Territoire
et consciences est un think tank né à la suite du congrès
international des notaires de 2018. Ouvert à tous, il regroupe des élus, des
experts, des universitaires, des membres d’association, des notaires… qui,
ensemble, se penchent sur l’avenir du territoire. Le 3 juillet dernier, les
débats qui se sont tenus à l’Hôtel de l’industrie, à Paris, étaient consacrés à
l’agriculture urbaine.
La cité parait parfois bien artificielle, totalement déconnectée du
monde rural. Pourtant, depuis vingt ans, les implantations agricoles en
ville se multiplient, a remarqué Antoine Bouquemont, notaire à Reims, et le
phénomène s’accélère. L’association France terre d’agriculture urbaine
professionnelle regroupait six membres en 2013. Ils sont 300 aujourd’hui. Les projets d’agriculture urbaine fascinent et
questionnent. Peuvent-ils nourrir les villes ? Concurrencent-ils le secteur
traditionnel ? La production est-elle compatible avec l’environnement
d’une agglomération ? L’agriculture urbaine est-elle pérenne, ou bien
est-ce simplement une mode qui satisfait la conscience écologique des
citadins ?
Elle offre au moins des bienfaits apparents : végétalisation
d’espaces nus et délaissés, renforcement de la biodiversité, production
alimentaire saine durable, création de circuits courts, renforcement des liens
humains sociaux, reconnexion des citadins avec la nature et le monde agricole,
création d’emploi, développement commercial. L’agriculture a une fonction
économique, une fonction sociale et une fonction environnementale. En ville,
elle peut être marchande, professionnelle ou citoyenne, haute ou basse
technologie, à l’extérieur sur des lieux délaissés ou dans un bâtiment sur
mesure spécifique.
Le Code rural définit les activités agricoles comme correspondant à la
maîtrise d’un cycle biologique végétal ou animal, ainsi que les activités dans
le prolongement de la production d’une exploitation. La pratique en ville ne
contredit pas cette définition. Pour l’INSEE, une ville ou unité urbaine est
une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continue et
comptant au moins 2 000 habitants.
Paradoxalement, l’agriculture urbaine pourrait donc très bien s’implanter dans
une ville en zone rurale. Le lien au sol n’y est pas systématique. Elle
investit des toits, des balcons, des parkings, des containers…
La production animale ou végétale ne constitue pas l’objectif unique. L’intention
est également sociale et environnementale. La Fabrique écologique, fondation
pour la promotion de l’écologie et le développement durable, considère
l’agriculture urbaine comme l’ensemble des formes d’agricultures localisées en
ville ou en périphérie dont les produits et services sont majoritairement
destinés aux résidents. Elle utilise des ressources naturelles, humaines et
financières pouvant entrer en concurrence avec d’autres usages de l’espace
urbain.
L’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)
établit trois catégories pour cette d’agriculture : professionnelle, non
professionnelle et service. De plus, elle distingue les démarches à haute
valeur technologique des plus classiques, ou encore les structures individuelles
des collectives. L’institut des sciences et industries du vivant et de
l’environnement (AgroParisTech), pour sa part, classe l’agriculture urbaine
selon quatre critères : la localisation ; les fonctionnalités
réciproques de l’agriculture et de la ville ; les dynamiques
locales ; les activités (serre urbaine, jardin collectif, etc.). Pour le
Conseil économique social et environnemental, elle se définit comme tout acte
maîtrisant un cycle végétal ou animal, se déroulant en milieu intra urbain, sur
ou dans des bâtiments, des sous-sols ou en pleine terre, dans des espaces
interstitiels. Elle fait le lien avec l’agriculture périurbaine et rurale qui
se développe dans les mêmes bassins de vie. Elle se caractérise par la
diversité de ses fonctions dont certaines relèvent de l’intérêt général :
production alimentaire, lien social, interrelation, insertion, cohésion,
défense de l’environnement, lutte contre les ilots de chaleur, prévention et
valorisation des déchets, gestion de l’eau, pédagogie… Les formes marchandes, à
finalité essentiellement commerciale, cœxistent avec des formes non marchandes,
avec d’autres motivations. L’agriculture urbaine semble être un outil
déterminant pour l’avenir des villes dont l’expansion parait inéluctable compte
tenu de la démographie. Pas encore vitale aujourd’hui, elle le deviendra et
pourrait nourrir plus de 10 % de la population mondiale en 2020.
