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(91) En Essonne, une stratégie sur les rails pour rendre l’accompagnement des femmes victimes de violences « plus lisible »

(91) En Essonne, une stratégie sur les rails pour rendre l’accompagnement des femmes victimes de violences « plus lisible »
Publié le 29/09/2024 à 17:21

Le Département et la préfecture tentent de fédérer les différents acteurs concernés afin de mettre en place un parcours simplifié, avec une association de référence sur chaque territoire. Une initiative qui doit notamment profiter au sud du département, peu pourvu en la matière.

Membres d’associations, agents de la fonction publique, professionnels de la santé, de la justice, du social, de l'enfance ou de l'insertion professionnelle… Ils étaient plusieurs centaines à assister au séminaire de rentrée des acteurs de l'Essonne, dédié au repérage et à l'accompagnement des femmes victimes de violences et de leurs enfants, du 17 au 19 septembre. Trois demi-journées sur trois thématiques - avec notamment un zoom sur le lien entre violences conjugales et ruralité - au sein de trois communes (Ris-Orangis, Etampes et Massy), le tout sous la houlette de la préfecture de l’Essonne, du Département, des Allocations Familiales et de l’Agence régionale de santé.

Un format « dense » et « inédit » pour ce rendez-vous annuel traditionnel, explique Alexandre Touzet, vice-président du Conseil départemental de l’Essonne, résultat, dit-il, d’une « volonté partagée, avec la préfecture, de remodeler l’action sur le terrain ». Depuis l’arrivée de la déléguée départementale aux droits des femmes Alice Carpentier, le vice-président se félicite d’être « raccord [avec cette dernière] sur le diagnostic, les méthodes et le projet ». « Ces six dernières années, je n’avais pas de point d’appui, et depuis 10 mois, tout s’est débloqué », se réjouit-il.

Ce diagnostic, c’est d’abord celui, positif, de la profusion d’initiatives en matière d’accompagnement, dans tous les secteurs et de nombreuses collectivités, avec une forte « envie de bien faire ». Mais aujourd’hui, ce foisonnement s’avère « illisible » pour les femmes victimes comme pour les acteurs non spécialisés, et « pas assez efficient en termes de prise en charge », regrette Alexandre Touzet. « Il n’y a pas de parcours véritablement organisé entre les différents acteurs, on se retrouve parfois avec des superpositions d’acteurs sur un même segment d’activité », observe-t-il.

Un numéro unique pour chaque territoire cartographié

Lors du séminaire mi-septembre, les organisateurs ont donc prôné les mérites d’une meilleure organisation et d’un partage des connaissances. Ce qui passe forcément par l’adaptation au territoire, souligne le vice-président. « On a travaillé à une cartographie où sont rassemblées une ou plusieurs communes, pour que chaque territoire, et notamment le grand sud rural qui n’est pas couvert, le soit ». L’idée, à terme, est qu’un projet entre les différents acteurs de chacun de ces territoires (communes, collèges, lycées, réseaux de santé, associations…) voie le jour.  

L’initiative vise surtout le développement des « LEAO », lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation qui proposent une permanence téléphonique à la disposition des femmes victimes de violences conjugales, de leur entourage, et des professionnels, encore trop peu présents sur le territoire essonnien, puisque seules trois communes en bénéficient, dans le nord du département.

Que ce soit en matière de droit, de santé, de ruralité - les trois thématiques phares du séminaire -, Alexandre Touzet émet le vœu que « partout, les femmes et leurs enfants soient orientés ».  La démarche a notamment pour ambition que tous les acteurs se connaissent  et que l’association locale qui s’occupe de chaque LEAO fasse office de premier contact et effectue un « travail de lien » avec les autres structures – celle qui s’occupe du juridique, pour les démarches près des tribunaux ; celle qui s’occupe des droits économiques et sociaux, pour le rapprochement avec la Maison des femmes…

L’objectif est par ailleurs, à moyen terme, d’instaurer un numéro de téléphone unique sur chaque territoire, afin que « toute femme victime puisse avoir, dans les 24h, un contact téléphonique avec une première réponse ». Cette mise en place sera parallèlement accompagnée d’une campagne sous la forme d’affiches placardées sur les abribus, mais aussi de brochures disponibles dans divers lieux d’accueil du public (des mairies aux points d’accès au droit en passant par les gendarmeries ou encore les gymnases), lesquelles pointeront le numéro de l’association de référence sur le territoire. « De cette façon, on veut éviter que celle qui a eu courage de déposer plainte fasse machine arrière », indique Alexandre Touzet.

