Initialement prévu du 4 au 6 juin 2020, le Congrès des
Notaires aura lieu début octobre au Palais des Congrès de Paris. La troisième
commission du 11e Congrès, sous la direction de Bruno Pavy,
intitulée « Protéger le logement l’habitat et le cadre de vie » nous
livre en avant-première une réflexion sur la publicité de l’état de
surendettement et ses limites.
La législation sur le surendettement des particuliers prévoit à l’article
L. 761-2 du Code de la consommation : « Tout
acte ou tout paiement effectué en violation des articles L. 721-2, L. 722-2, L.
722-3, L. 722-4, L. 722-5, L. 722-12, L. 722-13, L. 722-14, L. 722-16, L.
724-4, L. 732-2, L. 733-1 et L. 733-4 peut être annulé par le juge du tribunal
d’instance, à la demande de la commission, présentée pendant le délai d’un an à
compter de l’acte ou du paiement de la créance. »
Compte tenu de ce risque d’annulation, la connaissance de cet état de
surendettement est très importante pour les professionnels, et spécialement
pour les notaires. À cet effet, la réglementation prévoit une publicité qui
diffère selon l’avancement de la procédure de surendettement.
Nous distinguerons la publicité de l’état de surendettement avant la
décision de recevabilité de la demande par la commission de surendettement (§
I) et la publicité après la décision de recevabilité de cette demande (§ II).
I. Avant la décision de recevabilité de la demande par
la commission de surendettement
Pendant les trois mois compris entre la saisine de la commission et la
notification de la recevabilité de la demande, l’information des tiers est
limitée à une publicité réservée à certains professionnels, et même couverte
par le secret professionnel.
La publicité de la saisine. L’article L. 752-2 du Code de la consommation
prévoit que « dès qu’une commission de surendettement des particuliers est
saisie par un débiteur, elle en informe la Banque de France aux fins
d’inscription au fichier ». Il s’agit du Fichier des incidents de remboursement
des crédits aux particuliers (FICP), créé par un arrêté du 26 octobre 2010, sur
lequel les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux
personnes physiques pour des besoins non professionnels sont maintenus pendant
toute la durée de la procédure, sans pouvoir excéder sept ans.
Le notaire qui souhaite connaître la situation de son client, n’ayant pas
accès au FICP, n’a pas d’autre choix que d’interroger celui-ci et de lui faire
déclarer, comme il est d’usage dans les Déclarations générales qui figurent
habituellement en fin d’acte, « qu’il ne
fait pas et n’est pas susceptible de faire l’objet d’un dispositif de
traitement du surendettement des particuliers ».
L’article 15 de l’arrêté susvisé a été modifié par l’ordonnance du 14 mars
20161, laquelle a prévu un droit d’accès par toute personne qui souhaite
connaître les informations recensées à son nom. La Banque de France a alors
l’obligation de communiquer au demandeur, sur présentation d’une copie de sa
pièce d’identité, les informations recensées à son nom. Cette pratique est
rapide et semble très répandue sans que les services de la Banque de France ne
sachent pourquoi et à quelle occasion les particuliers procèdent à cette
demande2. Dès lors, peut-on envisager qu’un notaire demande à son
client de lui présenter une copie de la réponse de la Banque de France à la
demande de situation ? Rien ne semble l’interdire.
Le secret professionnel. Pour faire face à ce manque de publicité, un
auteur3 s’est interrogé sur la possibilité pour le notaire de
contacter directement la commission de surendettement. Il précise « qu’une telle entreprise s’avèrera le plus
souvent inutile. En effet, cette institution s’estime généralement astreinte à
un secret vis-à-vis du notaire chargé d’actes ayant une incidence importante
sur le patrimoine du débiteur. » D’autant que les membres de la commission
de surendettement et les personnes qui participent à ses travaux sont tenus de
ne pas divulguer à des tiers les renseignements dont ils ont eu connaissance,
sous peine des sanctions prévues à l’article 226-13 Code pénal, en cas de
violation du secret professionnel. La loi du 17 mars 20144 prévoyait
la constitution d’un registre national des crédits aux particuliers, qui devait
permettre de contribuer à prévenir le surendettement. La mesure a été censurée
par le Conseil constitutionnel, lequel a estimé « qu’eu égard à la nature des
données enregistrées, à l’ampleur du traitement, à la fréquence de son
utilisation, au grand nombre de personnes susceptibles d’y avoir accès et à
l’insuffisance des garanties relatives à l’accès au registre, les dispositions
contestées portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne
peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi »5.
