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« Entreprendre en toute sécurité et protéger sa famille » : les conseils des notaires au Salon Go Entrepreneurs

« Entreprendre en toute sécurité et protéger sa famille » : les conseils des notaires au Salon Go Entrepreneurs
Publié le 30/08/2021 à 14:49


 

Pour sa 28e édition, les 9 et 10 juin derniers, le Salon des Entrepreneurs est devenu Go Entrepreneurs. Deux jours, dans une version 100 % digitale, pour développer son réseau, trouver des financements, booster sa prospection commerciale et rencontrer des professionnels. Retour sur la table ronde « Entreprendre en toute sécurité et protéger sa famille » organisée par deux notaires experts de l’entrepreneuriat.

 



Grâce à leurs compétences transversales, les notaires sont en première ligne pour accompagner les entrepreneurs en matières juridique, fiscale et patrimoniale, afin de permettre à ces derniers de concilier vie personnelle et vie professionnelle. Lors du Salon Go Entrepreneurs, David Mennetret, notaire à Reims et président de l'Institut notarial de l'entreprise et des sociétés, et Florence Pouzenc, notaire à Paris, ont livré leurs préconisations sur des sujets aussi variés que le régime matrimonial, la déclaration d’insaisissabilité du patrimoine, le mandat de protection, le bail commercial, etc.

« Quand on crée une entreprise, on a aussi une famille, on peut avoir du patrimoine. Comment peut-on protéger ce patrimoine tout en entreprenant, tout en créant son entreprise ? » La question est posée.

 

 

MARIAGE, PACS, DIVORCE… QUAND VIE PRIVÉE ET VIE PROFESSIONNELLE S’ENTREMÊLENT

Au moment où l’on veut créer son entreprise, on peut aussi avoir plein d’autres projets en tête comme avoir un bébé, se marier… Dans quel ordre doit-on faire les choses ? Aller voir un notaire est-il indispensable ?

Pour Florence Pouzenc, une fois que l’enfant est là, de nombreux parents veulent se marier. D’autres préfèrent se marier avant d’avoir l’enfant. Si l’ordre importe peu, l’important est de savoir sous quel régime se marier. L’objectif est en effet d’opter pour le régime le plus adapté au choix de vie que l'on fait, tant patrimonialement qu'avec son conjoint. Est-ce que je souhaite séparer mon patrimoine professionnel et mon patrimoine familial, ou bien est-ce que je veux que tout soit mélangé ?

Le rôle du notaire va être d’adapter le régime matrimonial en fonction de la situation personnelle et des désirs de la famille également, parce que, souvent, les parents et les grands-parents qui souhaitent transmettre ne veulent pas forcément que le beau-fils ou la belle-fille hérite de quelque chose.

En ce qui la concerne, Florence Pouzenc pense qu’il est préférable d'être marié, en tout cas au départ, sous le régime de la séparation des biens, ce qui permet d'individualiser son outil de travail, de gérer chacun son patrimoine tant professionnel que personnel.

Cependant, a-t-elle rappelé, on peut faire évoluer son régime matrimonial. La loi le permet désormais dans le mois qui suit son mariage.

Si par exemple un couple n'a pas choisi un régime matrimonial – parce qu’il n’y a pas pensé –, il sera par défaut marié sous le régime de la communauté des biens réduite aux acquêts, mais il pourra, dans la foulée, changer son régime matrimonial chez le notaire.

En général, un contrat de mariage coûte un peu moins de 300 euros, a indiqué Florence Pouzenc, ce qui ne représente pas un grand enjeu financier.

Si on le fait après le mariage, cela coûte plus cher – entre 800 et 1 000 euros –, il est donc préférable d'anticiper.

En tout cas, « il est nettement plus prudent de faire un contrat de mariage, si on a le temps, avant de lancer son entreprise. » a fortement incité la notaire.

Les termes du contrat ne sont toutefois par gravés dans le marbre. En fonction de comment évoluent l'entreprise, le patrimoine de chacun des époux, la situation du couple (divorce, décès), il faut adapter les clauses.

Et que penser du Pacs, est-ce pareil que pour le mariage ?