Eviter « la course à l’échalote »

Derrière l’ambition qu’une association de référence suive une personne tout au long de son cheminement de reconstruction, quitte à la rediriger ensuite vers d’autres structures plus spécialisées, il y a aussi la volonté « que le département soit plus efficient en termes d’utilisation des fonds publics, et que les acteurs cessent d’être en concurrence », admet le vice-président du Conseil départemental.

Car avec cette approche, le Département entend faire en sorte que « chacun ait son couloir de nage ». « En mobilisant les crédits de la CAF, de l’Etat, du département, des mécénats, de façon plus opérationnelle, on évite les doublons, la course à l’échalote sur les appels à projets ».

Une intention qui ne fait pas forcément l’unanimité du côté des principales intéressées – en tout cas, si l’adhésion progresse, le chemin a été long. « Jusqu'à récemment, les acteurs reconnaissaient qu'ils manquaient de moyens pour être partout, mais ils défendaient leur histoire, leur lien à une commune. Et puis il y a aussi le fait que chaque association se trouve dans une politique de développement, a envie de grossir. Les villes souhaitent aussi être visibles, avoir un dispositif sur leur commune, ce qui se comprend », reconnaît Alexandre Touzet.

Comme toute transformation, celle-ci ne se fait donc pas sans résistance au changement. Ce sujet sensible, il a fallu le porter, insiste le vice-président : « C’est là où l’on voit la difficulté à renouveler l’action publique ; à mobiliser, travailler ensemble, sortir des silos. Mais il y a aussi la satisfaction de voir comment on arrive petit à petit à se mettre tous autour d’une table et à construire un projet », nuance-t-il. Bon nombre d’associations présentes au séminaire mi-septembre seront d’ailleurs amenées prochainement à se retrouver au sein de trois laboratoires thématiques, pour travailler de concert.

Vers une conférence des financeurs ?

Alexandre Touzet augure toutefois un « gros travail à faire » pour mener à bien ledit projet. « Autant sur les territoires urbains, les associations sont positionnées, autant sur les territoires au sud, il va falloir se creuser les méninges, car on ne pourra pas avoir le même modèle que dans des villes comme Evry ». Il s’agira d’abord de faire monter en compétence les services publics, les sensibiliser.

En effet, en Essonne, les associations sont nombreuses mais les personnels y sont souvent non formés. « Il faut donc les associer, mais dans un cadre professionnalisant », insiste Alexandre Touzet. Quant au lien entre permanences, le Département et la préfecture envisagent, pourquoi pas, un fonctionnement sous forme de dispositif itinérant, plutôt que dans des locaux fixes.

Se pose enfin la question, et non des moindres, du financement. « L’Etat amène des fonds, le département aussi pour chaque territoire, mais on souhaiterait avoir un modèle qui inclut les communes, les intercommunalités, les acteurs privés, quelque chose qui soit une ‘conférence des financeurs’ », expose le vice-président.

La préfecture et le Département compte ainsi réunir les maires concernés pour recueillir leur point de vue : adhèrent-ils ? Sont-ils prêts à (s’)investir, et avec quel modèle ? « Il s’agira aussi d’étudier s’il est possible d’associer d’autres partenaires à une réflexion en termes de détection des violences faites aux femmes – du côté des transporteurs, des bailleurs ou encore des établissements scolaires ». Une première réunion devrait bientôt se tenir autour de Dourdan, Etampes et Etrechy.

 

Bérengère Margaritelli

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