Avec
la crise, l’heure est à l’incertitude. Licenciements, ruptures, nouvelles
aspirations professionnelles… l’avenir des salariés est flou. À cela s’ajoute
une méconnaissance de leurs droits. À quoi puis-je m’attendre en cas de
licenciement ? Qu’ai-je à gagner, ou à perdre, si je quitte mon
emploi ? Ma situation me permet-elle d’envisager d’autres projets ?
C’est pour répondre à ces interrogations qu’Alexandra Sabbe-Ferri, fondatrice
du cabinet SAGAN Avocats, a mis en place un outil, Mesindemnites.com, permettant
à chaque salarié de calculer le montant de ses indemnités en quelques clics.
Entretien.
Pour
commencer, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis avocate au barreau de
Paris depuis 2005 et spécialisée en droit du travail. J’adore
mon métier et je suis consternée par la mauvaise presse dont il fait l’objet
auprès de l’essentiel de la population. Mais je le comprends. Le droit est
opaque, complexe et servi dans un jargon incompréhensible. Le résultat est
navrant : salariés et employeurs ignorent, pour près de 80 % d’entre
eux, leurs droits et obligations. J’ai fondé SAGAN Avocats et Mesindemnités.com
pour favoriser l’accès au droit et à l’avocat. Nous nous appuyons sur la
puissance du numérique et des méthodes des solutions digitales. Notre
orientation est à 100 % tournée vers la satisfaction des besoins
des utilisateurs. Ceci pour créer la meilleure des expériences juridiques
possibles et ainsi ramener salariés et employeurs au droit.
Pouvez-vous
nous en dire plus sur Mesindemnites.com ? Quand et comment ce
projet est-il né ?
Lors de la rupture du contrat de
travail, la première question, de part et d’autre, est : combien.
L’employeur s’intéresse au coût pour l’entreprise et aux risques judiciaires.
Le salarié, lui, a besoin de connaître le montant de son solde de tout compte,
de ses allocations Pôle Emploi, de son indemnisation… Traditionnellement, les
juristes évoquent d’abord les questions juridiques liées à la procédure ou aux
motifs de la rupture. Or, ces considérations sont très éloignées des
préoccupations financières des salariés et des employeurs. Je m’en suis rendue
compte dès 2011. J’ai pris le parti de me concentrer sur le besoin de mes
clients en inversant le processus : d’abord le montant des indemnités,
ensuite le droit. J’ai créé Mesindemnités.com en 2017 pour
permettre un plus large accès à cette information. La plateforme répond d’abord
à un critère d’utilité. Les indemnités ne sont pas seulement indiquées en brut,
elles sont déclinées en net salarié (ce que le salarié va avoir dans sa poche)
et en coût employeur (ce que l’employeur va débourser). Elle répond aussi à un
besoin de simplicité. Le formulaire est facile à remplir tout comme la
compréhension des résultats. Je sais par ailleurs que la rupture d’un contrat
de travail est stressante. La crainte de ne pas comprendre le droit applicable,
de se tromper et finalement se faire avoir, génère des angoisses. Notre
interface vise à réduire ce stress dans un cadre confidentiel. Aucune
information ne permet d’identifier le salarié ou la société en question.
« Avec Mesindemnites.com, nous voulons
permettre aux salariés de faire valoir leurs droits via des négociations,
plutôt que par la voie contentieuse. »
À qui
s’adresse cet outil et comment fonctionne-t-il ?
Employeurs, salariés, CSE… notre
but est de favoriser l’accès au droit pour tous. Avec mon cabinet, SAGAN
Avocats, nous assurons la défense et le conseil des employeurs et des salariés.
