Thierry
Delesalle, notaire à Paris, préside le 118e congrès des
notaires de France. Jeudi 16 mai, il en a présenté les caractéristiques au
Conseil supérieur du notariat en compagnie d’Alexandre Thurel, notaire à Lyon,
rapporteur général du congrès, et des trois présidents de commission :
Olivier Valard, notaire à Paris, Frédéric Aumont, notaire à Lyon, et Sébastien
Collet, notaire à Laval. La profession se réunira du 12 au 14 octobre à
Marseille, ville en capacité de répondre à la forte affluence pressentie suite
aux frustrations laissées par la crise de la Covid.
Partant
du constat que le notaire anticipe, conseille et pacifie, l’équipe du congrès a
dressé la liste des problèmes qui jalonnent l’ingénierie notariale dans son
périmètre courant d’intervention. Ce travail a abouti à la création évidente de
trois commissions : immobilier ; entreprise et famille. En rédigeant
des actes qui épousent les particularités des clients, le notariat crée du
droit depuis le Moyen Âge. Aujourd’hui, l’ordre public laisse un espace de
liberté plus restreint, mais le congrès formulera malgré tout des propositions
« assez musclées » selon Thierry Delesalle.
Cette
année, un effort a spécialement été porté sur la formation pour ouvrir des
voies d’amélioration à toute la profession, mais aussi à celle d’avocat,
d’expert-comptable, de banquier, etc. 19 heures seront accessibles pendant l’événement
et ensuite, en diffusion numérique à la demande, pendant un an. Le rapport (1 477 pages), prévu pour juillet prochain, se focalise sur les
risques de contentieux, de mésentente, de friction dans les échanges entre
membres d’une famille, associés d’une société et entre les parties d’une
transaction immobilière. Riche de cas pratiques, il fournit des outils pour les
affaires d’une étude.
Dossier Immobilier, commission I
S’agissant de l’ingénierie notariale en matière
d’immobilier, le rapport couvre beaucoup de sujets. Olivier Valard, président
de la première commission, en dévoile trois importants : la préparation du
contrat, le contrat en lui-même, et la fonction environnementale du bien. Au
cours de la préparation, il est impératif d’anticiper les besoins, les
objectifs. Cela passe par la collecte rapide et exhaustive d’informations
pertinentes recueillies grâce au questionnaire remis au vendeur et à l’acquéreur. Il faut également détailler
au client la législation à la complexité croissante et ses répercussions dans
les actes toujours plus volumineux. Le maillage territorial du notariat et son
contact récurrent avec les particuliers en font habituellement le premier
vecteur d’enseignement du droit dans les foyers. Il lui revient d’expliquer les
enjeux civils et fiscaux, les questions liées à la modification ou à la
transmission de patrimoine, et les particularités de l’extranéité. Un des
objectifs est de rendre les actes de vente plus lisibles, plus efficaces, plus
rapides. Délais, contraintes, documentation obligatoire, aversion croissante
aux aléas, la réalisation d’une vente immobilière ne va pas vraiment vers la
simplification. Pour accélérer le processus, la commission propose d’insister
sur les obligations conditionnelles (conditions suspensives et résolutoires)
insuffisamment exploitées alors qu’elles permettent de régulariser et de
reporter dans le temps un acte sans danger pour le client. Dans le même
dessein, un projet de simplification des actes est formulé. Par ailleurs, les
obligations (vice caché, trouble du voisinage, conformité…) en lien avec le
contrat de vente d’un immeuble achevé ou à construire occupent une place
prépondérante. Les ventes en l’état futur d’achèvement en secteur libre ou
protégé suscitent toujours des débats dans lesquels le 118e congrès
souhaite intervenir concernant la sécurisation des opérations notamment en cas
de retard. Par ailleurs, la qualité des parties au contrat de vente requiert un
traitement harmonisé en fonction de leurs définitions. Il s’agit donc de
rédiger ces définitions quand elles n’existent pas. Enfin, le consensus –
l’accord sur la chose et sur le prix, indépendamment de la formalisation de
l’accord – en matière de vente d’immeuble, n’est pas dénué de danger. Peu
connu, mal dominé, il justifie des adaptations de pratique. Quant à la fonction
environnementale du bien, l’immeuble devient un élément majeur de la transition
écologique. Le notaire doit le structurer juridiquement pour lui permettre de
devenir une source de production d’énergie renouvelable. Il doit aussi
accompagner les investisseurs en quête de capital alternatif (unité foncière de
préservation, forêt,…), ou encore préparer les contrats idoines pour les ventes
de locaux pollués ou le démantèlement d’installation nuisible type éolienne.
