Le Département et la
préfecture tentent de fédérer les différents acteurs concernés afin de mettre
en place un parcours simplifié, avec une association de référence sur chaque
territoire. Une initiative qui doit notamment profiter au sud du département, peu
pourvu en la matière.
Membres d’associations, agents
de la fonction publique, professionnels de la santé, de la justice, du social,
de l'enfance ou de l'insertion professionnelle… Ils étaient plusieurs centaines
à assister au séminaire de rentrée des acteurs de l'Essonne, dédié au repérage
et à l'accompagnement des femmes victimes de violences et de leurs enfants, du
17 au 19 septembre. Trois demi-journées sur trois thématiques - avec notamment un
zoom sur le lien entre violences conjugales et ruralité - au sein de trois communes
(Ris-Orangis, Etampes et Massy), le tout sous la houlette de la préfecture de l’Essonne,
du Département, des Allocations Familiales et de l’Agence
régionale de santé.
Un
format « dense » et « inédit » pour ce
rendez-vous annuel traditionnel, explique Alexandre Touzet, vice-président du
Conseil départemental de l’Essonne, résultat, dit-il, d’une « volonté
partagée, avec la préfecture, de remodeler l’action sur le terrain ». Depuis
l’arrivée de la déléguée départementale aux droits des femmes Alice Carpentier,
le vice-président se félicite d’être « raccord [avec cette dernière] sur
le diagnostic, les méthodes et le projet ». « Ces six dernières
années, je n’avais pas de point d’appui, et depuis 10 mois, tout s’est débloqué »,
se réjouit-il.
Ce
diagnostic, c’est d’abord celui, positif, de la profusion d’initiatives en
matière d’accompagnement, dans tous les secteurs et de nombreuses collectivités,
avec une forte « envie de bien faire ». Mais aujourd’hui, ce
foisonnement s’avère « illisible » pour les femmes victimes comme
pour les acteurs non spécialisés, et « pas assez efficient en termes de
prise en charge », regrette Alexandre Touzet. « Il n’y a pas de
parcours véritablement organisé entre les différents acteurs, on se retrouve parfois
avec des superpositions d’acteurs sur un même segment d’activité »,
observe-t-il.
Un
numéro unique pour chaque territoire cartographié
Lors
du séminaire mi-septembre, les organisateurs ont donc prôné les mérites d’une
meilleure organisation et d’un partage des connaissances. Ce qui passe
forcément par l’adaptation au territoire, souligne le vice-président. « On
a travaillé à une cartographie où sont rassemblées une ou plusieurs communes,
pour que chaque territoire, et notamment le grand sud rural qui n’est pas couvert,
le soit ». L’idée, à terme, est qu’un projet entre les différents
acteurs de chacun de ces territoires (communes, collèges, lycées, réseaux de
santé, associations…) voie le jour.
L’initiative
vise surtout le développement des « LEAO », lieux d’écoute, d’accueil
et d’orientation qui proposent une permanence téléphonique à la disposition des
femmes victimes de violences conjugales, de leur entourage, et des
professionnels, encore trop peu présents sur le territoire essonnien, puisque
seules trois communes en bénéficient, dans le nord du département.
Que
ce soit en matière de droit, de santé, de ruralité - les trois thématiques
phares du séminaire -, Alexandre Touzet émet le vœu que « partout, les femmes
et leurs enfants soient orientés ». La
démarche a notamment pour ambition que tous les acteurs se connaissent et que l’association locale qui s’occupe de chaque
LEAO fasse office de premier contact et effectue un « travail de lien »
avec les autres structures – celle qui s’occupe du juridique, pour les
démarches près des tribunaux ; celle qui s’occupe des droits économiques
et sociaux, pour le rapprochement avec la Maison des femmes…
L’objectif
est par ailleurs, à moyen terme, d’instaurer un numéro de téléphone unique sur chaque
territoire, afin que « toute femme victime puisse avoir, dans les 24h,
un contact téléphonique avec une première réponse ». Cette mise en
place sera parallèlement accompagnée d’une campagne sous la forme d’affiches placardées
sur les abribus, mais aussi de brochures disponibles dans divers lieux d’accueil
du public (des mairies aux points d’accès au droit en passant par les gendarmeries
ou encore les gymnases), lesquelles pointeront le numéro de l’association de
référence sur le territoire. « De cette façon, on veut éviter que celle
qui a eu courage de déposer plainte fasse machine arrière », indique
Alexandre Touzet.
