Le président de la République, Emmanuel Macron, s’est
adressé récemment aux responsables des forces de police et de
gendarmerie. À deux semaines de l’entrée en vigueur de la loi renforçant la
sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, qui remplace l’état
d’urgence installé depuis novembre 2015, le chef de l’État a détaillé pendant
une heure et demie sa stratégie en matière de sécurité pour les cinq ans à venir
: amélioration du renseignement, prévention de la radicalisation, mise en place
d’une police de sécurité du quotidien…
Avant d’exposer concrètement ses ambitions pour
améliorer la sécurité intérieure dans notre pays, le président a tenu à
remercier chaleureusement les forces de l’ordre pour le travail qu’elles
accomplissent quotidiennement : « Ce que je veux aujourd’hui faire
devant vous, c’est d’abord vous rendre l’hommage légitime de la Nation compte
tenu de l’engagement qui est le vôtre, vous dire que vous incarnez la
République… ». « Être forts et justes, justes, mais jamais
être faibles », voilà ce que Monsieur Macron attend des forces de
sécurité. Il a également dénoncé à cette occasion « Les violences dont
[elles font] régulièrement l’objet », lesquelles sont « inacceptables
et doivent être sanctionnées sans relâche », a-t-il ajouté fermement.
Ces maltraitances engendrent en effet un certain mal-être chez les policiers,
le président a donc déclaré avoir « demandé au ministre de l’Intérieur
de renforcer l’accompagnement psychologique des agents ».
Lors de son allocution, il a détaillé l’une après
l’autre les grandes réformes dans le domaine de la sécurité, lesquelles
nécessitent « une rigueur implacable dans le contexte qui est le nôtre ».
Une
nouvelle loi pour renforcer la sécurité intérieure et lutter contre le
terrorisme
Le 1er novembre est entrée en vigueur
la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Elle
remplace l’état d’urgence qui persiste depuis les attentats de Paris. « L’état
d’urgence était utile les premiers jours, les premières semaines qui ont suivi
les attentats et il a permis plusieurs mesures efficaces. Mais, nous le voyons
depuis plusieurs mois, l’efficacité marginale de l’état d’urgence n’est plus au
rendez-vous », a déclaré le président. « Cette loi vous
donnera notamment de nouvelles compétences en matière de police administrative
qu’il vous appartiendra de mettre en œuvre dans le respect des libertés
individuelles », a promis Monsieur Macron. « J’attends de
vous en contrepartie dès son adoption une implication sans faille dans sa mise
en œuvre, notamment dans la mise en place des périmètres de sécurité, la
fermeture des lieux de culte radicaux à l’égard desquels je ne veux aucune
complaisance, ou bien encore les mesures de surveillance et de visite
domiciliaire des individus qui adhèrent ou soutiennent le terrorisme. »,
a-t-il poursuivi.
Terrorisme : améliorer le
renseignement
Pour lutter efficacement contre le terrorisme, il
convient avant tout de partager au mieux l’information : « C’est
dans cette logique qu’une de mes premières décisions a été de créer à l’Élysée
la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme
dont j’ai confié la responsabilité au préfet de Bousquet… » L’objectif
étant de simplifier le dispositif de renseignement, en particulier les services
d’état-major au sein du ministère de l’Intérieur ; il a aussi été décidé
de fusionner, d’ici fin 2017 « les différentes structures qui travaillent
avec la coordination et notamment l’EMOPT et l’UCLAT ». « J’agis
également au niveau européen afin de renforcer l’indispensable coopération dans
ce domaine face à une menace transnationale, notamment par le renforcement de
la protection des frontières extérieures européennes, la lutte contre la
propagande djihadiste sur Internet ou le financement du terrorisme. »,
a explicité le président.
La prévention de la
radicalisation
Pour contrer le terrorisme, il convient également en
parallèle de mettre en œuvre une politique de prévention de la radicalisation.
Cela a déjà été fait à Trappes « et la liste de ces territoires sera
arrêtée d’ici la fin de l’année, avec des plans qui, sous la coordination du
ministre, impliqueront aussi de mobiliser de nombreux autres services de
l’État ». En effet, dans certains quartiers, « la grande
pauvreté, le délitement des structures familiales, l’affaiblissement de nos
structures éducatives… nourrissent le travail de celles et ceux qui sont
devenus les artisans d’une radicalisation violente », a expliqué
Emmanuel Macron. Pour lui, il faut donc s’attaquer à la racine en même temps
qu’aux conséquences de la radicalisation.
Droit d’asile et politique de
reconduite
Concernant le droit d’asile mais aussi la reconduite
à la frontière des étrangers en situation d’irrégularité, Monsieur Macron
a été clair : « Je souhaite qu’on accueille mieux et qu’on intègre
mieux ceux qui ont vocation à demeurer sur notre territoire », a-t-il
déclaré, mais « nous devons revoir l’organisation, les procédures, les
moyens budgétaires et humains pour reconduire à la frontière les étrangers en
situation irrégulière, et ce sera un des objectifs du projet de loi qui sera
présenté par le ministre de l’Intérieur au début de l’année 2018 »,
a-t-il déclaré implacable.