Pour Florence Pouzenc, choisir le Pacs est particulièrement adapté dans une situation où il n'y a pas d'enfant. « On est deux, on fait un Pacs, on adapte avec un testament, il n'y a pas de soucis. » Mais même dans le cas du Pacs, pour elle, il faut préférer le régime de la séparation des biens plutôt que de l'indivision.

Enfin, si on reste des concubins, aucun problème ne se pose, sauf si les conjoints décident de créer une société ensemble. Il faudra qu’ils s’organisent.

Et dans le cas d’un divorce ou d’une séparation ?

Prenons le cas d’une société et d’un couple marié sous le régime de la communauté des biens. Au bout de quelques années, celui ou celle qui a des parts ou des actions dans l’entreprise veut divorcer. Est-ce que le mari ou la femme qui n'était pas dans la société a droit à quelque chose ?

S’il n’y a pas de contrat de mariage, cette personne a des droits même si elle n’a pas la qualité d’associé. Au moment du divorce, elle aura droit à la moitié de la valeur des parts de la société.

Certes, dans une société, il existe ce qu'on appelle « des comptes courants d'associés », lesquels vont venir minorer la valeur des parts de la société. Cependant, ces comptes courants qui sont des actifs pour la personne détentrice vont également rentrer dans l'actif de la masse à liquider, a précisé la notaire.

Et même si l’on décide de porter en réserve des dividendes affectés dans la société lors d'une assemblée générale pour l'affectation des résultats, tout cela rentrera quand même dans un actif qui sera liquidé lors du divorce, « soit par la valeur des sociétés, soit par la valeur qui ressortira de la société pour être attribué à l'associé. » a précisé Florence Pouzenc.

En résumé, « à partir du moment où vous êtes mariés sous le régime de la communauté, vous ne pouvez rien mettre de côté. »

Il est donc essentiel de parler de tout cela avec son notaire. Car se faire quitter par son conjoint est déjà une épreuve, mais le voir partir avec la moitié de la société – alors qu’il n’est même pas associé – est également terrible.

On peut bien entendu décider de s’associer avec son mari ou sa femme, et, en cas de divorce, c’est le statut matrimonial qui fera que les parts appartiendront à chacun, séparément ou non.

« Il faut vraiment voir votre notaire, a de nouveau vivement conseillé Florence Pouzenc. Entreprendre avec son époux « est une belle aventure, mais ça veut dire que c'est une aventure pour la totalité de sa vie, personnelle comme professionnelle. »




 

 

David Mennetret, notaire à Reims et président de l'Institut notarial de l'entreprise et des sociétés,
et Florence Pouzenc, notaire à Paris,



DE L’INSAISISSABILITÉ DE L'IMMOBILIER DU CHEF D'ENTREPRISE EN CAS DE DIFFICULTÉS

Si le divorce est une épreuve qui peut être dramatique pour un couple et son patrimoine, la faillite l’est aussi. Avec la crise sanitaire, de nombreux chefs d’entreprise se sont inquiétés, a rapporté Florence Pouzenc, de savoir si en cas de défaillance, leur résidence principale pouvait être captée par des créanciers éventuels.

En effet, a expliqué David Mennetret, si une personne monte son entreprise en nom propre – par exemple un artisan, un commerçant, un professionnel libéral –, si elle rentre dans un cadre de procédure collective et qu'elle est obligée de déposer le bilan, ses biens personnels peuvent être saisissables par des créanciers, c’est donc un risque très important.

Sauf que, a-t-il ajouté, la résidence principale du chef d'entreprise en nom propre (ou entreprise individuelle) peut être déclarée insaisissable. Auparavant sur option – il fallait faire une déclaration d'insaisissabilité chez le notaire –, désormais, la résidence principale, pour ces catégories de personnes, est automatiquement insaisissable. Cependant, ce n’est pas le cas pour les autres biens immobiliers (si je possède par exemple un studio dans lequel j'abrite mon enfant, ce bien sera saisissable). Pour protéger ces derniers, il faut faire une déclaration d’insaisissabilité chez un notaire, qui sera ensuite publiée au Centre de publicité foncière.

De ce fait, si un créancier poursuit le chef d'entreprise en nom propre, et qu’il lève un état hypothécaire (s’il demande au Centre de publicité foncière s’il peut saisir un bien), il verra que tel ou tel bien est indiqué comme insaisissable, et donc protégé.

