poursuivant son récit, « la mondialisation était en accélération avec l’Internet sans frontières, et une information omniprésente. »


« Pour la profession d’avocat, l’organisation exponentielle est de même nature. Car l’innovation est réelle pour tous les secteurs », a commenté l’intervenant, revenu soudain au temps présent.


Pour cet expert en numérique et technologies avancées, l’intelligence artificielle – la base de l’ultra humanité – est aux portes du métier.


Maître Bensoussan a également affirmé être absolument certain que cette transition allait s’accélérer pour la raison suivante : les difficultés d’accès à ce nouveau monde sont en train de disparaître, et de plus en plus rapidement, a-t-il expliqué.


L’avocat a ainsi fait référence aux « digital natives », c’est-à-dire aux enfants d’aujourd’hui qui ont entre 2 et 4 ans et qui savent déjà utiliser un écran tactile. « Ils savent aussi aller sur YouTube et trouver les tutos qui les intéressent, et pourtant, ils ne savent ni lire ni écrire », a-t-il certifié. Concernant les avocats, ce qui va le plus transformer leur façon de travailler, c’est le « vocal », c’est-à-dire les machines qui parlent, a assuré Alain Bensoussan. « Le vocal va tout modifier, a-t-il précisé, car celui-ci permet de réduire la distance qu’il y avait autrefois entre l’émission de la pensée et son résultat. »


Pour Maître Bensoussan, le métier d’avocat est certes compliqué, mais les professionnels devraient pouvoir, grâce à la maîtrise du vocal, entrer encore plus rapidement dans ces générations du futur et de l’intelligence artificielle. Il faudra bien entendu investir dans ces nouvelles technologies, mais le coût est tout à fait maîtrisable, selon cet expert en numérique.


Autre avantage des robots, de l’intelligence artificielle et du vocal, a ajouté Maître Bensoussan, c’est qu’ils v ont permettre de mieux appréhender la régulation des textes de loi qui sont modifiés de 20 % tous les ans.


« Aujourd’hui, la plupart des systèmes d’intelligence artificielle savent lire des millions de documents en quelques milliers de secondes » a affirmé l’intervenant.


L’avenir de la profession va donc, à son avis, peu à peu se déplacer du côté de la stratégie plutôt que de celui de la connaissance de l’information.


Quoi qu’il en soit, pour l’expert en droit du numérique, les intelligences artificielles (dont certaines ont même acquis une nationalité, comme Sophia, qui a obtenu la nationalité saoudienne) sont là pour aider les avocats. Ces derniers doivent donc apprendre à vivre et survivre avec elles.


En effet, selon Maître Bensoussan, « une machine contre un humain gagne, mais un humain et une intelligence artificielle battent le meilleur des humains et la meilleure des machines ».


Pour lui également, le monde de demain va se construire sur la base d’une mixité homme-robot. C’est dans ce cadre que de nouveaux défis pour les avocats vont s’inscrire.


Au terme de son allocution, Alain Bensoussan a illustré cette mixité homme-robot avec « Manon », une intelligence artificielle dotée de parole, à qui il a posé une série de questions juridiques, plus ou moins difficiles, auxquelles cette dernière a répondu avec brio. « Pourquoi irais-je chercher dans un Code ? Combien de temps faudrait-il à un collaborateur ou une collaboratrice pour chercher l’information ? » a interrogé l’avocat.


« Voilà, a-t-il conclu, ceci est un exemple à notre époque, au début de l’ultra humanité, de ce que peut être un avocat augmenté. »


 


UNE FORMATION INDISPENSABLE POUR APPRENDRE À PORTER LA ROBE


Se sont ensuite exprimés Pierre Berlioz, Olivier Cousi et Bernard Cazeneuve. Tous les trois ont encouragé les élèves à prendre très à cœur leur formation à l’EFB, à donner de la valeur à leur engagement, et ce malgré une période très troublée pour la profession.