Remontées de
terrain : premières expériences juridiques
Antoine de Lombardon, avocat à Paris, accompagne des exploitants en
agglomération, notamment ceux de l’association française d’agriculture urbaine
professionnelle (AFAUP). Créée en 2016, elle réunit désormais la majorité des
agriculteurs urbains. L’AFAUP a conclu un partenariat avec Science Po Paris
pour mettre en place un questionnaire destiné aux nouvelles formes
d’agriculture, et principalement à l’agriculture urbaine. L’enquête, en
70 points, visait à identifier les freins juridiques qui s’opposent à
l’épanouissement de cette pratique.
Les chiffres nous apprennent que les installations sont disséminées
dans toutes les grandes villes de France. Dans 70 % des cas,
l’exploitation présente une superficie inférieure à un hectare, dans 50 %
des cas, moins d’un demi-hectare.
On dénombre beaucoup de sociétés commerciales et aucune société agricole.
Les conventions d’occupation sont précaires à 50 %, le bail rural est
totalement marginalisé.
Les résultats montrent également que l’âge moyen des exploitants est inférieur
à quarante ans. Diplômés de l’enseignement supérieur, la majorité d’entre
eux n’ont pas de racines dans le monde agricole, et 91 % cumulent plus de
deux activités sur site. Ils ont essentiellement opté pour la forme juridique
d’entreprise individuelle. Quasiment aucun ne fait appel aux aides agricoles,
cela ne fait pas partie de leur culture, de leurs réflexes. Pourtant, certaines
subventions, comme une dotation « jeune agriculteur »,
seraient tout à fait admissibles. 50 % pensent leur développement sans.
Quand ils s’orientent vers un soutien public, ils choisissent des aides économiques
classiques.
La majorité des agriculteurs sous forme associative n’est pas affiliée
au régime non salarié agricole (NSA) et seulement 40 % des sociétés
commerciales y adhèrent. Ce niveau est étonnamment bas, toutes devraient s’y
trouver. L’autorisation d’exploiter, délivrée par la préfecture, suite au
contrôle de la structure, est obtenue sans problème par les postulants, attendu
leur niveau de compétence. Un sur quatre ne va pas à la Chambre d’agriculture
pour s’immatriculer, mais à la Chambre de commerce et d’industrie. Tous se
revendiquent agriculteur urbain.
Beaucoup se voient proposer des conventions d’occupation précaire par
les propriétaires privés, sous prétexte que l’endroit est exploité
temporairement et qu’il n’a pas de vocation agricole. Il s’agit d’une exception
du statut des baux ruraux qui présente le risque d’être requalifiée car il est
question d’une activité professionnelle pérenne. Par ailleurs, dans le modèle
économique des agriculteurs urbains, une part de service intervient toujours.
La pluralité des produits proposés est source d’ambiguïté fiscale.
Exemple : une ferme urbaine propose un abonnement. Le client achète un
panier « sur pieds », c’est-à-dire un droit de cueillette de
fruits et légumes. Comment classer cette vente ?
Est-ce de la vente de produits agricoles ou alors de service ? Quelle est
la fiscalité applicable ?
Enfin, cette activité balbutiante se heurte à une quantité de lacunes et à
de l’ignorance. Ainsi, actuellement dans la Politique agricole commune (PAC),
définie pour six ans, l’agriculture urbaine, bien qu’en pleine phase
ascendante, n’est pas prise en considération, ni même définie. Autre souci, les
collectivités ont envie de la développer sur leur territoire, mais elles n’ont
pas toujours les bons outils. Elles cherchent notamment le modèle contractuel
pour proposer les terres sous leur responsabilité. Elles redécouvrent les
vertus du Code rural qui laisse beaucoup de marge de manœuvre pour mettre leurs
terrains en exploitation. De la même façon, certaines entreprises, prises entre
deux mondes, peinent à trouver la bonne solution. Exemple : un grand
groupe veut organiser l’espace autour des usines pour des salariés qui
demandent des ruches. Le site est industriel, et non agricole. Il faut trouver
un cadre juridique adapté. Vu sous cet angle, ne conviendrait-il pas de poser
un critère d’antériorité de l’utilisation principale d’un bâtiment ? Les
structures multi usages prolifèrent, brouillent les catégories et entraînent
des risques pour les destinations principales. Une usine ne doit pas se
retrouver sous l’emprise du droit rural, a considéré Maître Lombardon.
À la
recherche d’une définition : une activité agricole comme les autres !
L’activité agricole ne se définit pas dans le Code rural par sa
localisation, mais par sa description. Initialement centré sur la production
animale ou végétale, le texte s’est ouvert peu à peu à une approche
multifonctionnelle (article L.311-1).
