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« La performance des juridictions judiciaires s’est globalement dégradée », tance la Cour des comptes

« La performance des juridictions judiciaires s’est globalement dégradée », tance la Cour des comptes
Publié le 14/03/2019 à 17:40

Le constat de la Cour des comptes est sans appel. Dans son « Approche méthodologique des coûts de la justice - Enquête sur la mesure de l’activité et l’allocation des moyens des juridictions judiciaires » parue le 28 janvier dernier et réalisée à la demande de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour pointe une baisse de performance des juridictions financières, en dépit de la hausse du budget lui ayant été alloué.


 

« La présente enquête a pour objet d’analyser les méthodes utilisées actuellement par le ministère de la Justice pour définir ses besoins en matière d’effectifs dans les juridictions judiciaires, puis de proposer les méthodes alternatives qui pourraient être employées, au vu notamment d’exemples comparables français ou étrangers », annonce la Cour des comptes en préambule de son rapport consacré à l’activité et l’allocation des moyens des juridictions judiciaires.


Malgré la hausse du budget alloué à la Justice – « la LFI pour 2018 a prévu un budget de 3,44 milliards d’euros pour le programme 166, soit une hausse de 12,4 % par rapport à 2013 » – les résultats ne sont pas là. Le rapport de la juridiction financière constate en effet un manque d’effectif criant, les dépenses de personnel représentant « les deux tiers des crédits du programme 166 », programme « Justice judiciaire ». « Entre 2013 et 2017, les emplois votés en lois de finances ont augmenté de 3,5 % pour les magistrats et de 6,6 % pour les fonctionnaires, alors que les effectifs de magistrats affectés en juridictions ont été quasiment stables (+0,5 %) et ceux des personnels administratifs en légère hausse (+1,8 %) », explique la Cour des comptes, qui met en cause la durée du cursus des magistrats et des personnels de greffe. La Cour regrette alors le manque d’ « amélioration significative » sur cette période, malgré une légère diminution du nombre des nouvelles affaires et des stocks en matière civile, résultant de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle ; une première. Cependant, la juridiction financière constate une augmentation des tribunaux de grande instance en situation de fragilité, face au rallongement des délais des jugements en matière civile principalement.


Pour la Cour des comptes, le constat est simple : « Les outils de mesure de l’activité et de répartition des moyens à la disposition du ministère s’avèrent inadaptés, et les travaux menés sur la charge de travail des magistrats insuffisamment. » Cette dernière poursuit : « Aucun outil spécifique n’a été mis en œuvre pour appréhender la charge de travail des magistrats et évaluer les moyens humains nécessaires au fonctionnement des juridictions ». Même OUTILGREF (Outil de Gestion et de Répartition des Emplois de Fonctionnaires), considéré comme le « seul outil reconnu par les acteurs comme permettant d’approcher la charge de travail des personnels des greffes », ne trouve pas grâce aux yeux de la Cour des comptes, son actualisation se faisant à fréquence trop espacée. Enfin, l’administration centrale ne valide pas les référentiels fournis par les juridictions, considérant qu’ils ne sont « pas aboutis », mais ne propose, en réponse, aucun outil compensatoire. La Cour suggère ainsi de repenser « à court et moyen termes » « l’ensemble du dispositif de productions des données d’activité du ministère », afin que la préparation du budget soit faite sur la base de données fiable représentant la réalité des juridictions et leurs évolutions. L’institution critique aussi le trop grand nombre d’ acteurs présents dans le processus de dialogue budgétaire, mais aussi le calendrier, considéré comme incompatible « avec celui imposé par les arbitrages interministériels ». S’inspirant principalement des modèles étrangers (Allemagne notamment), mais aussi de ceux appliqués dans le secteur hospitalier et de ceux existants – le logiciel OUTILGREF actualisé et élargi aux magistrats pourrait devenir une base de travail –, la Cour formule dans ce cadre neuf recommandations visant à développer un outil performant, permettant au ministère de juger de façon plus fine les besoins des juridictions, tant financiers qu’humains.


Constance Périn


 


Les recommandations de la Cour des comptes


1. Renforcer la coordination par l’administration centrale des activités de saisie des données d’activité et diffuser dans le réseau les guides métiers et fiches procédures relatifs au traitement des données.


2. Favoriser la création de pôles d’analyse des données d’activité dans l’ensemble des cours d’appel BOP (Budgets opérationnels de programme).


3. Identifier un service spécifiquement dédié à l’élaboration d’études transversales, à l’analyse de l’activité juridictionnelle et au suivi des études d’impact des projets de loi, en lien avec le secrétariat général et les autres directions ministérielles, et au niveau local, avec les pôles d’analyse des données des cours d’appel BOP.


4. Réorganiser le dialogue de gestion entre la direction des services judiciaires/RPROG et les cours d’appel, afin de disposer d’une vision globale des moyens de chaque entité budgétaire en établissant un lien explicite entre ces moyens et la performance.


5. Avancer le calendrier et réévaluer la méthodologie de la construction budgétaire, afin de mieux intégrer l’expression de besoins des cours d’appel, en l’appuyant sur une démarche renforcée d’analyse des coûts.


6. Harmoniser les dates et le rythme des mouvements des magistrats, des personnels de greffe et des personnels des corps communs ; limiter ces mouvements à deux par an sans préjudice des mutations décidées en cours d’année pour des motifs exceptionnels ou tirés des nécessités de service.


7. Rendre explicites les critères actuellement utilisés par l’administration pour répartir les moyens, en particulier en personnels, alloués aux juridictions.


8. Participer au groupe de travail sur la pondération des affaires de la CEPEJ (Conseil de l’Europe) et tirer ainsi bénéfice des expériences européennes sur ce sujet.


9. Créer dans les trois ans un système de pondération se fondant sur une typologie des affaires judiciaires et sur les actuels et futurs outils de gestion afin de garantir une allocation efficiente des moyens des juridictions et une connaissance précise de l’activité judiciaire.


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