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116e Congrès des notaires : présentation des propositions - Protéger, les vulnérables, les proches, le logement, les droits

116e Congrès des notaires : présentation des propositions - Protéger, les vulnérables, les proches, le logement, les droits
Publié le 30/09/2020 à 10:53

Le 24 septembre dernier, Maîtres Jean-Pierre Prohaszka, président du 116e Congrès des notaires, et Gilles Bonnet, rapporteur général, ont présenté à la presse les propositions et recommandations de la profession afin d’améliorer le droit et la pratique professionnelle en matière de protection (sujet général du prochain congrès des notaires). Des propositions qui seront débattues et soumises au vote des notaires de France du 8 au 10 octobre lors du 116e Congrès, avant d’être remises aux pouvoirs publics.


La crise sanitaire de la Covid-19 a quelque peu réorienté les travaux de l’équipe en charge de la préparation du 116e Congrès des notaires, même si le thème de la protection a été choisi bien avant l’épidémie, les réflexions sur ce sujet ayant été engagées il y a deux ans. La crise a en effet rappelé avec force que la protection était l’une des principales demandes des Français et qu’elle était au cœur des préoccupations de chacun. Qui ne se sent pas concerné par le besoin de protéger ses proches, comme ses biens, ses droits ? Qui n’est pas confronté à la question de la vulnérabilité ?


« Lorsque nous avons démarré nos travaux il y a deux ans près de Genève, nous n’imaginions pas qu’un évènement planétaire pouvait lui donner une telle acuité » peut-on ainsi entendre Jean-Pierre Prohaszka, président du 116e Congrès dans un discours enregistré sur le site de l’évènement.


« La notion de protection est souvent une question d’équilibre. Donner plus de protection à l’un revient souvent à en enlever à l’autre. Il faut donc trouver le juste milieu qui protégera toutes les parties et qui, pour ce faire, assurera d’une part l’équilibre du contrat et d’autre part sa fiabilité. Dans ce contexte et à cet effet, le rôle que jouera le notaire sera déterminant » précise également l’équipe du 116e Congrès sur ce même site.


Le notariat, une profession qui reçoit plus de 20 millions de clients chaque année, a donc décidé de faire entendre sa voix et de formuler des propositions d’amélioration de la loi. Celles-ci seront débattues et soumises aux votes de tous les professionnels à l’occasion de cette grand-messe de la profession. Elles sont organisées en quatre thèmes – qui correspondent aux quatre commissions de cette grande manifestation de la profession : protéger les personnes vulnérables ; protéger les proches ; protéger le logement, l’habitat et le cadre de vie ; protéger les droits.


Face à la crise, cependant, les notaires ont dû s’adapter. Ils ont décidé de maintenir « physiquement » leur congrès. « Nous apportons des réponses à des sujets d’actualité » a souligné Gilles Bonnet, rapporteur général, à l’occasion de la conférence de presse présentant le futur congrès. Ils ont également voulu bâtir « un nouveau congrès autour d’incroyables innovations technologiques ». Les formations qui se dérouleront pendant l’événement seront entièrement retransmises : « une e-inscription permettra en effet aux notaires qui ne pourraient pas venir d’assister à ces formations, à des débats et de voter les propositions » a-t-il précisé.


Jean-Pierre Prohaszka et Gilles Bonnet ont ensuite détaillé, les différentes propositions de la profession1.


Gilles Bonnet et Jean-Pierre Prohaszka




PREMIÈRE COMMISSION : PROTÉGER LES PERSONNES VULNÉRABLES


Améliorer le régime d’administration légale des biens du mineur

Selon les notaires, le droit actuel présente des lacunes pour protéger le mineur associé d’une société civile. Il existe en effet un paradoxe entre la rigidité des règles de l’administration légale et de la tutelle destinées à le protéger, et la facilité avec laquelle la société civile permet de l’exposer à des risques financiers. Le mineur n’est pas exonéré de cette responsabilité. Il répond des dettes de la société comme n’importe quel autre associé. Pour rappel, plus de 100 000 sociétés civiles sont constituées chaque année, et il est donc de plus en plus fréquent d’être confronté à un mineur associé.


Les notaires proposent donc que tout acte de disposition modifiant la composition du patrimoine du mineur ou la nature de ses droits patrimoniaux soit soumis à l’autorisation préalable du juge des tutelles.