II. Après la décision de recevabilité de la demande par la commission de
surendettement
Une fois la procédure initiée, la publicité de la situation du
surendettement fait l’objet d’une inscription au Fichier national des incidents
de paiement (FNIP) et dans certaines hypothèses au BODACC.
L’inscription au Fichier National des Incidents de remboursements des
crédits aux Particuliers (FICP). Comme il a été précisé ci-dessus, l’article L.
752-2 du Code de la consommation prévoit que la commission de surendettement
des particuliers procède à une inscription au Fichier des incidents de
remboursement des crédits aux particuliers. Toutefois, l’accès à ce fichier est
des plus limité puisque seuls les établissements de crédits peuvent le
consulter. L’article 2 de l’arrêté du 26 octobre 2010 précise que les
informations figurant dans le FICP sont réservées à l’usage exclusif des
établissements et organismes mentionnés à l’article 1er qui ne peuvent
consulter ce fichier à d’autres fins que celles liées à l’octroi d’un crédit.
Le notaire en charge de la vente d’un bien immobilier, de la constatation
d’un prêt ou d’une donation n’aura pas accès à ce fichier malgré le risque de
nullité que fait peser l’article L. 761-2 du Code de la consommation.
L’inscription au BODACC. L’autre mesure de publicité prévue par la
législation sur le surendettement est la publication au Bulletin officiel des
annonces civiles et commerciales6.
Toutefois, cette publication n’existe que dans les hypothèses de
rétablissement personnel.
Il peut s’agir d’un rétablissement personnel sans liquidation au cas où les
mesures de redressement ne permettent pas de rétablir la situation
d’endettement du débiteur. La publication de l’avis de la commission est alors
prévue par l’article R. 741-3 du Code de la consommation.
Il peut s’agir d’un rétablissement personnel avec liquidation judiciaire si
le patrimoine du débiteur est composé de biens dont la vente peut couvrir le
remboursement d’au moins une partie des dettes. La publication de l’avis est
alors prévue par l’article R. 742-9 du même Code.
Plus délicate est celle du plan conventionnel visé à l’article L. 732-1.
Certes, durant toute la durée d’exécution de ce plan qui, dans l’hypothèse d’un
prêt ayant servi à financer l’habitation principale, peut avoir une durée bien
supérieure à sept années7, le débiteur conserve sa capacité. Il
n’est ni assisté, ni représenté, ni dessaisi de l’administration de ses biens
et seuls les actes et paiements effectués en violation de ses obligations
peuvent être annulés par le juge d’instance à la demande de la commission,
présentée pendant le délai d’un an à compter de l’acte ou du paiement de la
créance8, mais aucune publication au BODACC n’est prévue par cette
législation protectrice.
Conclusion : On peut lire que9 « S’il a connaissance du dépôt d’un dossier auprès de la commission de
surendettement, le notaire chargé de recevoir un acte de disposition ou de prêt
doit rester vigilant. Il est recommandé de solliciter, selon la phase de la
procédure, les autorisations prescrites par les textes. Si le débiteur est
condamné pour aggravation frauduleuse de son insolvabilité, le notaire pourrait
être considéré comme complice. » À ce jour, en l’absence de registre et de
publicité de cet état de surendettement, il paraît difficile de retenir la
responsabilité du rédacteur de l’acte. La décision rendue par la Cour de cassation
le 1er novembre 201810, en matière de liquidation
judiciaire, précisant que le notaire n’était pas tenu de procéder à d’autres
recherches que celles consistant en la consultation des publications légales,
va dans ce sens.
1) Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
2) Entretien avec Jean-Benoît Dubois, directeur
départemental de La Banque de France de Seine-et-Marne.
3) Reverdy Pierre-Marie, Le notaire face au
surendettement d’un client, Defrénois n° 21, 5 octobre 2017, Pratique p. 15.
4) La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la
consommation.
5) Cons. const. 13 mars 2014, n° 2014-690 DC : JO 18 mars
2014.
6) Cazajus Myriam, La recherche d’informations et le
BODACC, Defrénois 15 nov. 2018 p. 17.
7) C. Consommation., art. L. 733-3.
8) C. Consommation., art. L. 761-2 précité.
9) JCL. Notarial Formulaire, Fasc. 20, Surendettement des
particuliers, n° 119 par D. Montoux, Jurisclasseurs Notarial Formulaire
surendettement des particuliers, Fasc : 10 n° 119.
10) Cass. 1re civ., 28 nov. 2018, n° 17-31144.
Notaires : Google est votre ami ! par Myriam Cazajus Defrénois 24 janv. 2019 p.
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