Pauline Rainaut est avocate pénaliste.
Le 9 mai dernier, elle a animé une formation pour la FNUJA et l’UJA Nanterre
portant sur les bons réflexes à avoir pour sa première garde à vue. Des
conseils qu’elle partage aujourd’hui auprès du JSS ; l’occasion aussi de
revenir sur les points phares de cette mesure.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune
avocat pour sa première garde à vue ? à l’inverse, quelles erreurs doit-il
éviter ?
Le premier conseil est de s’assurer que l’on connaît
bien les règles et les pratiques en garde à vue, en se formant seul ou auprès
de confrères plus aguerris. Une garde à vue est une mesure de contrainte lors
de laquelle l’intervention de l’avocat demeure limitée et exige d’être
efficace : prise de notes sur les documents consultables, entretien de
trente minutes maximum, possibilité de poser des questions à la fin de
l’audition... Les décisions prises en termes de stratégie de défense, au stade
d’une garde à vue, ont des conséquences sur l’issue d’une procédure, que cela
soit un classement sans suite ou un jugement. Il faut donc avoir de bons
réflexes procéduraux.
Mon deuxième conseil est d’oser : oser prendre la
parole si celle de notre client n’est pas considérée ou entendue, oser déposer
des observations si ses droits ne sont pas respectés. Ce n’est pas évident, lorsqu’on est
jeune avocat, de s’imposer dans un rapport « de force »
avec les policiers qui dirigent l’enquête.
Mon troisième conseil est surtout de se faire
confiance : il y a autant de manières de gérer une garde à vue que de
clients et d’avocats différents. Il y a un cadre légal au soutien de notre
défense, mais il n’y a pas de bible – autre que le Code de procédure pénale –
sur la meilleure manière de défendre en garde à vue.
Enfin, mon dernier conseil est de respecter notre
déontologie, notamment en ce qui concerne les conflits d’intérêts et également le
secret de l’enquête.
De façon générale, les gardés à vue
ont-ils tendance à demander l’assistance d’un avocat ?
C’est en tout cas le choix que je leur recommande.
Qu’ils soient interpellés ou convoqués au commissariat, les gardés à vue ont
tout intérêt à demander l’assistance d’un avocat choisi ou désigné par le
bâtonnier dans le cadre d’une commission d’office.
Souvent, il peut être indiqué aux personnes gardées à vue
que l’assistance d’un avocat va retarder leur sortie ou « ne servir à
rien ». C’est bien évidemment faux. L’apport d’un avocat en garde à vue
est indéniable au regard des éléments que je développe. Son intervention est
cadrée par la loi, mais nécessaire pour toute personne.
« Il y a autant de
manières de gérer une garde à vue que de clients et d’avocats différents. »
Pouvez-vous nous rappeler les principaux
droits d’une personne placée en garde à vue ?
Les
droits de la personne placée en garde à vue lui sont notifiés, dans une langue
qu’elle comprend, immédiatement après la décision de placement en garde à vue.
Il
s’agit, principalement, du droit d’être assisté par un avocat, d’être examiné
par un médecin, de faire prévenir certaines personnes, de consulter des
documents seul ou par son avocat (notification du placement en garde à vue et
des droits afférents, certificat médical et procès-verbaux d’audition), de
présenter des observations au procureur de la République ou au juge des libertés et de la détention lorsque
la garde à vue est prolongée, et, lors des auditions, de faire des
déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
à quoi sert la présence d’un avocat au cours d’une garde à vue ?
L’objectif principal de l’avocat est
de garantir le respect des droits de la défense, de la dignité de la personne
gardée à vue et l’effectivité de l’équité de la procédure.
L’avocat intervient à trois niveaux de
la garde à vue : par la consultation de certains actes de procédure
(procès-verbal de notification des droits, certificats médicaux et auditions et
confrontations si elles ont eu lieu), dans le cadre de l’entretien confidentiel
avec son client, et par son assistance lors des auditions et confrontations.