La police de sécurité du
quotidien
Un autre des sujets mis en avant par le président de
la République a concerné la mise en place d’une police de sécurité du
quotidien : « Je veux à cet égard que la réforme de la police de sécurité
du quotidien soit profondément ambitieuse et que la concertation ainsi ouverte
puisse conduire à une véritable transformation de cette mission essentielle ».
Cette mission essentielle consiste, pour les forces de l’ordre à lutter contre
tout ce qui engendre chez les citoyens un sentiment d’insécurité, comme les
cambriolages, les rodéos sauvages, le harcèlement de rue pour les femmes, etc.
Mais pour cela, il faut d’abord donner aux policiers et aux gendarmes « des
moyens et des méthodes pour agir plus efficacement ».
Monsieur Macron a donc promis le recrutement de
10 000 personnels en plus sur les cinq prochaines années. Pour
le président, il faut en parallèle moderniser les outils de travail. Par
exemple installer davantage de caméras-piétons, moderniser les locaux d’accueil
véhicules, etc. Il convient également de « déconcentrer les politiques
de sécurité » en accordant plus d’autonomie aux échelons locaux, ce
qui revient à donner davantage de responsabilités aux chefs des services
territoriaux. Enfin, il est essentiel que les forces de sécurité renforcent le
lien avec la population en se rendant plus accessibles et à l’écoute de leurs
préoccupations.
Réforme de
la procédure pénale et la justice
Cette réforme de la police de sécurité du quotidien,
Emmanuel Macron souhaite qu’elle soit articulée avec celle de la procédure
pénale et de la justice. Menée par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, et en
lien avec le ministre de l’Intérieur, cette réforme, qui vise à simplifier la
procédure pénale, a pour ambition de rendre plus effective la réponse pénale « avec
la forfaitisation de certains délits sur lesquels le travail technique vient
d’être engagé ». Celle-ci doit également permettre de faire remonter
les propositions de terrain des magistrats et des forces de l’ordre. « Réforme
et simplification des cadres d’enquête, harmonisation des régimes procéduraux,
pouvoirs respectifs des officiers et des agents de police judiciaire,
allègement du formalisme des actes, réflexion sur l’oralisation de certaines procédures
enregistrées avec les techniques contemporaines, dématérialisation et accès
simplifié aux fichiers, prise de plainte à distance… », tout ceci fait
partie des mesures en faveur d’une simplification de la procédure pénale.
Plus de moyens financiers et
matériels
Évidemment, la mise en œuvre de tous ces chantiers
nécessitera plus de moyens financiers et matériels. « Le budget
consacré aux missions de sécurité augmentera ainsi de 1,5 % en 2018. (…)
En trois ans, le budget consacré à la sécurité intérieure aura ainsi
augmenté d’un peu plus de 9 %. La seule part consacrée au fonctionnement
et à l’investissement aura progressé quant à elle de 16 % », a
déclaré Emmanuel Macron à ce sujet. Il a aussi promis des moyens humains
supplémentaires : « Dès 2018, nous procéderons au recrutement
de 1 870 personnels et militaires supplémentaires ». Pour
cela, l’année prochaine plus de 4 500 élèves gardiens de la paix
seront incorporés dans les écoles de police, contre 488 en 2012.
Rendre plus modernes et efficaces les équipements des
forces de sécurité est une autre des ambitions du président de la République.
En effet, actuellement certains policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers
utilisent encore des outils radio conçus en 2G. Totalement obsolètes, ils ne
permettent pas de transmettre d’importantes quantités de données et d’images en
temps réel…
Les services de sécurité devront donc être équipés,
par exemple, de tablettes Neo. Ils devront aussi tirer parti des opportunités
offertes par les nouvelles technologies : procédures dématérialisées,
plateformes uniques de réception des appels de secours, applications plus
modernisées, etc. Pour Monsieur Macron, il est nécessaire que « la
police et la gendarmerie prennent résolument le virage de la transformation
numérique. J’ai demandé au ministre de l’Intérieur un plan quinquennal de
numérisation », a-t-il expliqué.
L’ensemble de ces réformes ne se fera, bien entendu,
pas en un jour, a rappelé le président de la République pour finir, mais
« le mouvement est engagé », a-t-il ajouté décidé, « Avec
le ministre d’État, je veux mener cette démarche de transformation avec vous,
avec détermination, dans le cadre d’un dialogue social approfondi et confiant
avec vos différents représentants, mais vous l’avez compris, avec une ambition
extrême à laquelle je ne céderai rien ni sur les principes ni sur
l’efficacité. »
Maria-Angélica Bailly