Le caractère agricole des activités s’appuie sur :
• les activités agricoles par nature
effectuées à titre habituel qui doivent respecter trois conditions :
maîtrise et exploitation d’un cycle biologique ; caractère végétal ou
animal de l’exploitation ; caractère nécessaire au déroulement du cycle
des activités ;
• les activités agricoles par détermination
de la loi, visées par des textes (culture marine, activité équestre,
méthanisation…) ;
• les activités agricoles par relation,
réalisées en aval de l’exploitation, impliquant une exploitation agricole
préalable.
En agriculture urbaine, le caractère habituel de ces trois critères
peut poser des difficultés a noté Guillaume Lorisson, notaire à Dijon. En
effet, la plupart des exploitants sont des pluriactifs dans un modèle
économique qui se cherche. Ils exercent différents métiers qui vont jusqu’à
l’offre de loisirs. Le problème de la multifonctionnalité n’est d’ailleurs pas
propre au secteur agricole urbain (tourisme vert, gîte rural…).
L’agriculteur peut rapidement être assimilé à un commerçant. En
agglomération, la vente directe des produits est souvent le choix retenu. Or,
l’approvisionnement subit les aléas de la production, qui entraînent un besoin
de compléments externes. Autorisés, ils doivent cependant rester exceptionnels,
car si l’achat et la revente de marchandises devient majoritaire, la
qualification de l’exploitation change. Soulignons cependant que les
producteurs en milieu urbain adoptent souvent d’eux-mêmes une forme
commerciale, et évitent de la sorte le risque de basculer du champ civil au
champ commercial.
L’agriculteur transformateur valorise ses produits. C’est un choix
banal pour le « paysan des villes ». L’agrotourisme
(prépondérant en secteur rural) et les fonctions sociales ou pédagogiques de
l’agriculture (prépondérantes en zone urbanisée) ne sont pas liés à la production
agricole. Pour toutes ces activités, une certaine tolérance est appliquée par
rapport au Code général des impôts. Il est possible d’ajouter des produits
complémentaires à ceux purement agricoles, sous réserve que la moyenne des
recettes accessoires au titre des trois dernières années n’excède pas 50 %
des recettes agricoles et 100 000 euros. Aujourd’hui, il semble que
ce ratio de 50 % constitue un problème.
Comme précisé précédemment, c’est la nature du travail exercé qui
justifie la qualification agricole ou non. Le fait de l’accomplir en milieu
urbain ne suffit pas pour exclure l’activité agricole urbaine de l’article L. 311-1. Il parait clair que le concept ancien du texte est trop
restrictif, il ne correspond plus aux multiples facettes du métier
d’aujourd’hui. Les agriculteurs ont des missions vis-à-vis des campagnes, de
l’environnement, de la production d’énergie nouvelle et maintenant des villes.
« L’agriculture traditionnelle s’est enrichie de l’agriculture
urbaine. Ne devraient se rattacher au statut d’exploitant agricole que les
individus qui pratiquent cette activité à titre principal », a estimé
Guillaume Lorisson.
Le registre des activités agricoles permettrait de les identifier indépendamment
de leur lieu d’exercice. Une extension trop facile du champ d’application de
l’article L. 311-1 ouvrirait la
porte à des abus, mais pour le notaire, il semble bien qu’une réécriture du
texte s’impose pour intégrer toutes les composantes de la profession au 21e siècle.
Toits
vivants et villes comestibles
L’association Vergers urbains s’est créée en 2012.
Elle s’est fixé pour mission d’introduire des fruitiers en ville. En compagnie
d’autres associations, elle interagit avec les usagers et les habitants. Elle
modifie l’espace urbain et, selon Sébastien Gœlzer, membre de l’association,
l’agriculture urbaine est une excellente option. Elle questionne le citadin sur
l’environnement ou la résilience. Elle le pousse à se mobiliser. Les actions se
situent dans la durée. Elles visent à encourager les résidents à reprendre en
main leurs extérieurs qui se résument en général à une pelouse interdite. Les
plantations comestibles amènent les gens à s’investir sur la zone et recrée du
lien social. Les implantations servent également de laboratoire. Ainsi, sur les
toitures à faible portance (150kg/m²), des substrats légers sont testés. Ils
proviennent des déchets de la ville, de compostes, de résidus de brasseries ou
de culture de champignons. Les vergers prennent place sur les toits, les
façades, dans la rue, l’espace public, les lieux délaissés. Chaque projet est
adapté à l’emplacement et aux riverains qui y participent : micro ferme,
jardin partagé, forêt aménagée, etc. L’arbre fruitier est un bon outil pour
amener les questions alimentaires dans la rue. La végétalisation s’applique
tant au bâti qu’aux zones naturelles. Elle apporte un ensemble cohérent dans
les endroits sélectionnés. Elle renforce la proximité. Elle intègre des
composteurs, des zones d’assise, porte des enjeux sociaux et mobilise les
habitants d’un quartier.