Il reste que la déclaration d'insaisissabilité ne vaut que pour les dettes professionnelles et non pour les dettes personnelles.

Qu’en est-il pour une entreprise créée en société (et pas en nom propre) ?

La différence, a expliqué le président de l'Institut notarial de l'entreprise et des sociétés, est qu’en la matière, on ne peut pas déclarer ses biens insaisissables.

En revanche, a-t-il précisé, quand on se lance en société commerciale, la société va faire barrage (ou écran) entre le chef d'entreprise et son patrimoine, pour empêcher les créanciers de saisir les biens personnels.

Si le patrimoine professionnel reste captable par les créanciers – un restaurant en SARL, par exemple –, la résidence principale elle n'est pas saisissable par les créanciers, sauf en cas de caution.

En effet, si je me suis porté caution bancaire de la SARL qui a acheté ce restaurant, par exemple, certes ma maison personnelle n'est pas saisissable par des créanciers, mais la banque va pouvoir, saisir ma résidence principale, pour se faire payer l'emprunt que la SARL avait souscrit et pour lequel je me suis porté caution. Ici, le danger est donc bien présent.

Au vu de toutes ces indications, vaut-il mieux se mettre en nom propre ou en société ?

Pour David Mennetret, il faut regarder avant tout la nature de son activité. Une couturière, par exemple, a très peu de risque d'avoir de grosses dettes, donc il n'est pas nécessaire qu’elle monte une société. Elle peut se mettre en nom propre ou en auto-entrepreneur.

Par contre, dès que les risques potentiels sont importants, il vaut mieux se mettre en société commerciale pour protéger son patrimoine personnel.

Et si jamais on est obligé de se porter caution, le notaire a conseillé de discuter avant avec le banquier pour limiter la caution dans le temps et dans son montant. « En tout cas, essayer de ne pas être caution pendant toute la durée du prêt, pour l'intégralité de la somme empruntée. »

Il existe aussi la création d’entreprise en EIRL, a complété le président de l'Institut notarial de l'entreprise et des sociétés, rebondissant sur la question d’une auditrice.

Quels sont les risques concernant les biens personnels liés à la création d'une EIRL ? L’EIRL ou entrepreneur individuel à responsabilité limitée (à ne pas confondre avec EURL) est un statut assez méconnu, qui fonctionne très bien par exemple pour les débitants de tabac qui n'ont pas le droit de monter tout type de société commerciale.

Concrètement, EIRL signifie que quand on se lance en nom propre, on va affecter les biens nécessaires à son activité professionnelle – bureau, ordinateur, voiture de fonction, etc. – pour qu’au cas où l’on rencontrerait un problème dans le cadre de cette activité, seuls les biens affectés à la profession soient accaparés par les créanciers.

Tous les biens personnels (résidence principale, voiture personnelle, comptes en banque personnels) ne seront donc pas saisissables par les créanciers.

Le seul problème de ce statut est que si l’on oublie dans la déclaration d'affectation certains biens professionnels, « le château de cartes peut tomber », a mis en garde le notaire.

Autre avantage de l'EIRL : la possibilité d’opter pour un régime fiscal plutôt que pour un autre. Pour faire simple, quand on est en nom propre, on est assujetti à l'impôt sur le revenu, mais grâce au statut d'EIRL, on peut opter, si on le souhaite, pour l'impôt sur les sociétés (IS) – ce qui est normalement impossible si on n’est pas une société.

 

 

MANDAT DE PROTECTION FUTURE ET MANDAT à EFFET POSTHUME, OU COMMENT LE CHEF D’ENTREPRISE PEUT SE PROTÉGER

Outre la faillite et le divorce, le décès ou l’incapacité d’un des associés peut fortement affecter la pérennité d’une entreprise.

Par exemple, deux amis montent ensemble une entreprise, et l’un d’entre eux a, à un moment donné, un problème de santé grave, un accident quelconque, qui fait qu’il n’est plus en état de manifester sa volonté. Comment faire ?