Bernard Cazeneuve, parrain de la promotion



Le directeur de l’École de formation du barreau a commencé par interpeller les nouveaux élèves : pourquoi se former à l’EFB après des études déjà longues à l’université ? Quelle est l’utilité de cette formation ? Conscient que certains d’entre eux pourraient se poser la question, Pierre Berlioz a précisé : « Vous ne perdrez pas votre temps à l’EFB. L’école est un temps important de la carrière d’un avocat (…), c’est l’école qui vous fait naître en tant qu’avocat. »


Certes, après cinq ans d’études supérieures, les élèves sont déjà des juristes, mais selon Pierre Berlioz, cela n’est pas suffisant pour faire d’eux des avocats. L’école est là pour leur apprendre à porter la robe et acquérir l’esprit de la profession. « Ce petit serment est le symbole de l’accès à la profession d’avocat et le pr élude à votre transformation », a-t-il ajouté.


Même son de cloche du côté d’Olivier Cousi, le bâtonnier du barreau de Paris, pour qui « la formation est essentielle pour vous permettre d’entrer de manière adaptée et opérationnelle dans la profession, sur le marché concurrentiel et ouvert du droit et des services juridiques. En outre, via cette école, nous démontrons notre compétence et notre crédibilité. Cette formation participe de notre culture, de notre identité et de notre unité d’avocats ».


En un mot, « cette scolarité ne peut être considérée par vous comme une formalité, au prétexte qu’elle viendrait ponctuer un long parcours universitaire » a insisté le bâtonnier de Paris."Cette école va vous permettre d’être de grands avocats qui ont été bien formés, et vous permettra d’intégrer, autant que cela est nécessaire, les principes et les valeurs qui doivent guider chacune et chacun dès lors que vous déciderez de porter la robe d’avocat » a déclaré quant à lui Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre, avocat et parrain de la nouvelle promotion.


Pour ces grandes personnalités du monde du droit, il est en outre indispensable que les élèves donnent dès à présent de la valeur et du sens à leur engagement.


 


DONNER DU SENS À SON ENGAGEMENT


Certes, a déclaré Pierre Berlioz, l’école forme les élèves aux actes qui constituent le quotidien de la pratique d’avocat, mais « c’est surtout l’esprit de la profession que l’école doit vous enseigner » a-t-il ajouté. Plus précisément la dignité, la conscience, l’indépendance, la probité et l’humanité.


Ainsi, s’engager dans la profession, devenir avocat, est, selon le directeur, avoir une voix qui porte, « non pour faire entendre la sienne, mais pour soutenir celle d’un autre ».


Quant à la robe d’avocat, elle symbolise la profession. Quand il la porte, a précisé le directeur de lEFB, l’individu disparaît, afin que seules s’expriment sa fonction et la représentation des intérêts que son client lui a confiés.


« Voici l’objectif essentiel de votre formation : vous apprendre à porter la robe, et c’est ce que nous allons faire pendant ces 18 mois » a-t-il conclu.


Olivier Cousi a pour sa part tenu à préciser que ce « petit serment » n’était pas du tout anodin, car « il porte déjà en lui les valeurs de la profession qui seront désormais les vôtres ». 


Dans son discours, Bernard Cazeneuve a lui aussi insisté sur les valeurs qui caractérisent le serment d’avocat.


Pour cela, le parrain a fait part à sa promotion de son expérience lorsqu’il était aux plus hauts échelons de l’État.


« Quand j’étais Premier ministre, je me souviens qu’il m’est arrivé très souvent de trouver en face de moi ceux qui sont aujourd’hui mes confrères » a-t-il déclaré.


Les visites de ces derniers l’ont particulièrement marqué, a-t-il confessé, quand il était ministre de l’Intérieur : « [les avocats] sont venus exprimer leurs inquiétudes sur un certain nombre de lois que je portais au Parlement dans un contexte national tragique (cf. les attentats de 2015-2016, ndlr) ».


À l’époque en effet, les avocats redoutaient que ces lois remettent en cause un certain nombre de libertés et de principes auxquels ils tenaient.


Or, a expliqué l’ancien ministre de l’Intérieur, c’était précisément parce que la violence extrême de ces actes terroristes remettait en cause les libertés fondamentales que ces lois avaient été votées.