La loi du 3 juin 2016 permet aussi à
l’avocat d’être présent si une reconstitution des faits est effectuée dans le
temps de la garde à vue et lors d’une séance d’identification de suspect.
L’avocat n’est pas présent lors des perquisitions.
Tout d’abord, la consultation des
procès-verbaux sus-cités permet d’obtenir quelques informations sur la
procédure, sur les faits reprochés à son client et sur les conditions du
placement en garde à vue.
L’avocat n’a pas accès à la totalité des pièces du
dossier, c’est-à-dire aux actes d’enquêtes
effectués avant la garde à vue. C’est la raison pour laquelle l’assistance de
l’avocat peut s’analyser comme « une partie de poker » puisque,
si l’avocat connaît l’infraction reprochée, il ne connaît pas « les
preuves récoltées » par les policiers.
Ensuite, ces éléments d’information
seront précieux pour l’entretien confidentiel avec le client afin de lui
expliquer le cadre, les faits reprochés et de définir une stratégie avec lui,
notamment sur la possibilité de répondre aux questions des policiers ou de
garder le silence lors de ses auditions. Un nouvel entretien pourra avoir lieu
lors d’une prolongation et permettra de faire le point sur les précédentes
auditions.
Enfin, lors des auditions et
confrontations, l’avocat ne peut légalement intervenir qu’à la fin de chaque
audition, lors desquelles il peut notamment poser des questions. La loi prévoit
que les forces de police conduisent les auditions et confrontations. Il n’en
demeure pas moins que l’avocat doit intervenir pour faire respecter les droits
de son client pendant l’audition.
Lorsque l’audition est terminée,
l’avocat vérifie que les déclarations de son client ont été fidèlement
retranscrites.
Après chacune de ses interventions
(entretien, audition, confrontation), l’avocat peut déposer des observations
écrites qui seront jointes à la procédure ou adressées au procureur de la République
au cours de sa garde à vue, notamment quand il estime que les droits de son
client n’ont pas été respectés dans le cadre de l’audition ou plus généralement
de la procédure de garde à vue.
Dans
les faits, comment la cohabitation avocats-policiers se
déroule-t-elle ?
Je ne veux pas faire de généralités. Tout d’abord, cela
dépend de la personnalité de chacun – avocat, policiers, personne gardée à vue
–
mais également de l’enjeu du dossier ainsi que du respect du droit.
Je trouve néanmoins qu’un rapport de force s’institue inévitablement. En effet,
il existe une méfiance mutuelle entre les deux professions, liée
intrinsèquement à la différence de nos missions ; la recherche de la
vérité judiciaire d’un côté et la défense d’un client de l’autre.
Comment
les permanences s’organisent-elles au barreau des Hauts-de-Seine ?
Au sein de mon barreau, il est
nécessaire de remplir des conditions de formations strictes, de parrainage et
d’ancienneté pour intégrer les listes de permanence. À l’issue, les avocats sont
désignés pour des permanences de 24h de 18h à 18h
quelques jours par mois sur différents secteurs géographiques.
En
tant qu’avocate, quel souvenir gardez-vous de votre première garde à vue ? Lesquelles vous ont particulièrement
marquée ?
Je n’ai aucun souvenir de ma première garde à vue. Une
garde à vue est une mesure de contrainte qui revêt nécessairement un aspect
violent, en raison de son caractère privatif de liberté et des conditions de sa
mise en œuvre – en termes de dignité humaine. La résonnance de certaines gardes
à vue dans mon parcours professionnel a souvent été liée à la
gravité des faits reprochés et donc à ses
conséquences et son issue judiciaire. Mais il y a des gardes à vue qui vous
heurtent davantage : une garde à vue d’un très jeune mineur ou encore
celle dans un commissariat aux conditions sanitaires abjectes.
Propos
recueillis par Constance Périn