Il y a des moyens juridiques qu'on peut mettre en œuvre, a détaillé Florence Pouzenc. On pense ainsi au mandat de protection future que l’on peut établir chez le notaire, ou via le site du ministère de la Santé. Il est toutefois préférable d’aller voir un professionnel, car, sous forme de société, il faut absolument organiser les statuts de celle-ci, pour donner des pouvoirs à son mandataire, et cela demande des connaissances pointues.

Mais plus précisément qu’entend-on par mandat de protection future ?

Ce genre de mandat est établi à un instant T par une personne en pleine santé mentale et physique qui se projette dans l’avenir et qui imagine que si un jour elle tombe dans le coma, et est en incapacité, telle ou telle personne gérera ses biens. Elle peut même décider que pour les biens personnels, ce sera untel, et pour les biens professionnels, un autre. Évidemment, elle ne peut désigner une personne qui est elle-même en incapacité de gérer.

Souvent dans une entreprise, les associés s'autodéclarent mandataires pour celui qui viendrait à ne plus disposer de ses facultés intellectuelles ou corporelles.

Dans la pratique, comment mettre en place un mandat de protection future ?

C'est en fait la personne désignée mandataire qui va devoir accepter le mandat en se déplaçant chez le notaire. Elle va ensuite devoir se rendre auprès du greffe du tribunal judiciaire du lieu de situation de la personne qui est invalide. Le greffe va lui demander une attestation médicale. Cette attestation médicale sera établie par un médecin inscrit sur une liste fournie par le tribunal judiciaire. Une fois le document en main, le mandataire devra le faire enregistrer au greffe pour que le mandat devienne effectif.

Mais ce n’est pas fini. Le mandataire va ensuite devoir faire un inventaire de l’entreprise et devra tous les ans rendre compte de sa gestion au notaire qui a rédigé le mandat de protection future (ou à l'étude si le notaire n'est plus dans l’étude).

Le notaire a lui pour fonction de vérifier les comptes, et s'il trouve des anomalies, il peut demander au juge des tutelles d’intervenir. Bien entendu, si après un certain temps, la personne en incapacité retrouve toutes ses facultés, le mandat cesse.

Le mandat de protection future n’est cependant pas suffisant pour couvrir tous les besoins en cas d’incapacité.
Il faut prévoir d'autres choses, comme les assurances hommes-clés, notamment.
En cas d’incapacité de six mois, il faut aussi pouvoir continuer à toucher des revenus, il faut que l'entreprise ait un remplaçant qui supplée le fait que le dirigeant ne soit plus là, il faut embaucher des gens, etc.

Autre interrogation, le mandataire qui remplace l’associé inapte a-t-il le droit de tout faire ? Peut-il, par exemple, prendre la décision de vendre la société ?

En réalité, les notaires ont la possibilité de limiter – dans le mandat – le pouvoir d’action du mandataire. Ils déterminent par avance, avec la personne qui donne son mandat, ce que va contenir le mandat. De toute façon, il est impossible de vendre une entreprise en quelques jours sans une autorisation particulière, a indiqué Florence Pouzenc.

Et en cas de décès de son associé y a-t-il des choses à prévoir ?

Pour parer à cette éventualité, il existe le mandat à effet posthume, a précisé Florence Pouzenc. Il s’agit d’un mandat valable pendant cinq ans qui permet à un chef d’entreprise de nommer un mandataire pour permettre à l’entreprise de survivre – c’est-à-dire de ne pas être vendue – et de pouvoir donner ensuite l'opportunité à un membre de la famille de pouvoir racheter l'entreprise.

Ce mandat permet ainsi au mandataire d'organiser et de gérer l’entreprise pendant une durée de cinq ans, après le décès, pour le compte et dans l'intérêt d'un ou plusieurs héritiers.

 

 

ACHETER, VENDRE UN FONDS DE COMMERCE : LES PIÈGES A ÉVITER

L’achat d’un fonds de commerce est une alternative à la création d’entreprise. Cela permet de se lancer dans une activité déjà en place.

Quels sont les écueils à éviter quand on achète ou vend un fonds de commerce ?

Pour Florence Pouzenc, il ne faut pas parler de pièges, mais plutôt de point de vigilance. « Que l’on soit vendeur ou acquéreur, il faut que l'acte corresponde à quelque chose qui soit propre pour le vendeur comme pour l'acquéreur. » a-t-elle expliqué.