Son déploiement peut investir tout type de lieu, privé, collectif,
partagé, public. Le mode de convention ou de contrat varie selon le cas. À
Paris, il existe la convention dite « main verte » qui encadre
les jardins partagés et peut servir de base de réflexion pour la rédaction
spécifique d’un projet. Notons que les réalisations se font souvent en
partenariat avec les bailleurs sociaux.
À la
recherche du contrat : copropriété et statut du fermage en ville ?
L’agriculture urbaine se développe a priori en zone urbaine et
Plan local d’urbanisme (PLU). Elle est soumise à des usages concurrents sur le
même territoire. Elle a davantage besoin d’être accompagnée qu’en périphérie et
dans le monde rural où un domaine réservé s’impose, celui des zones agricoles.
Dans les villes denses, l’intramuros renvoie essentiellement aux notions
d’immeuble collectif et de copropriété.
Au demeurant, les solutions applicables avec une copropriété restent
transposables avec un propriétaire unique, a souligné Maître Antoine Teitgen, notaire
à la Chapelle-sur-Erdre. La recherche d’une forme de liberté contractuelle
permet de s’adapter à des projets très différents. L’agriculture urbaine se
caractérise par sa diversité. Associations, professionnels, propriétaires
doivent trouver leur place dans une contractualisation sécurisante pour chacun.
Le principe de la destination de l’immeuble demande à être respecté. Si
un copropriétaire s’oppose à l’exploitation de la partie de la copropriété
potentiellement sujette à l’agriculture urbaine, le projet n’aboutira pas.
Rappelons qu’en cas de non-respect de la destination de l’immeuble, l’unanimité
des copropriétaires est requise pour sa modification. Cette unanimité s’obtient
difficilement dans la réalité. Aussi, concernant le futur, les notaires,
promoteurs, aménageurs peuvent inciter les constructeurs à anticiper une place
pour l’agriculture urbaine dans leurs projets. Les notaires en particulier
peuvent favoriser la préparation à ce type d’activité en proposant, dans le
règlement de copropriété, une clause permettant de l’accueillir, du type :
« L’immeuble peut être destiné à usage mixte d’habitation,
professionnelle, commerciale, agricole et de service sur l’ensemble du bâtiment
et des parties non bâties. »
La copropriété constitue-t-elle toujours le régime juridique le plus
approprié pour favoriser la multifonctionnalité du bâtiment ? « Pas
sûr », a estimé Antoine Teitgen. En tout état de cause, l’agriculteur
urbain professionnel aura pour interlocuteur dans 99 % des cas le syndicat
des copropriétaires. Dans un immeuble multifonctionnel qui répond aux nouveaux
usages, il recherchera son indépendance s’il fait partie de la copropriété.
Il préférera ne pas être asservi aux décisions du syndicat des
copropriétaires pour réaliser les travaux nécessaires à son activité. Pour
l’ensemble des parties, il parait judicieux d’isoler juridiquement les éléments
exploités (toit, jardin…) de la copropriété sous la forme de volumes.
Cependant, notons que la loi ALUR a modifié l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965. Désormais, il n’est plus possible de
scinder un bâtiment unique en volumes, il en faut nécessairement plusieurs.
Faute de quoi, la séparation est impossible et le régime incontournable est celui
de la copropriété.
Quelle est la nature juridique de la convention qui lie exploitant et
propriétaire ? Dans le cas le plus rare, l’exploitant se porte acquéreur
dans une copropriété. Si la destination de l’immeuble l’a prévu, la vente d’une
partie commune se fera sous réserve d’approbation à la majorité des deux tiers
du syndicat des copropriétaires. Les travaux éventuels avant démarrage de
l’exploitation seront également soumis à l’approbation par la majorité de tous
les copropriétaires.
Les conventions d’occupation à titre gratuit, souvent proposées par les
mairies, dites prêt d’usage ou commodat, à durée illimitée ou fixe, doivent
effectivement rester gratuites. Donc, le propriétaire ne bénéficie d’aucun
avantage direct ou indirect. C’est-à-dire que l’agriculteur n’a pas à assumer,
par exemple, la taxe foncière ou d’autres charges, sous peine que la convention
d’occupation à titre gratuit soit requalifiée en convention à titre onéreux et
bascule sous le statut du fermage.
