Avec 3 000 CAC (soit plus de 20 % environ des
13 500 auditeurs de France), 26 élus et une dizaine de permanents, la Compagnie
Régionale des Commissaires aux Comptes de Paris, dont le ressort correspond à
celui de la Cour d’appel de Paris, est la plus importante de France. Pour les
lecteurs du Journal Spécial des Sociétés, Jean-Luc Flabeau, qui est aussi président
de Fideliance, revient sur les Universités d’été de la profession comptable
francilienne et sur la réforme européenne de l’audit.
Depuis quand
la profession de CAC n’avait pas été réformée ?
La dernière réforme de
cette ampleur date de 2003, elle intervient deux ans après le scandale
Enron : c’est la Loi de Sécurité Financière (LSF). Elle a introduit le
régulateur H3C, c’est l’acte 1 en quelque sorte. L’acte 2 c’est la réforme de l’audit, avec un régulateur
encore plus fort au détriment de la compagnie nationale et des compagnies
régionales. Avant 2003, il y avait une autorégulation de la profession, entre
2003 et maintenant il y avait une régulation partagée entre le H3C, les
compagnies régionales et la compagnie nationale. Après la réforme, on va avoir
une régulation quasiment complète du H3C de la profession. Il n’y aura même
plus de CAC en exercice dans le collège du H3C. Parmi les douze membres qu’il
compte, seuls deux seront d’anciens professionnels qui devront avoir quitté la
profession depuis au moins 3 ans.
En quoi la modernisation de la
profession est-elle nécessaire ?
Aujourd’hui, au niveau des entreprises et de
l’économie en général, on a des business model, qui ont énormément
changé. Cela a complexifié le rôle de l’auditeur, parce que la matière est plus
difficile à analyser et comprendre. On a donc besoin d’une réforme pour que les
CAC soient mieux adaptés. Le problème c’est que jusqu’alors les réformes
naissent après des crises. Elles naissent donc de la défiance. Le meilleur
exemple est celui des subprimes en 2008. Finalement, c’est par une crise
de confiance que la réforme de l’audit est née dans l’esprit de certains. Avoir
un contrôle des commissaires aux comptes ce n’est pas là l’essentiel. Il n’y a
pas eu de réflexion sur la modernisation de la mission, c’est dommage. Il nous
fallait davantage une réforme au service des entreprises et pour les
commissaires aux comptes que celle qu’on connaît aujourd’hui.
À chaque fois qu’il y a une crise majeure, il
y a un tour de vis. Ça va devenir compliqué parce qu’on sait que des crises il
y en aura d’autres…
La rotation des cabinets, dont
l’objectif est de déconcentrer le marché, sera-t-elle efficace d’après
vous ?
L’effet va être complètement inverse. La
rotation des cabinets ne concerne que les mandats EIP, sur lesquels, en France,
il y avait déjà la rotation des associés. Donc demain, il va y avoir la
rotation des associés et la rotation des cabinets. Le problème c’est que les
seuls qui auront la structuration nécessaire pour pouvoir accepter ce type de
mandat, ce sont les cabinets de taille importante. Dans la sphère EIP, il y
aura une concentration très forte et même une accélération de la concentration.
C’est certain, tout le monde est d’accord là-dessus. En revanche, la
concentration du marché sera moins rapide en ce qui concerne les mandats non
EIP, mais le mouvement sera là.
Y-a-t-il des éléments que la
réforme de l’audit aurait dû traiter mais qu’elle n’a pas fait ?
Là où la réforme n’a pas été assez loin, mais
où elle ouvre une porte, c’est sur toute la partie proportionnalité de l’audit.
Il faut distinguer ce qui a été décidé au niveau européen et ce qui a été
appliqué en France. Au niveau européen, la réforme ne comporte pas que des
points négatifs. À mon sens deux sont positifs : la reconnaissance du co-commissariat
aux comptes qui est une spécialité française et la notion de proportionnalité.
Concrètement, ça veut dire que pour le mandat d’une société importante et pour
celui d’une PME, règles et démarches d’audit ne doivent pas être les mêmes.
C’est très important parce que plus nous adapterons nos missions, plus elles
seront utiles aux entreprises et comprises par leurs dirigeants. C’est par ce
moyen là que l’on pourra mieux défendre l’audit légal dans les PME en France.
Parce qu’aujourd’hui, dans notre pays, l’audit légal a des seuils plus bas que
dans beaucoup de pays européens. Si nous n’avançons pas assez vite sur la
proportionnalité de nos missions, avec l’écriture d’une véritable norme PME,
les seuils d’intervention des commissaires aux comptes dans ces PME pourraient
être revus à la hausse. On pourrait perdre beaucoup d’audits légaux dans les
PME.
Que va changer la réforme
européenne de l’audit sur les compétences des CRCC et de la CNCC ?
Le H3C va contrôler quasiment tous les
domaines de la profession. Il restera, aux CRCC et à la CNCC, seulement trois
conventions de délégation (possibilité pour la compagnie nationale d’agir pour
le compte du H3C) : l’inscription des CAC, le contrôle qualité et la
formation. Sur la partie enquête et sanction, les modifications vont être
importantes. Les nouvelles sanctions financières inquiètent les professionnels.
Ces conventions sont en cours d’écriture. On ne connaît pas encore exactement
leur contenu.
Vous avez fait le choix, pour la
plénière de vos Universités d’été, du thème de la confiance. Comment les CAC
peuvent-il aider les entreprises à la développer alors que le conseil est
interdit ?
Les CAC sont des fournisseurs de confiance
c’est inhérent à notre profession. Mais de la part des pouvoirs publics on connaît
une véritable défiance. C’est d’autant plus incompréhensible que la France est
un bon élève européen en matière d’audit et qu’il n’y a pas eu de scandale
financier récent. Il faut que les pouvoirs publics redonnent de la confiance à
la profession. (...)
Propos
recueillis par Victor Bretonnier
Retrouvez la suite de cet entretien dans
le Journal Spécial des Sociétés n° 72 du 24 septembre 2016
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