Eviter
« la course à l’échalote »
Derrière
l’ambition qu’une association de référence suive une personne tout au long de
son cheminement de reconstruction, quitte à la rediriger ensuite vers d’autres
structures plus spécialisées, il y a aussi la volonté « que le
département soit plus efficient en termes d’utilisation des fonds publics, et
que les acteurs cessent d’être en concurrence », admet le
vice-président du Conseil départemental.
Car
avec cette approche, le Département entend faire en sorte que « chacun
ait son couloir de nage ». « En mobilisant les crédits de la
CAF, de l’Etat, du département, des mécénats, de façon plus opérationnelle, on
évite les doublons, la course à l’échalote sur les appels à projets ».
Une
intention qui ne fait pas forcément l’unanimité du côté des principales
intéressées – en tout cas, si l’adhésion progresse, le chemin a été long. « Jusqu'à récemment, les acteurs reconnaissaient qu'ils manquaient de moyens pour être
partout, mais ils défendaient leur histoire, leur lien à une commune. Et puis
il y a aussi le fait que chaque association se trouve dans une politique de
développement, a envie de grossir. Les villes souhaitent aussi être visibles, avoir
un dispositif sur leur commune, ce qui se comprend », reconnaît
Alexandre Touzet.
Comme
toute transformation, celle-ci ne se fait donc pas sans résistance au
changement. Ce sujet sensible, il a fallu le porter, insiste le vice-président :
« C’est là où l’on voit la difficulté à renouveler l’action publique ;
à mobiliser, travailler ensemble, sortir des silos. Mais il y a aussi la
satisfaction de voir comment on arrive petit à petit à se mettre tous autour d’une table
et à construire un projet », nuance-t-il. Bon nombre d’associations
présentes au séminaire mi-septembre seront d’ailleurs amenées prochainement à
se retrouver au sein de trois laboratoires thématiques, pour travailler de
concert.
Vers
une conférence des financeurs ?
Alexandre Touzet augure
toutefois un « gros travail à faire » pour mener à bien ledit
projet. « Autant sur les territoires urbains, les associations sont
positionnées, autant sur les territoires au sud, il va falloir se creuser les
méninges, car on ne pourra pas avoir le même modèle que dans des villes comme Evry ».
Il s’agira d’abord de faire monter en compétence les services publics, les sensibiliser.
En effet, en Essonne, les
associations sont nombreuses mais les personnels y sont souvent non formés. « Il
faut donc les associer, mais dans un cadre professionnalisant »,
insiste Alexandre Touzet. Quant au lien entre permanences, le Département et la
préfecture envisagent, pourquoi pas, un fonctionnement sous forme de dispositif
itinérant, plutôt que dans des locaux fixes.
Se pose enfin la question, et
non des moindres, du financement. « L’Etat amène des fonds, le département
aussi pour chaque territoire, mais on souhaiterait avoir un modèle qui inclut les
communes, les intercommunalités, les acteurs privés, quelque chose qui soit une
‘conférence des financeurs’ », expose le vice-président.
La préfecture et le
Département compte ainsi réunir les maires concernés pour recueillir leur point de vue :
adhèrent-ils ? Sont-ils prêts à (s’)investir, et avec quel modèle ? « Il
s’agira aussi d’étudier s’il est possible d’associer d’autres partenaires à une
réflexion en termes de détection des violences faites aux femmes – du côté des transporteurs,
des bailleurs ou encore des établissements scolaires ». Une première
réunion devrait bientôt se tenir autour de Dourdan, Etampes et Etrechy.
Bérengère
Margaritelli