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« Les professions libérales réglementées, faute de temps, n’ont pas toujours les moyens de se lancer dans l’acquisition d’un bien immobilier » - Entretien avec Grégoire Duffour, cofondateur de Prestonn

« Les professions libérales réglementées, faute de temps, n’ont pas toujours les moyens de se lancer dans l’acquisition d’un bien immobilier » - Entretien avec Grégoire Duffour, cofondateur de Prestonn
Publié le 12/04/2021 à 11:08

Acquérir son local professionnel ne s’improvise pas. Cependant, pour les professions libérales, il n’est pas toujours facile de libérer du temps pour réaliser ces démarches. Spécialisée dans l’investissement immobilier des professions libérales réglementées, l’entreprise Prestonn propose de les accompagner à chaque étape de leur projet d’acquisition, en mettant à leur service leur expérience et leur connaissance du marché immobilier et sa réglementation. Entretien.

 

 

Pouvez-vous, en premier lieu, vous présenter ?

J’ai un parcours assez classique. Après avoir effectué une licence en Économie et Gestion, j’ai intégré, via les voies parallèles, une école de commerce à Nantes. J’ai, par la suite, réalisé plusieurs stages dans l’immobilier. Au fil de mes expériences professionnelles, j’ai eu la chance de découvrir différents pans du secteur : j’ai été notamment gestionnaire de fonds d’investissement immobilier chez Internos Global Investors ; j’ai ensuite été asset manager immobilier, et ai assuré dans ce cadre la gestion d’un portefeuille immobilier assez vaste. Puis, en intégrant la foncière Klépierre, j’ai découvert, en tant que leasing manager, le marché des centres commerciaux. J’ai ainsi acquis de solides connaissances dans l’immobilier de bureau, logistique, et commercial, et dispose d’une bonne vision du marché et de ses opportunités.

 

Quand et comment est née votre entreprise ?

Tout est parti d’un constat personnel. J’ai, dans mon environnement proche, un grand nombre de personnes exerçant en profession libérale, à commencer par mon père, avocat, qui, au bout de 40 ans d’activité, n’a jamais pris le temps d’acquérir un local.

Adrien Boussagol, ami devenu depuis mon associé chez Prestonn, a, de son côté, un membre de sa famille qui est diététicienne qui, avec des revenus plutôt modestes, cherchait à s’installer. En consacrant beaucoup de temps à son projet, elle est parvenue à acheter ses locaux professionnels aux Batignolles (Paris, 17e ), et en loue aujourd’hui une partie. En plus de créer ainsi des synergies entre les professions médicales, cette solution lui permet de générer un loyer venant faciliter ses capacités de remboursement. Forte de ce succès, elle a pu acheter un second local. Elle n’a toutefois pas manqué de nous confier les difficultés qui avaient été les siennes dans la réalisation de cette acquisition, sans parler du temps investi, au détriment de ses consultations, et donc de son chiffre d’affaires. À cette même période, avec Adrien Boussagol, nous avons réalisé, ensemble, un premier investissement immobilier ; il s’agissait de l’acquisition d’un local en usage d’habitation transformé en un cabinet paramédical.

C’est, au final, de la somme de ces expériences qu’est née l’idée de Prestonn, en mars 2019. L’envie de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale a fait le reste, appuyée par les connaissances dans la création d’entreprise d’Adrien. Nos profils nous sont apparus complémentaires : lui est davantage moteur dans la gestion et le pilotage administratif et financier de l’entreprise, et moi, j’apporte mes connaissances du marché immobilier et mon expertise dans ce domaine. Ma formation théorique en école de commerce m’a également bien aidé, mais le terrain reste à mon sens la meilleure façon d’apprendre. Nous avons également pu profiter des connaissances des entrepreneurs de notre entourage. Ça a été un vrai plus. Cela nous a permis de poser librement nos questions auprès des bonnes personnes qui avaient déjà rencontré des difficultés similaires, lors de la création de leur propre entreprise.

Nous nous sommes vite rendu compte qu’une agence de conseil des professions libérales comme la nôtre n’existait pas. Il y avait déjà des structures offrant des services similaires, mais elles ne s’adressent qu’aux professions médicales, et proposent tant de l’acquisition que de la location. Nous, nous avons choisi d’être généraliste, en nous spécialisant dans l’acquisition de biens.