« Malgré tout, a précisé Bernard Cazeneuve, je considérais les avocats légitimes dans leur démarche ». Ainsi, quand la profession venait le voir pour lui dire que tout ce qui était fait pour garantir la sécurité des Français pouvait remettre en cause les valeurs essentielles de l’État de droit, l’ancien ministre estimait qu’il était de son rôle de leur donner toute garantie que cela ne se produirait pas.


« À cette époque, a-t-il témoigné, j’ai éprouvé une très grande fierté de voir notre profession capable d’interpeller le pouvoir politique pour le rappeler à des principes qui devaient continuer à jalonner son chemin ».


Pour en revenir à la prestation de serment, le parrain de la nouvelle promotion a délivré ses préconisations aux élèves-avocats : « Endossez la robe sans jamais oublier que par la parole que vous portez, par les actes que vous posez, et par les causes que vous défendez, vous contribuez à faire en sorte que le droit qu’on dit contribue à faire davantage de justice, davantage de concorde et davantage de fraternité ».


Donner du sens à son engagement est d’autant plus important que les défis à venir sont nombreux pour les avocats.




Olivier Cousi, bâtonnier du barreau de Paris


LES DÉFIS QUI ATTENDENT LES NOUVEAUX AVOCATS


« Vous arrivez à l’EFB à un moment où notre profession fait face à des enjeux importants. Transformation numérique, enjeux de l’accès au droit, enjeux de la sécurité juridique, utilisation de l’intelligence artificielle, des robots et des algorithmes… » a énuméré le bâtonnier de Paris.


Certes, a-t-il poursuivi, cette transformation numérique ne signifie pas que les algorithmes vont se substituer aux avocats en termes de stratégie ou d’analyse juridique complexe. « Mais il est de votre responsabilité de tracer les perspectives de changement et d’évolution de la profession » a-t-il ajouté.


Et puis, il y a la conquête des nouveaux marchés : « partout où il y a une activité économique il doit y avoir des avocats ! » a martelé Olivier Cousi. « Nous devons faire du droit un vecteur de l’économie et du rayonnement français » a-t-il préconisé.


En outre, pour le bâtonnier de Paris, la profession doit répondre aux ambitions des jeunes avocats. Selon ce dernier, il est donc indispensable d’adapter les méthodes, les modes de management et de gestion « afin de mieux répondre aux ambitions des nouvelles générations en matière d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. »


Olivier Cousi a également mentionné, parmi ces défis, la très controversée réforme des retraites : « Elle nous préoccupe. Elle conduit la profession à agir de manière énergique, car les modifications imposées à notre régime de retraite autonome nous font craindre pour l’équilibre économique de nos cabinets » a-t-il commenté.


Même chose en ce qui concerne le secret professionnel qui, selon le bâtonnier de Paris, est encore trop souvent attaqué par les perquisitions, les écoutes téléphoniques, l’obligation de déclaration de soupçons ou dans le cadre de la lutte contre le blanchiment.


Or, ce secret professionnel est au cœur de l’identité de l’exercice professionnel des avocats, a rappelé Olivier Cousi. « De plus, a-t-il précisé, ce secret n’appartient pas aux professionnels, nous le devons à nos clients ». Les avocats ont l’obligation de se taire, et de garder le silence. « Attaquer le secret professionnel, c’est attaquer le procès équitable, et s’en prendre aux droits de la défense. Il sera de votre responsabilité de participer à la protection et à la garantie de ce secret professionnel » a conclu Olivier Cousi.


Dans son allocution, Bernard Cazeneuve a de son côté rappelé le rôle central du droit dans tous les sujets de société actuels : « Nombre des sujets qui traversent les sociétés sont des sujets qui renvoient à des considérations juridiques », a-t-il commenté. Ainsi, q ue ce soient les questions environnementales – avec des jeunes qui se mobilisent pour la planète « jusqu’à poser la question de savoir s’il ne faut pas reconnaître la personnalité juridique à un certain nombre d’espèces » – l’intelligence artificielle et la question de la responsabilité du fait de l’IA, la place du droit international et du multilatéralisme, la possibilité de préserver les libertés en protégeant les données personnelles à l’ère du numérique, etc. Toutes ces problématiques qui traversent notre société ne trouveront aucune solution, selon l’ancien Premier ministre, « en-dehors de la possibilité pour le droit de les appréhender et pour le juge de dire le droit ».