Dossier Entreprise, commission II
Frédéric Aumont présente le travail de la deuxième
commission qui se divise en trois thèmes : la constitution d’une société,
son développement, et sa transmission. À la création, l’entrepreneur s’interroge
sur la forme juridique à choisir et sur sa responsabilité. Le notaire l’informe
sur les possibilités envisageables et sur les risques encourus (patrimoniaux,
personnels…). Rappelons que l’actionnaire a une responsabilité limitée, mais
pas le mandataire social qui commet une faute de gestion. La deuxième
commission invite également à la réflexion sur les formes sociales existantes.
Les sociétés de capitaux et celles de personnes répondent-elles à toutes les
problématiques de l’entrepreneur contemporain ? Une autre forme, plus
libre, plus ouverte, pourrait favoriser les immatriculations. Ensuite, la
consolidation et le développement amènent leur lot d’épreuves dont le
financement. Banque, fonds propres, private equity, suivent des logiques
distinctes qu’il faut maîtriser. De plus, l’ouverture du capital impose des choix
sur le pouvoir des actionnaires, la dilution des créateurs, la sortie d’un
actionnaire, ou encore l’évitement des contentieux. La
commission a établi un récapitulatif des principales clauses présentes dans un
pacte d’associés concernant la gouvernance et la détention capitalistique.
Autre sujet, la compliance
(règlementation) s’accroît et envahit le quotidien du dirigeant. Les investisseurs
s’assurent qu’elle soit bien respectée. Le chef d’entreprise doit donc être en
capacité de le prouver. Le notaire, officier ministériel, peut remplir une
mission de certification en matière de cession de titres, registre d’assemblée
générale, etc. Troisième point, il faut transmettre son entreprise et parfois
lui donner un sens. La pérennisation s’organise. Quant au sens, la loi PACTE
contient la société à mission et le fonds de pérennité, utiles dans ce type de
projet. Il faut expliquer au dirigeant désireux de se retirer ce que sont une
fondation, un fonds de pérennité, de dotation, une raison d’être. Cet
accompagnement les aide à donner, postérieurement à leur gestion, un but ancré
au futur de leur société.
Dossier Familles, commission III
Sébastien Collet, président de la troisième commission,
note qu’en droit de la famille, le notaire sert à la fois d’expert et de
confident. Il est consulté à toutes les étapes importantes de l’histoire d’une
famille. Cette position lui permet d’anticiper et de pacifier des situations
avant qu’elles se durcissent. Il agit en médiateur et participe à la
déjudiciarisation des relations entre proches. Cette commission s’est focalisée
sur l’union d’une part et sur la transmission d’autre part. L’observation
démontre que les problèmes, souvent financiers, surgissent plutôt au moment de
la désunion. L’objectif à atteindre est donc de passer d’une désunion
litigieuse non préparée à une désunion apaisée parce qu’elle a été prévue en
amont. La majorité des personnes mariées méconnaissent le régime légal (et
supplétif). Elles le découvrent souvent au dépens de l’une d’elle lors de leur
séparation. Le régime matrimonial fonctionne selon les dispositions du Code
civil et de nombreuses jurisprudences qui le rendent complexe pour le non
juriste. Pour le PACS, de la même façon, le couple est généralement mal informé.
Un contrat de mariage formalise les choix des époux en connaissance de cause.
Il apporte sécurité, stabilité et crédibilité. Concernant les affaires de
transmission, une famille sait ses tensions internes et constitue le meilleur
des vecteurs pour obtenir un consensus. L’allongement de la durée de vie fige
les patrimoines. La donation transgénérationnelle, la renonciation à la succession au profit de ses descendants
permettent de sauter une génération. Comme dans les situations précédentes, la
consultation du notaire guide les décisions des clients et évite la
judiciarisation des différends. Il faut laisser la liberté aux familles de
s’accorder sur la façon de transmettre des biens, sans toutefois écorner les
principes des libéralités et de la réserve.
C2M