Il est primordial pour nous d’assister toutes les parties prenantes dans une
relation de travail, pour connaître les points de vue de chacun et ainsi
concevoir les meilleures défenses. Il n’y pas les gentils et les
méchants : tout le monde a le droit au droit. Avec Mesindemnites.com,
c’est pareil. Nous favorisons une meilleure connaissance des deux
« côtés » : les salariés sont informés du coût réel de la
rupture pour l’employeur et les employeurs du montant des allocations chômage
des salariés licenciés. L’outil est aussi utile pour les professionnels du
droit de la rupture du contrat. Nous l’utilisons tous les jours au cabinet,
avec une nette amélioration de notre travail et de la satisfaction de nos
clients. Concrètement, l’utilisateur doit se munir des 12 derniers
bulletins de paie et remplir un questionnaire en 7 étapes, pour
avoir ensuite un accès instantané aux résultats.
Licenciements,
ruptures conventionnelles, indemnités… Vous constatez une certaine
méconnaissance du salarié dans ces domaines. Comment l’expliquez-vous ?
Les règles de droit relatives à
la rupture du contrat de travail sont très nombreuses et complexes. Il est
difficile de les maîtriser sans avoir une solide formation juridique.
L’information disponible sur Internet est pléthorique et sans garantie de
fiabilité. L’état de stress dans lequel se trouvent employeurs et salariés les
empêche, parfois de raisonner de façon posée. Ils ont souvent le sentiment
d’avancer dans le noir et que les précipices sont partout.
Selon vous,
une meilleure connaissance de ses droits, de la part du salarié, permettrait
d’ouvrir plus facilement le dialogue entre les deux parties et d’éviter
certains contentieux. Est-ce aussi l’objectif de Mesindemnites.com ?
Les préjugés
et idées reçues sont tenaces et induisent salariés et employeurs en erreur,
générant des tensions injustifiées entre eux. La rupture du contrat de travail
est par nature dans l’émotion, avec des réactions excessives induites par des
réflexes de défense. Pour les salariés comme pour les employeurs, les enjeux
derrière une rupture de contrat de travail sont importants. Il est donc
primordial d’objectiver et d’avoir des informations concrètes.
Constatez-vous
beaucoup de contentieux dans ce domaine ? Auriez-vous quelques
chiffres ? Les litiges au Conseil de prud’homme sont-ils importants ?
Et quelles en sont les raisons principales ?
En 2019, il y a eu un million de
ruptures de contrats de travail par ruptures conventionnelles (444 000),
licenciements personnels (430 000) ou licenciements économiques (128 000). Le
nombre d’affaires dont ont été saisis les Conseil de prud’hommes ressort à 120 000 en 2018. Ce
sont donc environ 20 % des licenciements qui sont contestés.
Depuis 2016, le nombre de contentieux baisse de façon significative pour deux
raisons : le plafonnement des indemnités par les barèmes qui a réduit
l’enjeu financier des contentieux et une plus grande complexité de la procédure
qui décourage. Il faut aussi prendre en compte la lenteur et les
dysfonctionnements de la justice. Il s’agit ici ni plus ni moins d’un déni de
justice. C’est inacceptable dans un État de droit. Avec Mesindemnites.com, nous
voulons permettre aux salariés de faire valoir leurs droits via des
négociations, plutôt que par la voie contentieuse.
Quels
conseils donneriez-vous à un salarié qui envisagerait de quitter son
emploi ? Comment doit-il procéder ?
Avant toute chose :
s’informer sur le montant de ses indemnités de solde de tout compte, ses
allocations chômage et l’enjeu financier en cas de contentieux. C’est la clé
d’entrée qui permettra de prendre les bonnes décisions. Je conseille aussi de
prendre rendez-vous avec un avocat pour obtenir des premiers conseils qui
pourront se révéler déterminants.
Un
enrichissement de votre outil est en cours de développement. Pouvez-vous nous
en dire plus ?
Notre solution est un « work
in progress » permanent, pour intégrer les retours de nos clients et
répondre toujours mieux à leurs besoins. Nous venons de finaliser une nouvelle
refonte de l’interface pour faciliter encore l’étape du questionnaire, simplifier
les pages du site web et donner toujours plus d’informations juridiques
facilement compréhensibles avec notre tout nouveau blog.
Propos
recueillis par Constance Périn