Le nouveau ministre de la
Justice s’est rendu dans la juridiction dionysienne le jeudi 9 janvier, avec
pour objectif d’échanger avec les magistrats, avocats et personnels de greffe
sur les nombreux défis à venir pour le département.
Dans la continuité de ses
premières visites sur le terrain depuis qu’il est ministre de la Justice,
Gérald Darmanin s’est rendu au tribunal judiciaire de Bobigny, jeudi 9 janvier
2025, comme l’a annoncé le procureur de la République, Éric Mathais,
sur le réseau social LinkedIn. Lors
de ce déplacement, le garde des Sceaux, en poste depuis le 23 décembre 2024, a
échangé avec les magistrats, avocats et personnels de greffe sur des sujets
liés à la justice civile et sociale. Il a également précisé sur X, anciennement
Twitter, avoir abordé les « contentieux du quotidien, dont on parle peu, et
qui sont pourtant essentiels pour protéger les plus vulnérables et réguler les
activités socio-économiques. »
Cependant, cette visite a été
marquée par la présence d’une quinzaine de manifestants du Syndicat des avocats
de France (SAF) scandant : « Moins de blabla, plus d’État de droit.
» Des pancartes qui dénonçaient également ce qui est perçu comme une fusion des
ministères de l’Intérieur et de la Justice. « Le problème de la justice,
c’est son ministre », affichaient-elles encore. Cette critique fait
notamment écho à une polémique survenue en 2021, lorsque Gérald Darmanin était
encore ministre de l’Intérieur : lors d’une manifestation devant
l’Assemblée nationale, certains policiers avaient lancé que « le problème de
la police, c’est la justice. »
Un appel aux avis pour simplifier
les procédures
Lors de sa visite longue de
trois heures, Gérald Darmanin a annoncé son intention de solliciter l’ensemble
des personnels de la Justice dans le but de recueillir des propositions visant
à simplifier les procédures, les réglementations et la législation, afin de
rendre le système judiciaire plus efficace. Le ministre a précisé qu'il
écrirait personnellement, dans un mois, à tous les acteurs de la Justice –
magistrats, greffiers, auxiliaires de justice, agents de la protection
judiciaire de la jeunesse (PJJ) et agents pénitentiaires.
« Aucun ministre de la
Justice ne l’a fait avant : je vais écrire à [tous] individuellement pour leur
demander ce qu’il faudrait changer, de manière très pragmatique, pour améliorer
leur quotidien et leur métier », a-t-il notamment expliqué à une
journaliste de l’AFP.
Des « défis colossaux »
De son côté, le procureur de
la République a souligné les « défis colossaux » inhérents au
département de la Seine-Saint-Denis, évoquant une population dense, une
criminalité élevée et une économie souterraine, mais sans oublier de souligner
la solidarité et le dynamisme de ce territoire. Éric Mathais a également vanté
l’efficience de la justice à Bobigny, qui optimise les moyens disponibles pour
répondre aux « attentes considérables ».
Pour illustrer ses propos, le
magistrat a rappelé le montant des saisies en 2023 : 12,2 millions d’euros,
grâce à des dispositifs de lutte contre l’économie souterraine. Éric Mathais a
également mentionné les 161 000 euros versés à SOS Victimes 93 depuis le début
de l’année 2023, issus des contributions citoyennes dans le cadre de décisions
judiciaires. Enfin, le procureur a indiqué que le tribunal avait également
multiplié les audiences correctionnelles et d’assises pour traiter des dossiers
complexes, notamment durant les Jeux olympiques de Paris 2024, une période cruciale
pour la région.
Les affaires civiles, souvent
éclipsées par le pénal
Autre point abordé lors de la
rencontre : la division des affaires civiles du parquet, que celui qui a
présidé la Conférence nationale des procureurs de France considère comme «
un rouage méconnu » mais néanmoins essentiel. « Cela a permis de mettre
en lumière un domaine souvent éclipsé par le pénal », a-t-il précisé, faisant
référence aux affaires civiles.
Bien que sous-dotée en
effectifs, cette division remplit des « missions cruciales »,
notamment en matière d’état civil, où le parquet intervient sur des
problématiques sensibles, comme les déclarations tardives de naissance, « ces
retards, en privant des enfants d’existence juridique, nécessitent des
décisions rapides ».
Le procureur a également abordé
le rôle du parquet dans la lutte contre les fraudes, qu’il s’agisse des
mariages de complaisance, des reconnaissances frauduleuses de paternité souvent
utilisées à des fins migratoires, ou encore de la détection de faux documents
d’identité ou d’état civil. Des dossiers qui impliquent une « coopération
étroite avec les mairies, la police et la préfecture ».
S’agissant des affaires
familiales, le parquet intervient sur des sujets comme les délégations
d’autorité parentale, parfois utilisées pour contourner des procédures
migratoires, ou les retraits d’autorité parentale, toujours décidés dans « l’intérêt
supérieur de l’enfant ».
Selon le procureur, toutes
les interventions mènent à un même constat : « Chaque renfort humain ou
matériel accordé à la justice à Bobigny permet des avancées immédiates et
concrètes. » Qu’il s’agisse de réguler l’état civil ou de protéger les
mineurs, le magistrat estime que la justice en Seine-Saint-Denis est « au
cœur du pacte social ».
Enfin, Éric Mathais a
renouvelé ses propos sur l’importance du déplacement de Gérald Darmanin :
« Cette visite [du ministre] témoigne de la nécessité de doter ce territoire
extraordinaire des moyens adéquats pour répondre aux attentes de ses environ 2
millions d’habitants. »
Romain Tardino