D’abord, un fonds de commerce est composé d'éléments matériels, de marchandises, d'éléments incorporels, et celui qui vend va devoir valoriser et détailler tout ça auprès de celui qui achète.

Maître Pouzenc a ensuite fait part d’une de ses expériences récentes avec un de ses clients, un maroquinier qui voulait vendre son entreprise. Lors de leurs échanges, elle s’est aperçue que le maximum de son activité était réalité via internet. Pendant la crise, le maroquinier a considérablement développé son chiffre d'affaires grâce au web, mais avant de vendre, il n'a pas eu le temps d'adapter son bail commercial avec son propriétaire. Or, quand on vend un fonds de commerce, il est impératif de s’assurer que l’activité correspond bien à ce qui figure sur le bail et dans le bilan.

Dans le cas du maroquinier par exemple, on ne valorise pas la même chose quand il s’agit de ventes par internet ou de ventes physiques en boutique.

Pour constituer le dossier, le notaire doit aussi vérifier avec son client que celui-ci contient tous les contrats de travail, que la personne a déposé sa marque, son nom de domaine, que le site internet et le nom de domaine lui appartiennent, etc. Le maroquinier sus-évoqué avait notamment développé une marque, mais n’avait pas pensé à la déposer.

En résumé, les points de vigilance sont essentiellement liés au fait de bien cerner l'activité générée par le fonds de commerce qui va être revendu. D’où l’importance de se rendre chez un professionnel qui pratique souvent les ventes de fonds de commerce et qui connaît la propriété intellectuelle.

En effet, lorsqu’on vend un fonds de commerce, l'acquéreur doit pouvoir retrouver le potentiel de chiffre d'affaires annoncé par le vendeur ainsi que la clientèle. La responsabilité du vendeur peut être mise en cause si les chiffres d'affaires n'ont pas été bien déclarés.

 

 

RACHAT DE FONDS DE COMMERCE VS RACHAT DES PARTS D'UNE SOCIÉTÉ

Avant d’acheter un fonds de commerce, il faut en tout cas bien réfléchir. En effet, en France, on peut se lancer dans l’entrepreneuriat soit en créant une entreprise, soit en rachetant un fonds de commerce, soit en rachetant des parts de société.

Quelles sont les différences entre ces trois pratiques ?

Quand on rachète un fonds de commerce, on ne rachète que l'activité, a précisé Maître Mennetret, c’est-à-dire qu’on ne rachète que l'actif (CA, clientèle…), pas le passif. On ne rachète donc pas les dettes.

En revanche, quand on rachète des titres de société, on rachète à la fois l'actif et le passif, on reprend donc les dettes de la société rachetée.

Un exemple : une pharmacie est exploitée en société, elle vaut x centaines de milliers d'euros. Au passif, il existe une dette bancaire, car lorsque le pharmacien s'est installé quelques années auparavant, il avait contracté un emprunt bancaire pour financer l'achat de ce local. Donc si une personne reprend les titres de la société, elle va aussi reprendre l'emprunt bancaire.

Mais attention, a clarifié le notaire, l’acheteur n’achète que les dettes qu’il connaît.

Si certaines dettes sont contractées antérieurement à l’achat (contrôle fiscal, dettes non payées chez un fournisseur), mais apparaissent après, en tant que repreneur de cette société, on peut se retrouver à devoir payer ces dettes alors qu’on n’y est pour rien.

Pour éviter cela, quand le notaire rédige la cession des titres, il va s'assurer que les dettes nées postérieurement à la cession, mais que la cause est antérieure à la cession, afin que ce soit bien le vendeur qui les paie et non l’acheteur.

C’est ce qu'on appelle une garantie de passif. Cette garantie dure trois ans après la cession.

Pour résumer, à la différence d’un rachat de fonds de commerce, quand on rachète une société, il est essentiel de vérifier l'état des dettes et le passif de l’entreprise.

Cependant, a ajouté Florence Pouzenc, lors du rachat d’un fonds de commerce, il arrive parfois qu’on rachète une prestation qui a été payée en totalité à celui qui vend le fonds de commerce, mais qui devra être exécutée plus tard.