Le projet a ainsi réellement été lancé en février 2020, juste avant la crise sanitaire ; un coup dur pour nous, car notre première semaine de rendez-vous commerciaux coïncidait avec la première semaine du confinement. Après quelques jours de panique, les clients sont, assez rapidement, revenus vers nous, plus sereins, maintenant leur projet d’acquisition, une idée réfléchie répondant à leur besoin. Cette période de trouble s’est au final avérée positive pour nous, elle a permis de désengorger le marché de la transaction et a ouvert la voie à de nouvelles opportunités. En effet, le chiffre d’affaires de nos clients n’a pas baissé, mais les biens sont actuellement davantage sujets à la négociation, ce qui se traduit, pour nos clients, par une meilleure opération. L’entreprise a bien évolué en un an, et nous avons déjà pu recruter deux personnes.

 

 

 

« L’acquisition d’un local professionnel est très réglementée.

Il y a de nombreux points à prendre en compte, concernant le type de biens, mais aussi sa localité »

 


 

 

Vous dites que les professions libérales sont « délaissée face aux problématiques immobilières liées à leur activité ». C’est-à-dire ?

Sur notre secteur, c’est-à-dire le marché parisien et la première couronne, les professions libérales réglementées se situent fréquemment dans un entre-deux : elles sont trop grandes pour être flexibles et agiles sur le marché de l’immobilier, mais pas assez importantes pour attirer les acteurs de l’immobilier traditionnels, estimant que leurs projets ne sont pas suffisamment rémunérateurs. De cette situation naît une frustration.

Nous avons souhaité nous intéresser aux professions libérales réglementées qui, faute de temps, n’ont pas toujours les moyens de se lancer dans l’acquisition d’un bien immobilier. La gestion de leurs clients et la lourdeur administrative de leur activité ne leur laisse pas le temps de réfléchir à une stratégie immobilière. De plus, à Paris notamment, se lancer dans ce projet demande un certain nombre de connaissances. Nous avons souhaité leur accorder du temps et de l’écoute.

 

L’acquisition d’un bien immobilier apparaît en effet être un vrai casse-tête pour ces professions. Concrètement, à quelles épreuves se heurtent-elles ? À quelles spécificités et réglementations les locaux professionnels répondent-ils ?

L’acquisition d’un local professionnel est très réglementée. Il y a de nombreux points à prendre en compte, concernant le type de biens, mais aussi sa localité. Dans la grande majorité des cas, l’acquisition d’un bien immobilier professionnel concerne les locaux à usage de bureaux ou d’anciens locaux commerciaux (pour les professions libérales, à Paris notamment, il faut toutefois vérifier si ces locaux ne sont pas protégés par un plan local d’urbanisme, qui sert notamment à préserver les commerces).

Les professions libérales réglementées ont cependant la chance de pouvoir se positionner sur une autre typologie de bien : il s’agit du local à usage d’habitation, habituellement réservé aux particuliers (une exception qui vient sans doute du fait que ces professions travaillaient, auparavant, fréquemment de chez elles). C’est typiquement sur ces biens que nous nous positionnons à 90 %.

Cependant, il y a de nombreux points à vérifier : d’abord auprès du règlement de la copropriété, afin de s’assurer qu’il autorise bien l’exercice d’une profession libérale. Il faut ensuite demander l’autorisation de changement d’usage à titre personnel auprès de la Mairie de Paris. Il n’y a pas de restriction particulière pour les locaux en rez-de-chaussée (exception faite du 8e arrondissement limité à 50m2 maximum) et l’installation dans les étages doit répondre à des critères bien précis. En effet, dans les quartiers dits à « prédominance de bureau » (centre de Paris, 16e nord et 17e sud), il est impossible de s’installer en étage, tandis que pour les autres arrondissements/ quartiers, une installation au-delà du RDC peut se faire en respectant un ratio de 50m2 par professionnel et dans la limite de 150m2 maximum. Cette réglementation stricte vise à protéger l’habitat parisien et éviter de faire de la ville une vaste zone de bureaux.

Il n’est donc pas aisé de s’installer où on veut en tant que professionnel libéral, et il s’agit pour cela de parfaitement maîtriser la réglementation. Chez Prestonn, nous sommes très vigilants à cette réglementation, et sommes en contact permanent avec les services de la Mairie de Paris.