Dans le cadre de la location à un exploitant agricole, se pose la
question du statut du fermage. D’ordre public, prévu à l’article L. 411-1 du Code rural et de la pêche maritime, il concerne toute
mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble agricole en vue de l’exploiter
pour y exercer une activité agricole. L’application de ce statut entraîne des
contraintes assez fortes (droit au renouvellement, droit de préemption ouvert
au preneur, loyer encadré…). En ville, il existe des opportunités concurrentes,
et une copropriété peut préférer les subsides issus de l’implantation
d’antennes relai ou de capteurs photovoltaïques à ceux d’un bail rural. L’usage
agricole d’un bien s’appuie avant tout sur sa destination effective, vocation
et affectation réelle. Un immeuble urbain, qui peut et qui souhaite recevoir
une affectation agricole, est donc un immeuble agricole.
Pour une exploitation agricole et marchande, un loyer est versé.
Existe-il des baux dérogatoires au statut du fermage pour une agriculture
urbaine pionnière éloignée de celle prévue à l’origine par le Code rural ?
L’article L. 415-10 indique que
les baux d’élevage hors-sol sont soumis au statut du fermage, mais ce ne sont
pas des cultures. On pourrait être tenté de penser que les cultures hors-sol
peuvent s’affranchir du statut du fermage. La réponse est négative.
Les conventions d’occupation précaire offriraient une autre hypothèse
pour s’éloigner du statut du fermage. Mais, dès lors que l’exploitant
s’installe à demeure, cette solution ne s’applique plus. Un bail emphytéotique
est prévu au Code rural et de la pêche maritime, d’une durée minimale de 18 ans. Comme dans le statut du fermage, il n’encadre absolument pas
l’activité du preneur. Impossible d’imposer de clause liée aux cultures. Or, en
milieu urbain, le voisinage se saisira rapidement de toute nuisance, de toute
pollution potentielle et s’opposera au projet. Son accompagnement par des
clauses spécifiques, environnementales et de développement durable apparaît
comme un gage de pérennité, au yeux de Maître Antoine Teitgen. Statut du
fermage et bail emphytéotique ne sont donc pas la bonne méthode.
L’article L. 411-3 du Code rural et de la pêche maritime autorise une
dérogation partielle au statut du fermage si la surface exploitée est
inférieure à un seuil établi par la préfecture, sauf si elle constitue un
élément essentiel de l’exploitation. Les agriculteurs urbains disposent
effectivement de petites parcelles en-deçà des seuils. En revanche, leur
structure est généralement monosite. L’article L. 411-3 s’appliquera difficilement,
ce qui est dommage, car il permettrait de fixer le loyer ou encore la durée.
Finalement, pour l’agriculture urbaine, le statut du
fermage s’applique automatiquement, sans dérogation quelconque. Toutefois, le
système en place ne donne pas vraiment satisfaction, alors que faire ? Le
statut du fermage est un droit personnel. Le notaire Antoine Teitgen a avancé
qu’il serait intéressant de l’orienter vers un droit réel de jouissance
spéciale. Forme de démembrement de l’usage du droit de propriété existant
depuis longtemps, elle permet le partage des usages d’un bien. Exploitant et
propriétaire pourraient conclure un droit réel de jouissance spéciale qui
réserverait une partie du bien à l’exploitant pour un prix qui n’est pas un
loyer. L’exploitant détiendrait alors un droit réel, un actif de son
entreprise.
Autre piste, pourquoi ne pas inventer une autre
définition de la contractualisation entre bailleur et preneur ? La liberté
contractuelle serait une façon de progresser. Elle permettrait de concilier les
attentes du propriétaire (loyer correct, préservation de l’environnement…)
comme du locataire (durée suffisante, condition de renouvellement, possibilité
d’aménagement…). Le bail rural n’est pas adapté à l’environnement urbain, a
considéré le notaire. L’article L. 411-32 du
Code rural pose par exemple que le bail rural peut être résilié pour cause
d’urbanisme…
L’article L. 411-1 du Code rural est d’ordre public. Des réserves sont
énumérées à l’article L. 411-2.
La liberté contractuelle suppose que ces réserves s’enrichissent d’un alinéa
indiquant que les dispositions de l’article L. 411-1 (statut du fermage) ne s’appliquent pas aux
conventions portant sur un immeuble situé en zone urbaine d’un document
d’urbanisme. Selon Maître Antoine Teitgen, la porte
serait ainsi ouverte à de meilleurs moyens de gestion pour une agriculture de
ville intramuros.
C2M