 


Redynamiser le mandat de protection future avec plusieurs évolutions

Le mandat de protection future, créé en 2007, permet à chacun (personnes âgées ou non, dirigeants d’entreprises…) dont les facultés physiques et intellectuelles ne sont pas altérées, d’anticiper les risques liés à une perte d’autonomie. Il s’agit d’un outil utile et rassurant qui permet au mandant d'organiser sa propre vulnérabilité tout en conservant indirectement le contrôle sur la gestion de son patrimoine et, le cas échéant, sur les actes relatifs à sa personne. Il est cependant encore trop peu utilisé (moins de 1 % des mesures de protections juridiques en cours), pour diverses raisons : la personne redoute de projeter sa propre fin de vie, le chef d’entreprise hésite à anticiper la future gouvernance au-delà de lui-même. La pratique notariale en fait également une application prudente et parcimonieuse. Les notaires proposent donc :


d’élargir le mandat de protection future à l’assistance avec la création d’un mandat d’assistance inspiré de ce qui est prévu en matière d’habilitation familiale ;


faire du mandat de protection future une mesure restrictive de droits : « le mandat de protection future, une fois mis en œuvre, ne fait pas perdre au mandant sa capacité juridique. Cependant, l’on perçoit difficilement comment une personne dont les facultés sont altérées au point de devoir activer le mandat de protection future, puisse continuer à agir dans tous les actes de la vie civile, et notamment continuer à passer des actes graves sur son patrimoine » ;


permettre la vente du logement sans autorisation du juge dans le cadre du mandat de protection future : « pourquoi ne pas permettre l’opération de vente, dans l’intérêt bien compris du majeur protégé (dont la vente du logement peut être indispensable pour lui permettre de financer son intégration dans un établissement spécialisé) et dans le respect de la justesse du prix de vente et de la réaffectation des fonds dans l’intérêt de la personne vulnérable ? »


Ainsi, précisent les notaires, à condition que le mandat le prévoie expressément, les actes de dis-position relatifs au « logement de la personne protégée et [des] meubles dont il est garni » pourraient être passés par le mandataire, sous réserve qu’il obtienne, au préalable, l’accord d’un subrogé mandataire.



Prévoir et légaliser un dispositif pour le notaire confronté à ce que l’on nomme la « zone grise »


Certains individus, sans qu’ils puissent être juridiquement qualifiés d’incapables, commencent à perdre leurs facultés. Cet état présente un risque, car ils ne sont pas encadrés par les textes et cela contribue à créer une incertitude et un risque tant pour la personne concernée que pour les tiers qui contractent avec cette dernière. « Une fois les troubles repérés, il est nécessaire de mesurer leur étendue et donc leur impact sur la capacité de la personne à effectuer l’acte de manière éclairée et libre. Il n’entre pas dans les champs de compétences du notaire de poser des diagnostics. Faire passer des tests cognitifs, même simples, requiert des compétences spécifiques ; c’est pourquoi seuls les professionnels de santé y sont habilités. Lorsqu’il a des doutes sur la capacité de discernement de son client, il appartient donc au notaire de solliciter un certificat médical. À notre sens, ce mode opératoire doit être affirmé, généralisé, légalisé » préconisent les notaires.


 


Limiter la responsabilité des associés mineurs d’une société civile aux apports


Dans une société civile immobilière, la responsabilité des associés est illimitée. Le mineur ne fait pas exception, il répond des dettes de la société comme n’importe quel autre associé. Le mineur associé, de manière subie ou choisie, ne bénéficie d’aucune protection. Les notaires souhaitent donc limiter, dans la société civile, la responsabilité des associés mineurs au montant de leurs droits dans la société.

DEUXIÈME COMMISSION : PROTÉGER LES PROCHES


Protéger le partenaire pacsé survivant dans son logement

Seuls les partenaires et les époux, par la conclusion du contrat de PACS et par le mariage, ont choisi d’être soumis à un régime juridique spécifique par une « démarche » particulière. Il apparaît pour les notaires tout aussi essentiel que les partenaires puissent protéger le survivant en lui laissant un toit jusqu’à la fin de ses jours. Aujourd’hui, la loi ne garantit pas cette possibilité lorsqu’il y a des enfants.


