Tous les ans, les
compagnies régionales des commissaires aux comptes (CRCC) de Paris et
Versailles et l’Ordre des experts-comptables (OEC) Paris Île-de-France
organisent leurs Universités d’été. L’édition 2018 a eu lieu du 4 au
7 septembre 2018 au Palais des congrès de Paris. À l’heure du numérique, à
la veille de l’entrée en vigueur de la loi Pacte et du prélèvement à la source,
les professions comptables ont du grain à moudre et sont en proie à de
nombreuses inquiétudes. Par conséquent, lors de leur assemblée générale, le
5 septembre dernier, la CRCC de Paris et l’OEC de Paris ont certes
présenté leurs rapports moraux et financiers 2017, mais sont également revenus
sur les transformations de leur métier, et sur l’avenir de leur profession en
général.
Ils étaient plus de 5 000 inscrits pour cette
édition 2018 des Universités d’été, manifestation incontournable de la
profession comptable. Après « La confiance » en 2016, et
« Le rebond » en 2017, l’édition 2018 des Universités d’été a
invité ses participants à réfléchir sur la notion de « transmission ».
L’UE : un événement unique
Depuis désormais 28 ans, les Universités d’été sont une
manifestation de référence avec un programme d’une centaine de conférences et
ateliers. Plus de 5 000 participants, en moyenne, assistent
chaque année aux ateliers et échangent sur les stands, autour des produits
et services des différents partenaires.
Cette année, les professionnels du chiffre ont pu suivre, pendant quatre jours,
les cinq parcours thématiques professionnels, mais aussi le parcours fil
rouge autour de « La transmission ». Ils ont également pu se
former et s’informer grâce aux 50 000 heures de formation dispensées
à cette occasion par des experts. Leur était également proposé de réfléchir à
l’avenir de leur profession via des plénières et des conférences (« L’obsolescence
des professions du chiffre est-elle programmée ? », « Transmettre », « Le
prélèvement à la source »…).
Les cinq parcours, Audit & CAC, Droit & Conseil,
Fiscal & Comptable, Performance & Stratégie et Social & RH, et
leurs contenus, s’adressaient aussi bien aux experts-comptables qu’aux
commissaires aux comptes et aux principaux collaborateurs de
cabinet.
Bref, avec 60 % d’experts-comptables et commissaires aux comptes,
40 % de collaborateurs (dont 8 % de stagiaires experts-comptables),
les Universités d’été sont le seul événement de la profession comptable à
réunir autant de professionnels du chiffre de la région Île-de-France. Ce
qui explique, entre autres, que les dirigeants des deux professions aient
choisi cet événement pour présenter le bilan (chiffré) de l’année écoulée et
les grandes actions qu’elles ont pu mener grâce aux cotisations de leurs
collaborateurs.
Les assemblées générales
Les assemblées générales de la CRCC de Paris et de
l’OEC Paris IDF ont eu lieu dans la soirée du 5 septembre 2018 dans l’amphithéâtre
Bordeaux. Les rapports moraux et financiers 2017 de chacune des professions, et
affectations du résultat ont été mis aux votes. Un système interactif a ainsi
permis à chacun de faire entendre sa voix pour chaque résolution importante.
Lors de ce temps fort de l’Université d’été, les
hauts représentants de la profession de commissaire aux comptes ont pu
s’exprimer sur les actions entreprises en 2017 par la CRCC.
Les
commissaires aux comptes inquiets pour leur avenir
Pour Olivier Salustro, président de la CRCC de Paris,
« l’année 2017 a été riche en événements structurants » :
audit informatique (le site Internet de la Compagnie a dû s’adapter suite à cet
audit), lancement des travaux du 50, rue de Londres en février 2017 qui ont permis de
restructurer le siège. En outre, a-t-il ajouté pêle-mêle, 22 conciliations
ont été traitées en 2017 contre
4 réclamations, et en matière de contrôles qualité, 186 ont été
effectués l’an dernier. « Il faudra adapter notre contrôle qualité à la
nouvelle loi Pacte », a-t-il insisté à ce sujet. Quant au service
confrères,
une baisse des inscriptions est à noter, a-t-il regretté.
Outre le rapport moral et financier 2017, les
intervenants ont également présenté la plateforme BBusi.com, lancée en
octobre 2017 par
l’Ordre des experts-comptables de Paris et la Compagnie régionale des
commissaires aux comptes. Cet outil facilite la sous-traitance en mettant en
relation donneurs d’ordre et sous-traitants. Elle permet ainsi la mise en
relation des confrères pour trouver ou proposer des missions externalisées
adaptées à leurs profils et à leurs besoins (temps, typologie de mission,
taille du cabinet...). Sur cette plateforme, il est possible à la fois de
chercher, mais aussi de proposer des missions.
Les travaux menés par le Lab50 ont également été
présentés (succinctement) à cette occasion. Pour rappel, le Lab50 est un laboratoire commun
à la profession d’expert-comptable et de commissaire aux comptes, créé et pensé
suite aux Universités d’été de 2017, pour « explorer le futur des
métiers du chiffre ». Celui-ci a été dévoilé dans toute sa complexité
lors de cette édition 2018 des UE.