Enfin, Bernard Cazeneuve a souhaité que dans la crise actuelle, les avocats soient des acteurs qui « redonnent du sens à la société ».


En tant que citoyen et ancien ministre de l’Intérieur, ce dernier a fait part de son inquiétude face aux incivilités et violences qui se multiplient notamment à l’encontre de ceux qui assument une charge publique.


« Il n’est pas anormal, a-t-il affirmé, que dans une société, des revendications surviennent. » Une démocratie se caractérise en effet par le débat, et pour Bernard Cazeneuve, il est tout à fait sain que différents points de vue puissent être formulés pour emporter la conviction d’autrui. Il s’inquiète cependant de ce que les confrontations dans notre pays fassent de plus en plus fi « d’une notion sans laquelle la confrontation n’est pas possible et qui est la notion de respect ».


Pour l’ancien Premier ministre, dans une société civilisée, il est effectivement indispensable de respecter celui qui ne pense pas comme nous « et sans lequel il n’y a pas de confrontation possible », «  de respecter également celui qui porte l’uniforme et qui incarne le droit, bref d’avoir de la considération à l’égard de ceux qui assument ces fonctions « avec un grand sens de l’abnégation et dans l’intérêt général ».


Bernard Cazeneuve a, par conséquent, incité les élèves-avocats à montrer l’exemple, eux qui ont « une relation singulière avec le droit et avec l’éloquence ». Ce dernier les a ainsi encouragés à toujours agir en vue de redonner du sens à la société et de faire en sorte que le vivre ensemble soit possible.


« Je suis convaincu qu’il y a dans cette salle de grands avocats qui seront de grands républicains, de grands humanistes, qui contribueront à faire en sorte que la République s’élève » a-t-il assuré.


La rentrée solennelle s’est achevée par la traditionnelle « petite » prestation de serment des élèves-avocats.


« Chers élèves-avocats, c’est à présent votre moment », a déclaré solennellement Laurent Samama, avocat médiateur au barreau de Paris qui animait l’évènement. « Cette salle d’audience va accueillir votre petit serment » a-t-il précisé. Il s’agit d’un moment solennel, a-t-il rappelé. Puis l’avocat a demandé aux membres du Conseil de l’Ordre de mettre leur robe et de se tenir debout dans les travées, afin de « justifier de [leurs] prestation de serment ».


La cérémonie a été présidée par le Premier président de la cour d’appel de Paris, Jean-Michel Hayat, et par les magistrats de la cour d’appel. Le ministère public était lui représenté par Michel Lernout, le Premier avocat général de la cour d’appel. Comme pour toute audience, lors de ce petit serment, était également présent un greffe en la personne du directeur de greffe de la cour d’appel de Paris, Lionel Frot, qui a donné lecture du serment.


« C’est un honneur et une fierté pour la Cour, mais c’est aussi un beau symbole d’être tous ici réunis dans ce Palais des congrès qui devient, en quelque sorte, la maison commune des avocats et des magistrats » a déclaré Jean-Michel Hayat, avant de laisser la place aux réquisitions de Michel Lernout.


« Ce serment, je sais que vous en êtes convaincus, n’est pas réductible à une simple formalité, c’est un acte essentiel et profond qui vous engage fermement » a rappelé le Premier avocat général.


Les élèves ont ensuite été invités par la Cour à se lever. Le directeur de greffe a alors donné lecture du serment : « Je jure de conserver le secret de tous les faits et actes dont j’aurai eu connaissance en cours de formation ou de stage » a lu Lionel Frot.


D’un même mouvement, les 1 881 nouveaux élèves-avocats ont levé leur main droite et proclamé d’un ton solennel : "Je le jure" .

Maria-Angélica Bailly



 


 L'équipe pédagogique de l'EFB


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