Ian Cayrefourcq, directeur des technologies
émergentes de la société Arkema, a résumé à l’Hôtel de l’Industrie, le 17 mai 2018, certains des changements en cours
dans notre mode de vie. Il a abordé un secteur industriel particulièrement
approprié à cette évolution, celui de l’électronique organique, qui devrait
occuper de plus en plus notre espace.
Le concept de « société intelligente » a déjà quelques
années, a indiqué, en préambule, Ian Cayrefourcq, directeur des technologies
émergentes de la société Arkema. Apparu dans les années 2010, il élargit alors
l’idée ancienne de « ville intelligente » mise en avant dans
les années 2000 aux États-Unis. À l’époque (explosion d’Internet), les
industriels sont mis au défi d’utiliser le digital au maximum pour rendre la
cité la plus durable possible. Simultanément, aux antipodes des USA, la Corée
du Sud, développe l’omniprésence de l’ordinateur dans la société. En 2005, à
l’occasion du deuxième sommet sur l’information, l’ONU invite, pour la première
fois, le monde de l’entreprise. Elle essaie de dessiner les contours d’une
civilisation de l’information intelligente.
La smart city s’étoffe
2008 amorce l’accélération de la digitalisation du monde.
C’est l’année où les humains deviennent majoritairement citadins. Désormais, « on
dénombre plus de liaisons Internet mobiles que fixes et plus d’objets connectés
que d’individus connectés » a souligné Ian Cayrefourcq. En Europe,
Barcelone et Amsterdam se montrent alors les plus actives pour créer la smart
city, mais peu de choses sont organisées avant le programme européen pour la
recherche et l’innovation (H2020/FP8) et l’allocation de budgets. Les
développements pour la cité du futur se concentrent sur les déplacements, les
immeubles, les réseaux, l’énergie, la santé. Ils intéressent autant la vie
privée que professionnelle. Dans une maison intelligente, l’habitant pilote la
sécurité (intrusion, incendie, qualité de l’air), le confort (eau, température,
déchet), l’énergie, la communication, les loisirs. On retrouve des thèmes
identiques à ceux mis en œuvre dans la ville intelligente. La collecte des
données des bâtiments 2.0 permet une gestion des moyens ou des flux, plus efficace à grande échelle. Concernant
la santé, aujourd’hui chacun peut mesurer et suivre son rythme cardiaque, sa
température, les efforts accomplis dans la journée, la valeur de son sommeil,
etc. avec des objets qui tiennent informer le médecin ou la clinique. La
récupération de ces données en réseau apporte des opportunités d’analyse sur
toute une population. Idem pour le véhicule autonome qui peut communiquer avec
ses semblables, avec des systèmes de gestion du trafic, ou encore avec les
infrastructures routières.
L’importance des enjeux économiques et technologiques de la smart city
motivent beaucoup d’entreprises. « Entre les télécommunications, les
composants et les applications, le marché représente quelque 100 milliards de dollars et affiche un taux de croissance
supérieur à 30 %. 500 milliards en 2025 semble une
hypothèse communément admise, ce qui équivaut au puissant marché du
semi-conducteur actuel », a estimé le directeur des technologies
émergentes d’Arkema.
Pour qu’un système fonctionne, sa structure doit impérativement englober
trois étapes, a récapitulé ce dernier : capturer des données, les
communiquer vers un lieu de stockage ; les traiter. Les capteurs et les
actuateurs réalisent l’interface avec les usagers. Ils occupent une place
capitale. La finesse du maillage d’un réseau en entrée conditionne les
résultats potentiels en sortie, autrement dit beaucoup de capteurs, partout
améliorent la valeur ajoutée d’une application. Depuis 2016, il existe plus
d’objets connectés que d’êtres humains sur terre. En exploiter 20 milliards dans le futur proche, exigera qu’ils ne soient ni chers, ni
énergivores.
Développement
de l’électronique organique
Microélectronique et électronique organique imprimée
se complètent. Leur différence tient à la dimension physique des besoins auxquels
elles répondent. « À titre d’exemple, l’appareil photo intégré au
téléphone portable, les cartes mémoires Flash, les transistors appartiennent à
l’univers microélectronique avec des architectures internes inférieures à cent
nanomètres. Selon la loi de Moore, la taille de ces composants est divisée par
quatre par unité de surface tous les deux ans, et donc leur coût diminue. C’est
le principe de base qui explique la baisse permanente des prix des équipements
électroniques et l’augmentation conjointe de leurs capacités dans un volume
toujours moindre », a illustré Ian Cayrefourcq.
L’électronique organique imprimée est utilisée pour
les grandes surfaces, éventuellement souples ou transparentes comme les écrans
d’un mètre de diagonal. La technologie de fabrication est inspirée des procédés
classiques d’imprimerie. Le produit fini ressemble à un rouleau de papier peint
sur film plastique transparent (PET). Les composants sont plus grands, moins
rapides et consomment plus d’énergie que ceux de la microélectronique. Ils ne
présentent pas d’intérêt pour des circuits logiques complexes, mais uniquement
pour travailler sur de grandes surfaces.
Arkema développe des polymères fluorés très polaires
et piézo-électriques. Imprimés sur du PET, ils engendrent une tension d’un bord
à l’autre du support. Typiquement, déformer le film change cette tension et
réciproquement, appliquer une tension aux extrémités du matériau déforme le
film. Reste à imaginer une foule d’utilisation concrète : capteur de
pression capable de supporter un environnement hostile, de pression sanguine,
d’ultrason, surface déformable de tableau de bord, haut-parleur de quelques
centaines de microns d’épaisseur, etc.
La tendance de fonds de la société intelligente va
vers plus d’électronique à toutes échelles et à bas coût. L’organique imprimé,
en particulier, répond parfaitement à ce contexte et convient pour les
interfaces conçues à la taille d’un individu. En France, la science des
matériaux et l’imprimerie sont des industries assez fortes qui pourraient
bénéficier de ce commerce en plein essor.
C2M