Pour la
troisième saison de ses universités d’été, les 31 mai et 1er juin 2018, l’Union nationale des huissiers
de justice (UNHJ), le syndicat des huissiers, a choisi Marseille comme terre
d’accueil. Alors que la profession est amenée à fusionner avec les commissaires
priseurs judiciaires pour devenir commissaire de justice, elle a, durant
deux jours, débattu sur l’image de marque qu’elle incarne aujourd’hui,
mais s’est surtout interrogée sur celle qu’elle va devoir représenter dans le
futur. L’adage « savoir qui on est pour savoir où on va » pourrait
alors résumer les intentions actuelles des huissiers de justice réunis à cette
occasion.
« Nous devons redynamiser notre marque, lui
donner une nouvelle image », déclare Patrice Gras, président de l’UNHJ
et huissier de justice à Versailles, en ouverture des universités d’été le
31 mai dernier. C’est donc tournée vers l’avenir que la profession se
positionne aujourd’hui, et à cette occasion, se questionne afin d’anticiper au
mieux sa mutation. « Dans un
contexte où le marché du droit est bousculé par les justiciables, les
politiques et l'arrivée de nouveaux acteurs économiques sur le marché du droit,
il est essentiel pour la profession et ses études de se renouveler et
d'innover. La profession doit réussir sa mue, tout en préservant les atouts qui
font sa force et assurer aux justiciables un service et une protection de
qualité » précise l’UNHJ. Christophe Bar, membre du bureau de l’Union,
interpelle aussi les huissiers en les incitant à s’approprier cette
transformation : « soyez acteur
de la mutation de votre profession », souligne-t-il, avant de
poursuivre « Sachez rebondir et vous
approprier les travaux et groupes de travail de ses trois dernières universités
sur les thèmes de la stratégie d’offre, de la digitalisation de la profession
et de la marque. »
Aussi, durant
deux jours, des formations thématiques d’une demi-journée sont venues rythmer cette manifestation, amenant la
profession à s’interroger sur l’image qu’elle revêt aujourd’hui, et à anticiper celle qu’elle sera
amenée à incarner demain.
En ouverture, une séance
consacrée à « la perception de la
construction d'une marque » s’est tenue le 31 au matin réunissant plus
de cent cinquante participants. L’objectif : définir, analyser
et comprendre les composants de la marque « Huissier de Justice ». L’après-midi, la profession s’est
interrogée sur la perception et l’image de marque de l’huissier via une
formation intitulée « De la
perception de la construction d'une marque ». Elle a ainsi été amenée
à analyser son ADN et à définir son positionnement afin de pouvoir faire les bons choix relatifs à
son identité.
Suite à ces
échanges constructifs, la profession a pu entamer la seconde journée de
formation, davantage tournée vers l’avenir avec une approche plus concrète. La
séance matinale était axée sur les moyens à mettre en place pour « faire vivre une marque ».
L’objectif : « mettre sa marque
au service d’une stratégie de conquête via une un message bien conçu et un
plan média correctement réfléchi pour atteindre sa cible ».
Enfin, durant
l’ultime formation les officiers ministériels présents ont pu « aller plus loin » en s’interrogeant
sur « La mutation de l'image de
marque de la profession ». À cette occasion, la comparaison des
travaux réalisés par les divers ateliers ont alimenté leurs réflexions, les
amenant notamment à prendre en comtpe les enjeux politiques et économiques de cette
mutation attendue.
Les huissiers, une marque
Cette année, le Congrès
des huissiers de justice était orienté autour de l’image de marque. Mais comment
définit-on une marque ? « Une
marque c'est d'abord adhérer à une vision » a souligné Mathieu Bouillon, cofondateur de l’agence Hercule legal tech. Il s’agit aussi « des
valeurs, une charte visuelle et l’affirmation de la différence pertinente »
complète Caroline Cassino, fondatrice de Chananas (regroupement de consultants
seniors indépendants) et consultante pour l’agence Hercule legal tech.