 

L’acquisition d’un bien immobilier passe par la recherche, puis la visite du local à la rédaction d’une offre (voir une négociation), en passant par l’obtention du financement. Quels services proposez-vous à vos clients ?

Notre travail commence dès la première rencontre. Le client nous expose ses critères (surface, étage, quartier…). Nous sommes là pour le conseiller et éventuellement lui proposer des solutions. Nous ouvrons son champ de vision et affinons le projet avec lui. Il y a aussi le budget. Nous prenons part au montage du financement, et l’orientons là aussi vers différentes possibilités. Le professionnel libéral est un profil plutôt apprécié des banques, mais reste à les rassurer malgré tout, en prouvant que le chiffre d’affaires de notre client est constant sur plusieurs années. C’est aussi notre travail.

Une fois que les premières bases de la stratégie sont posées, nous signons un mandat. Cette étape est primordiale, car elle permet de définir nos obligations contractuelles respectives et lance officiellement notre collaboration. Va débuter alors la recherche du bien. Nous travaillons avec un large réseau d’agences. Ça va vite car on connaît le process, et nous savons quels critères ne pas négliger. On visite les biens et si cela répond à un bon nombre de critères, nous adressons à notre client un rapport de visite, avec plans et photos.

Nous proposons aussi une estimation potentielle des travaux : notre œil est averti, nous savons comment transformer un appartement en bureau. Nous envoyons également un récapitulatif des frais (comprenant ceux du notaire et nos honoraires, soit un pourcentage entre 2 et 5 % du prix du bien TTC, en fonction de la nature des projets et son ampleur), avec un taux de remboursement d’emprunt estimé mensuellement.

Nous procédons ensuite à la mise en œuvre de toutes les étapes : rédaction de l’offre d’achat (avec négociation), demande du règlement à la copropriété, première relecture des documents…

La prochaine phase concernera la signature d’un compromis de vente, avec une mise en relation avec le notaire du client, ou le nôtre, particulièrement aguerri quant à la réglementation de ce type de projet, à Paris). La majorité de ces tâches se font de façon dématérialisée, offrant plus de souplesse et un gain de temps considérable, aujourd’hui indispensable. Nous assurons enfin la gestion du financement, en lien avec la banque (montage du dossier, production des pièces nécessaires pour favoriser l’obtention du plan, etc.). Enfin, concernant les travaux potentiels, nous adressons au client un projet, avec un budget (négocié) et un rétroplanning fixé pour que le projet soit complet. Notre mission s’arrête le jour de la signature de l’acte authentique.

Pour faire simple, notre objectif est d’optimiser et de sécuriser le projet de A à Z : optimiser en termes de temps et de coût, et sécuriser afin de ne négliger aucune étape, dans le respect de la réglementation en vigueur, qui peut s’avérer parfois subtile et complexe.

 

 

Justement, quels sont les critères à ne pas négliger ?

Lorsqu’on recherche un bien, le quartier, bien sûr, est un critère très important. À Paris, outre les écarts de prix, la réglementation est différente selon les arrondissements. Il faut donc bien se renseigner. En cas d’acquisition d’un bien à usage d’habitation, et notamment lors de partage de bureaux, je conseillerais d’être très vigilent quant au changement d’usage temporaire. Celui-ci est nominatif et incessible : il s’arrête donc quand la personne s’en va. Le nouveau propriétaire devra alors renouveler la demande. Prestonn peut naturellement accompagner les professionnels libéraux dans cette démarche.

 

Quels avantages l’achat d’un local professionnel présente-t-il ?

Les professions libérales sont très prises par leur activité professionnelle, et n’ont pas toujours l’opportunité d’investir. En achetant un local, le professionnel reste dans son environnement, et continue à engager son activité.

Il y a aussi une vision à long terme : ces professions gagnent fréquemment bien leur vie, mais elles doivent cependant préparer leur retraite. Aussi, le jour où un professionnel cesse son activité, être propriétaire d’un bien se présente comme un réel atout. Deux options s’offrent à lui : soit il décide de revendre le bien, et profite ainsi d’un rentrée d’argent, en faisant éventuellement une plus-value (ce qui est fréquemment le cas, car il s’agit d’investissements à long terme) ; soit il conserve son bien et le met en location, bénéficiant alors d’un complément de revenu non négligeable. Il peut également y avoir un intérêt dans le partage des locaux. Cela crée une réelle synergie.

 

 

Qui sont vos principaux clients ?