Exemple : un vendeur de fonds de commerce, d’un restaurant par exemple, peut avoir vendu des bons d’achats à des clients qui ont prévu de venir au restaurant dans un an, après la vente du fonds de commerce. Puis le chef d’entreprise vend son fonds de commerce. Mais celui qui rachètera le fonds ne récupérera pas la totalité de l'argent, car l’ancien propriétaire du restaurant sera parti avec. Ce ne sont pas de vraies dettes, mais cela peut affecter l’activité par la suite.

Pour parer à cette éventualité, le notaire qui rédige la promesse de cession de fonds de commerce va lister toutes les prestations pour lesquelles il y a eu un acompte, mais qui devront être exécutées postérieurement à la vente du fonds de commerce.

 

 

LE BAIL COMMERCIAL, LE NERF DE LA GUERRE

Enfin, quand on rachète une entreprise, quand on en crée une, ou quand on rachète un fonds de commerce, l’endroit où l’on va exercer son activité est essentiel.

Soit on exerce son activité dans un local dont on est propriétaire, soit on loue ce dernier. Lorsqu’on loue, on exploite dans un local en vertu d'un bail. « Le bail commercial, ce n’est pas une dette, sauf que quand on reprend un fonds de commerce, on reprend ce qu'on appelle le droit au bail, et donc on se met à la place de l'ancien entrepreneur à qui on a racheté. » a expliqué David Mennetret.

Or le bail commercial, pour le créateur ou le repreneur d'une entreprise, est la pierre angulaire de son commerce. Car si le bail, pour une raison x ou y, ne peut être renouvelé, si le loyer est déplafonné, etc., cela peut être une catastrophe pour le chef d’entreprise : qui dit plus de bail, dit plus d'activité.

Il faut donc faire très attention aux clauses. Par exemple, dans le contrat, il peut y avoir une obligation de prévenir le bailleur si l’on modifie la distribution intérieure du local. Par conséquent, si, pour son activité, on décide d’ériger une cloison en plein milieu de la pièce sans prévenir le propriétaire, un problème pourra se poser quand on cédera le fonds de commerce avec le droit au bail. Au moment où le successeur voudra renouveler le bail (un bail commercial doit être renouvelé tous les 9 ans), le propriétaire pourra tout à fait le lui refuser parce que le contrat n’a pas été respecté à l’origine. Il pourra aussi accepter, mais en imposant une augmentation du loyer au nouveau locataire ou que celui-ci fasse des travaux.

Néanmoins, quand on rachète une société, est-il possible de renégocier le bail commercial ?

Bien sûr, a assuré David Mennetret, mais le bailleur n’est pas obligé d’accepter. La question s’est beaucoup posée pendant le Covid. De nombreuses entreprises ont été tenues au paiement du loyer alors qu’elles ne généraient pas de rentrées d’argent. Certains bailleurs ont cependant accepté de négocier le bail.

La question des gros travaux est un autre point de vigilance. Autrefois, le bailleur pouvait mettre à la charge d'un locataire tous les travaux de l'immeuble. La loi Pinel de 2014 a restreint le droit des bailleurs. Aujourd’hui, si un propriétaire demande à un locataire de payer des travaux de rénovation de la toiture de l'immeuble, c’est impossible. Ce qui touche au bâti, au gros œuvre, reste à la charge du propriétaire.

Pour embêter un locataire avec qui il ne s’entend pas, un bailleur peut toutefois décider d’entreprendre un ravalement de façade en plein mois d’août. Si on est un restaurateur dans une ville balnéaire, cela va fortement affecter l’activité. Il faut donc se mettre d’accord avant avec le bailleur, car si rien n’est prévu, « il peut s’amuser à vous ennuyer », a pointé David Mennetret.

Enfin, si, en tant que locataire on veut modifier la nature de son activité, il faut savoir que le propriétaire est en droit de demander une indemnité de déspécialisation. Il faut donc là aussi demander la permission au propriétaire, car s’il s’en aperçoit au moment du renouvellement du bail, il peut très bien le refuser.

En conclusion, on peut dire que la création ou la reprise d’entreprise est une aventure riche, mais les difficultés qui se posent pour l’entrepreneur ne manquent pas, surtout si des questions d’ordre familial s’en mêlent. Un notaire ne sera en tout jamais de trop pour faire les bons choix.

 

Maria-Angélica Bailly

 

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