L’équipe du Congrès propose ainsi de permettre aux partenaires d’assurer au survivant d’entre eux la possibilité, dans certaines conditions, de rester dans le logement avec le mobilier qui s’y trouvera, gratuitement, jusqu’à la fin de ses jours, et même si ce droit a une valeur qui dépasse la quotité disponible.


 

Restaurer la protection de l’époux professionnel dans le régime matrimonial de la participation aux acquêts

Le régime matrimonial de la participation aux acquêts est un régime hybride fonctionnant comme un régime de séparation durant le mariage, puis opère une répartition des richesses comme un régime communautaire lors de la dissolution par décès ou divorce. Un divorce anéantit actuelle-ment toute clause d’exclusion des biens professionnels et de plafonnement de la créance de participation. Ces clauses sont pourtant de nature à renforcer la protection de l’entreprise contre les aléas de la vie conjugale de son dirigeant. L’inefficacité de ces clauses oriente ainsi davantage les époux vers un régime de séparation pure et simple, ce qui prive le conjoint de tout partage des richesses accumulées durant le mariage.


Les notaires proposent donc de réduire les effets du divorce sur les stipulations du contrat de mariage.



Adaptation contractuelle de la réserve héréditaire

Avec cette mesure, les notaires souhaitent protéger le donateur contre une renonciation par l’un de ses enfants à sa succession, lorsqu’il a reçu une donation de son vivant, afin de préserver sa quotité disponible ; éviter les conflits entre les enfants ayant reçu des lots de valeur différente dans une donation-partage ; et trouver un équilibre entre la liberté du parent donateur, et la protection des enfants héritiers. Ces derniers proposent par conséquent d’éclaircir les modalités de liquidation de la succession en présence d’une donation-partage ; d’anticiper la renonciation du donataire ; de créer un pacte familial de transmission.


 


TROISIÈME COMMISSION : PROTÉGER LE LOGEMENT, L’HABITAT ET LE CADRE DE VIE


Créer un congé pour rénovation thermique

64 % des bailleurs privés sont propriétaires d’un seul logement, et 20 % de deux. Or, le parc locatif est le plus énergivore. Quant aux logements les plus énergivores, ils sont le plus souvent occupés par les locataires les plus modestes, et génèrent des charges importantes pour l’occupant. Afin d’effectuer les travaux de rénovation, il convient en premier lieu de libérer le logement. Pour cela, le bailleur doit donner congé à son locataire, mettant ainsi fin au bail. À l’heure actuelle, un congé ne peut être délivré par le bailleur que dans les hypothèses suivantes : en cas de vente, ce qui ne permet pas au propriétaire de faire les travaux pour relouer le logement ; en cas de reprise, afin de permettre au bailleur ou à ses proches parents d’habiter personnellement le logement, ce qui fait sortir le logement du parc locatif ; pour motif légitime et sérieux (la nécessité de faire des travaux de rénovation n’entre pas automatiquement dans ce champ).


Les notaires souhaitent créer un congé pour rénovation thermique afin de rénover les habitations, lutter contre le mal-logement et revitaliser les centres-ville.


 


Encourager la mobilité du parc locatif privé en faveur de la rénovation des logements

Alors que la France manque de logements, le nombre de locaux vacants augmente chaque année. La raison première de la vacance d’un logement est la nécessité de faire des travaux de rénovation, permettant de le rendre conforme aux normes de décence. Parmi ces normes se trouvent des critères de performance énergétique qui ne cessent de se renforcer. La majorité du parc locatif privé est détenu par des propriétaires ne trouvant pas les motivations pour réaliser les travaux de rénovation.


Les notaires souhaitent que l’on crée un dispositif fiscal de transmission favorisant les travaux de rénovation des biens destinés à la location.


 


Protéger la résidence principale des entrepreneurs associés des sociétés professionnelles et modifier la publicité de la déclaration d’insaisissabilité

L’équipe du congrès souhaite pouvoir garantir à tout entrepreneur, quelle que soit la forme au sein de laquelle il exerce son activité professionnelle, la protection de sa résidence principale par la généralisation de son insaisissabilité à l’égard des créanciers professionnels, ainsi que simplifier la publicité des déclarations volontaires d’insaisissabilité pour en assurer l’efficacité. Cela serait possible en :


modifiant l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation pour y inclure une présomption de destination d’habitation ;


modifiant l’article L. 631-7-1 du Code de la construction et de l’habitation pour permettre une constatation de l’usage de fait d’un local durant 30 ans.