Nos clients sont principalement des professionnels du secteur médical et paramédical, des avocats et des experts-comptables, qui ont entre 35 et 45ans. Ils sont déjà installés, mais en début de carrière, c’est-à-dire qu’ils ont suffisamment d’expérience pour attester d’une stabilité professionnelle, mais ont déjà éprouvé la frustration de payer un loyer, laquelle a nourri leur envie d’acheter.

 

Quels conseils donneriez-vous à un professionnel libéral qui souhaiterait se lancer dans l’acquisition d’un bien professionnel ?

Je conseillerais en premier lieu d’être extrêmement prudent sur la réglementation (surtout à Paris, et dans les villes de plus de 200 000 habitants, qui connaissent une forte concentration d’activités). Bien que contraignante, cette réglementation est utile, car elle permet de contrôler l’activité, de préserver le logement. Ça évite que nous assistions à l’inactivité d’une « ville morte » le week-end.

Je conseillerais aussi de ne pas sous-estimer le temps que prend un investissement immobilier. Cela demande une bonne organisation, car on est facilement en contact avec une dizaine d’interlocuteurs.

Enfin, mon dernier conseil concerne la recherche du bien en lui-même. Les locaux à usage de bureaux sont souvent plus chers à Paris. Le prix du commerce étant fixé en fonction de son attractivité commerciale. Aussi, il peut s’avérer pertinent d’investir dans un commerce situé dans une rue calme, le prix n’en sera que plus intéressant.

 

 

La crise sanitaire est venue chambouler notre façon de travailler. La stratégie immobilière des entreprises est-elle affectée ?

En effet, avec le déploiement du télétravail, nos modes de travail sont appelés à évoluer. Les entreprises réfractaires au télétravail vont assurément devoir se plier à ces nouvelles méthodes. Toutefois, je n’ai pas de crainte. Le 100 % télétravail n’apparaît pas comme la solution ; outre le problème de productivité parfois constaté, la crise sanitaire a mis en exergue l’importance du lien social au bureau. Il est apparu comme un lieu d’échange. Les locaux professionnels vont évoluer, mais ne vont pas disparaître. Il y aura peut-être des roulements entre les salariés, ou plusieurs locataires pour un même local.

Concernant les professions libérales, le tout numérique n’est pas possible, tant le contact humain est important pour un médecin ou un avocat. À l’heure de la crise de Covid-19, nous constatons l’essor de la téléconsultation, mais cela ne peut pas être le modèle unique. C’est un équilibre à trouver. En quelques mots, comment se porte le marché immobilier? Plus lent à évoluer que le marché boursier, le marché de l’immobilier est toujours à contre-courant. Les process d’acquisition sont en effet assez longs.

Nous constatons cependant beaucoup d’attentisme, tant de la part des acheteurs que des vendeurs. Chacun a peur de vendre ou acheter au mauvais moment, et donc au mauvais prix, ce qui crée une forme d’inertie. Il y a donc peu d’offres actuellement. Malgré tout, les prix à Paris restent très élevés. Les prix affichés restent approximativement les mêmes, mais on note cependant des marges de négociation plus importantes, ce qui permet une plus grande marge de manœuvre. Les taux d’intérêt demeurent quant à eux très bas (et ont vocation à le rester, selon les estimations de la BCE.), cela favorise les transactions immobilières.

Je reste optimiste quant à l’avenir. Les gens continuent à vouloir se lancer dans des projets immobiliers ; la pierre, contrairement à la volatilité en Bourse, et une valeur refuge.

 

 

Enfin, quels sont vos projets à venir ?

Nous avons toujours plein de projets. Nous développons actuellement, dans le prolongement de Prestonn, une agence immobilière qui nous permettrait d’accompagner nos clients également sur la revente de leur bien. Une façon de « boucler la boucle », mais aussi de se constituer un réseau important, qui profiterait aussi à nos clients cherchant à acquérir un bien. Outre Paris et la petite couronne, nous souhaiterions nous étendre en Île-de-France. Enfin, dans 3-4 ans, nous entendons, sur le même modèle, tester notre offre en créant des antennes dans d’autres villes, à savoir Lyon Marseille et Bordeaux. Dans ces grandes villes, les professions libérales rencontrent les mêmes problématiques. Nos services leur seront tout aussi utiles.

 

Propos recueillis par Constance Périn

 

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