Utilisations possibles de l’intelligence artificielle
par la profession comptable, évolution de la relation avec le client,
conséquences sur la responsabilité des professionnels, veille internationale
sont autant de sujets traités par le Lab50.
Les travaux qui y sont menés sont orientés et validés
par un comité scientifique constitué de personnalités internes et externes à la
profession. Quatre commissions (clients, technologies IA, éthique et juridique,
prospective internationale) restituent leurs réflexions et proposent
leurs solutions via des articles publiés en ligne.
Ces derniers sont classés en trois catégories :
• Une catégorie « veille » qui regroupe toute l’actualité
autour de l’intelligence artificielle ;
• Une catégorie « analyse » qui englobe des articles de
fond afin d’aider les professionnels à comprendre leur nouvel environnement
numérique et à identifier clairement les impacts de l’intelligence
artificielle ;
• Une catégorie « perspectives » qui propose à terme des
solutions concrètes aux professionnels à mettre en place dans leurs structures
d’exercice. (cf. site lelab50.fr fraîchement inauguré).
Au terme de l’assemblée générale, Jean Bouquot,
président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), est
revenu sur les actions menées en 2017 par la profession pour contester le rehaussement des
seuils d’audit légal envisagé par le gouvernement dans le cadre de la loi Pacte
(cf. article 9 du
projet de loi qui prévoit un alignement des seuils quelle que soit la forme
sociale de l’entreprise, et un relèvement de ces derniers au niveau européen).
Monsieur Bouquot a notamment évoqué le rapport
de Cambourg « qui organise le rebond de la profession au-delà des seuils »,
ainsi que les différents amendements déposés par la profession, notamment par
CAC en mouvement :
• faire valoir la nouvelle mission d’audit légal PE décrite dans le rapport
de Cambourg ;
• revenir sur la question de l’intervention des commissaires aux comptes
dans les groupes de sociétés ;
• clarifier l’accompagnement des professionnels qui devront gérer une
transition possiblement douloureuse et préjudiciable.
Ce fut ensuite à la profession d’expert-comptable de
mener à bien son assemblée générale.
Les experts-comptables
préoccupés par l’intelligence artificielle
Charles-René Tandé, président du Conseil supérieur de l’Ordre des
experts-comptables (CSOEC), s’est d’abord félicité de la « reconnaissance
grandissante des experts-comptables en entreprise ». En témoigne le
« mandat implicite » qui va simplifier la vie au quotidien des
experts : quand le client signe une lettre de mission, il n’aura plus à
signer de mandats avec l’administration fiscale, la lettre de mission valant
mandat pour ces formalités.
Le président du CSOEC a également abordé la question
du numérique, notamment l’intégration dans l’article 22 dédié aux missions
accessoires de la profession, de la reconnaissance du numérique, ce qui est
essentiel « car tout devient numérique aujourd’hui ». D’ailleurs,
dans une de ses lettres envoyée à la profession, Monsieur Tandé avait été
lapidaire « l’expert-comptable sera numérique ou ne sera pas »,
ce qui démontre son attachement particulier à cette thématique. « Nous
devons être au cœur des flux », a-t-il ainsi rappelé. « La
signature électronique, et la facture électronique… l’ordre des
experts-comptables doit disposer de tous ces outils pour être au cœur du flux,
et être au service des entreprises de manière efficace ». C’est
pourquoi le « numérique » sera le thème du prochain congrès
des experts-comptables en 2019, a-t-il annoncé. Pour, le président du CSOEC, il
est également essentiel que la notion de numérique soit intégrée et reconnue
dans les textes.
En outre, à l’heure où les grands cabinets développent leurs propres
applications pour personnaliser leur service client et proposer des offres
innovantes, les petits cabinets indépendants ne doivent pas se laisser
distancer par les technologies.
Mais pour les dirigeants de l’OEC réunis ce jour en assemblée générale,
l’expert-comptable doit pour se faire « repenser la chaîne de valeur »
de ses prestations. « S’interroger sur la nature de ce que paie le
client qui fait appel à un expert-comptable devient très important »,
a ainsi estimé Laurent Benoudiz, président de l’OEC de Paris Île-de-France.
S’ils sont très favorable au numérique, pour les représentants de la
profession, l’expert-comptable ne doit jamais se laisser dépasser par les
nouvelles technologies. L’intelligence artificielle ne doit pas devenir une
boîte noire pour lui. Il doit comprendre ce qui se passe.
Monsieur Tandé a également abordé la question de la loi
Pacte : « Nous aimerions que Pacte soit adoptée au 1er
trimestre 2019. Et nous devrions donc pouvoir tenir nos élections à la fin de
l’année 2019 », a-t-il ainsi déclaré.
Le projet de loi Pacte examiné en ce moment à l’Assemblée nationale
concerne en effet indirectement les experts-comptables avec la réforme
territoriale.
Autre attente des experts-comptables : la reconnaissance du
commissariat aux comptes dans la SPE (société pluri-professionnelle
d’exercice), malheureusement « toujours bloquée par la
Chancellerie », a regretté Charles-René Tandé.
Les assemblées générales des deux professions ont été suivies par la
prestation de serment de l’Ordre des experts-comptables Paris Île-de-France.
Maria-Angélica
Bailly