 


Donner aux villes le moyen de préserver leur parc locatif destiné à l’habitation principale

La location meublée touristique du type Airbnb se développe. Ce nouveau mode d’exploitation des logements conduit à des nuisances de voisinage, affaiblit l’activité traditionnelle de l’hôtellerie et supprime certains commerces de centres-ville qui se transforment en locaux destinés à de la location de meublés touristiques. Le développement de cette activité réduit corrélativement l’offre de logement destinée à l’habitation principale. Dans un souci de donner aux villes le moyen de préserver leur parc locatif destiné à l’habitation principale, et de permettre aux villes et à toutes personnes y ayant intérêt (syndicat des copropriétaires par exemple) de faire constater les infractions la législation, les notaires proposent donc de :


modifier l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation pour y inclure une présomption de destination d’habitation ;


modifier l’article L. 631-7-1 du Code de la construction et de l’habitation pour permettre une constatation de l’usage de fait d’un local durant trente ans. Aujourd’hui en effet, un logement peut être exploité en location meublée touristique en sollicitant une autorisation de changement d’usage. En l’absence d’autorisation, et pour s’assurer qu’un logement n’est pas exploité en location meublée touristique en contravention de la législation, il est imposé aux villes d’apporter la preuve de l’usage d’un local au 1er janvier 1970 pour faire cesser une activité non autorisée. Le contrôle de l’exploitation des logements est ainsi rendu difficile par la nécessité pour les villes de justifier d’un usage de fait remontant à plus de 50 ans.


 





QUATRIÈME COMMISSION : PROTÉGER LES DROITS


Protéger la reconnaissance et les effets du divorce par consentement mutuel à l’international avec un dépôt « authentifiant » de la convention de divorce

En 2018, en France, 50 000 divorces ont été constatés au moyen de la nouvelle procédure sans juge. 30 % d’entre eux concernent des couples expatriés. Les règlements européens dotent l’acte authentique de la même force exécutoire que les « décisions », facilitant sa reconnaissance et son exécution. Tous les pays ayant instauré un divorce sans juge ont exigé que celui-ci le soit par acte authentique. Or, dans l’Hexagone, le dépôt par le notaire de la convention de divorce ne confère pas à celle-ci la qualité d’acte authentique. L’époux créancier d’une prestation compensatoire ne bénéficie pas des atouts de l’acte authentique pour demander l’exécution du paiement, et cette forme d’acte n’assure pas une reconnaissance à l’étranger du divorce. Les notaires souhaitent par conséquent que l’on confère aux conventions de divorce la même force que tout acte authentique, afin d’en assurer l’exécution et la reconnaissance à l’étranger.


 



Diagnostics immobiliers : rendre plus lisibles les conclusions de préconisation de travaux et le chiffrage des coûts

Les notaires souhaitent rendre plus lisibles les diagnostics immobiliers et permettre à un candidat acquéreur, à ses frais, d’imposer au vendeur qu’il donne accès à sa propriété afin que soit réalisée une étude chiffrée des travaux à réaliser.

 


Protéger les irrégularités du formalisme de la loi ALUR par le formalisme de l’authenticité


La loi ALUR impose de fournir à un acquéreur de très nombreux documents, parfois sans lien avec le local. Il s’agit de permettre à un acquéreur de renoncer à ce qu’il lui soit délivré certains documents, s’il juge, en toute connaissance de cause, qu’ils ne lui sont pas utiles.

 


Aménager le délai de prescription en cas de succession et suppression de l’exigibilité du droit de partage au cas d’incorporation

Il s’agit de protéger le contribuable en lui assurant un point de départ effectif du délai de prescription fiscale et d’encourager également la réincorporation des donations antérieures aux donations-partages.

Pour finir, Jean-Pierre Prohaszka et Gilles Bonnet ont tenu à remercier tous ceux qui relaient leurs propositions, notamment les journalistes : « vous avez compris que notre thème a une dimension sociétale très importante, et vous êtes notre relai à l’égard de la population, des juristes… pour que nos propositions soient portées vers l’extérieur ».



 


 


 


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