En parlant
d’image, la profession pâtit-elle de l’image qu’elle véhicule ? Selon
une étude menée par 123Négo, 52 % des Français considèrent le métier de
façon positive. Jugé « utile »
pour 37 % des interrogés, « honnête »
pour 21 % d’entre eux et « fiables »
pour 17 %, il demeure toutefois, mal connu pour la grande majorité d’entre
eux. En effet, seulement un quart déclare avoir été en relation avec un
huissier - manque de sollicitation expliqué, à 16 %, par une
méconnaissance des missions.
Aussi, pour
valoriser son image de marque, Patrice Gras appelle les huissiers à mettre en
avant les atouts de la profession : « Nous devons faire émerger nos qualités, nos spécialités dans ce monde
qui est un monde ouvert, concurrentiel et totalement "dématérialisable".
Nous devons être perçus comme une nouvelle profession au service du justiciable »
assure-t-il.
Une profession en mutation
Les huissiers
envisagent ainsi positivement cette fusion, associant à cette nouvelle
profession une nouvelle marque, adaptée à la société qui évolue. « Le justiciable, la société ont de plus en
plus besoin de sécurité, de transparence, dans un monde qui sera de plus en
plus dématérialisé, voire déshumanisé » explique Patrice Gras. Au
service du justiciable, les huissiers de justice espèrent ainsi s’adapter en
répondant aux besoins actuels. Cette transformation, Christophe Bar la
perçoit aussi, obligeant le professionnel à adopter une position
entrepreneuriale : « je
constate une mutation de la profession, qui vous oblige à changer votre état
d’esprit d’officier ministériel à chef d’entreprise. Il faut donner de la
lisibilité à votre communication » affirme-t-il.
La mutation passe
ainsi par une meilleure communication des savoir-faire. Les résultats d’une
étude menée à l’occasion de ce rassemblement soulignent que 88,5 % des
huissiers de justice interrogés « estiment
qu’il est essentiel d’ouvrir la profession à la communication ».
Pourquoi ? Car une majorité (86 %) y voit le moyen d’accéder à de nouveaux
marchés. 73,8 % des interrogés déclarent que cette communication
permettrait « d’être mieux perçu » auprès des clients et prospects,
car comme cité plus haut, les Français semblent méconnaître cette profession et
les missions qui y sont associées. « Développer
sa profession » (64,8 %) et « Développer sa structure d’exercice » sont enfin les deux autres
raisons principales justifiant l’ouverture du métier. Et cette communication
doit autant passer par l’Ordre et les syndicats professionnels que l’ensemble
des acteurs institutionnels et économiques de la profession. À cet égard, le
digital (web et réseaux sociaux) demeure un bon moyen pour le faire plus largement.
Outre le rapprochement, avec les commissaires priseurs de justice, la mutation
de la profession passera inévitablement par le numérique. « L'huissier de demain n'est pas un robot.
Mais pas mal de choses vont changer » expliquait alors Fabrice
Mauléon, expert en design thinking et
ancien professeur de droit à l’occasion de cette manifestation.
Patrick Sannino, président
de la Chambre nationale des huissiers de justice, présent le 1er juin
à Marseille a avoué, dans son discours de clôture, avoir été « marqué par le renouvellement et l'intérêt
pour les nouveautés de la profession des jeunes huissiers ». Un joli
gage d’avenir pour la profession qui semble vivement s’intéresser à l’image
qu’elle véhiculera prochainement, puisque cette année, les universités ont
enregistré près du double d’inscrits par rapport à l’édition précédente, à
Lisbonne.
En attendant la
création de la Chambre nationale des commissaires de justice, en janvier 2019,
première étape de ce rapprochement entre les huissiers de justice et les
commissaires priseurs de justice, le président de la l’UNHJ s’est emparé de la
problématique de façon honnête, afin que ressorte de cette manifestation des
échanges constructifs au service de l’huissier de demain : « Le temps des universités c’est le temps de
la vérité et du parler vrai » affirme-t-il. Un rendez-vous qui s’est
avéré utile, à l’aube d’une mutation profonde.
Constance Périn