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133e congrès du CNGTC : les greffiers des tribunaux de commerce fiers de leur statut d’entrepreneur du service public

133e congrès du CNGTC : les greffiers des tribunaux de commerce fiers de leur statut d’entrepreneur du service public
Publié le 25/10/2021 à 13:56


« Le greffier, entrepreneur de confiance du service public », tel était le thème choisi par les greffiers des tribunaux de commerce pour leur 133e congrès, mettant ainsi en valeur un modèle hybride, à mi-chemin entre exercice libéral et service public, source, selon eux, d’efficacité et de confiance pour les mondes économique et judiciaire. Un modèle défendu par Sophie Jonval, présidente du CNGTC, auprès du garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, venu rencontrer la profession en parallèle des discussions parlementaires autour du projet de loi confiance dans l’institution judiciaire. Lors de cet événement qui s’est déroulé du 30 septembre au 1er octobre à l’Institut du Monde arabe, à Paris Sophie Jonval a notamment rappelé les missions des greffiers, leur efficacité pendant la crise sanitaire, ainsi que leur capacité à sans cesse innover.

 



En introduction de cette grand-messe de la profession, la présidente du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) est revenue sur les raisons qui ont conduit les greffiers à consacrer leur 133e congrès à l’étude des atouts du statut d’officier public et ministériel – qui est justement celui des greffiers des tribunaux de commerce.

Sophie Jonval en a conscience : ce statut suscite chez un grand nombre de personnes des interrogations, voire de la méfiance.

Or, « c’est justement cet équilibre qui donne à notre profession, sous le contrôle de l’État, une agilité et une capacité lui permettant d’assurer, à moindre coût pour l’usager et sans peser sur les Finances publiques, les délégations qui lui sont confiées » a-t-elle assuré.

« Une agilité et une capacité » qui ont été confirmées pendant la crise sanitaire.

 


LES GREFFIERS PLEINEMENT MOBILISES PENDANT LA CRISE

Lors de son allocution, Éric Dupond-Moretti a justement exprimé sa reconnaissance à la profession, la seule institution judiciaire restée pleinement accessible malgré les confinements : « Grâce à votre dynamisme et à votre sens aigu du service public, vous avez activement contribué à la continuité de la justice commerciale pendant la pandémie, notamment en équipant très rapidement les juridictions pour permettre des audiences par visioconférence. »

Les outils digitaux développés au fil des années par la profession comme la plateforme Infogreffe, le tribunal digital ou l’identité numérique ont également été d’une grande utilité pendant la crise, a argumenté Sophie Jonval de son côté.

En effet, plus d’un tiers des 3,2 millions de formalités traitées en 2020 par les greffiers ont été réalisées en ligne sur Infogreffe, et 4 000 saisines des tribunaux de commerce ont été effectuées sur le portail du Tribunal digital.

En outre, tout au long de la crise, les greffiers se sont attachés à mettre les informations contenues dans le Registre du commerce et des sociétés (RCS) au service du suivi des effets de la crise sur le tissu entrepreneurial. Les bilans nationaux et départementaux des entreprises, élaborés par l’Observatoire statistique du Conseil national, ont par exemple été très précieux pour de nombreuses entreprises.

Quant aux baromètres « Flash covid » publiés à l’issue des périodes successives de confinement, ils ont été très utiles aux ministères et aux collectivités territoriales pour analyser l’impact de la crise sur l’économie.

À l’heure actuelle, les greffiers des TC sont également présents auprès des chefs d’entreprise pour les aider à sortir de la crise.

Ainsi, les outils en ligne développés via le GIE Infogreffe permettent d’améliorer la détention précoce et confidentielle des fragilités financières des entreprises afin de les accompagner vers des solutions et procédures adaptées à leur situation. Parmi ces outils, on trouve le portail prevention.infogreffe.fr ; l’indicateur de performance accessible sur MonIdenum, l’adresse e-mail dédiée pour solliciter un entretien de prévention, et la saisine en ligne du tribunal de commerce sur le tribunal digital.

Bref, comme l’a souligné le garde des Sceaux, les greffiers sont bien « des figures familières, incontournables et indispensables de nos juridictions ». Leurs missions au service des justiciables et des entreprises sont très nombreuses, la qualité de leur service a même poussé l’État à les étendre. Sophie Jonval a  profité du Congrès pour  énumérer un certain nombre d’entre elles.




 Sophie Jonval, présidente du CNGTC



DES MISSIONS AU SERVICE DES ENTREPRISES ET DE LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE

Tout d’abord, c’est la fonction de « gardien de registres légaux », notamment du registre du commerce et des sociétés – le registre des entreprises le plus important d’Europe aujourd’hui – et, plus récemment, du registre des bénéficiaires effectifs, qui est au cœur du métier de greffier.

Cela va de pair avec la fonction de contrôle juridique au moment de l’immatriculation d’une entreprise et tout au long de sa vie.

Comme l’a précisé la présidente du CNGTC, c’est justement ce rôle de contrôle que les greffiers ont fait valoir auprès des inspecteurs du Groupe d’Action Financière Internationale (GAFI), lors de l’inspection de la France, en juillet.

Lors de cette inspection, une attention particulière a été portée au registre des bénéficiaires effectifs dont les greffiers ont la charge depuis 2017.

Ce registre peut être considéré, selon la porte-parole des greffiers, comme « un exemple d’efficacité dans la lutte contre la fraude et le financement du terrorisme. »

En effet, l’information des entreprises relative à la déclaration de leurs bénéficiaires effectifs et les relances de celles n’ayant pas respecté leur obligation ont permis, à ce jour, de constituer un registre dans lequel ont été déposées et contrôlées 4,5 millions de déclarations par 3,5 millions d’entités assujetties.

La profession a d’ailleurs partagé son expérience avec les pays membres du G7, et notamment les États-Unis, le Canada ou encore le Japon, qui ont voulu avoir un retour d’expérience sur ce sujet.

« Tout cela démontre notre attachement à ce que le registre du commerce et des sociétés demeure une référence que beaucoup de pays nous envient » a résumé Sophie Jonval.

Il est donc essentiel selon cette dernière « de maintenir et de développer sans cesse la qualité et la pertinence du RCS. »

C’était, en tout cas, l’ambition des rédacteurs de la loi PACTE (entrée en vigueur le 22 mai 2019), lesquels souhaitent aujourd’hui la mise en œuvre effective du registre général dématérialisé des entreprises, via un organisme unique numérique pour permettre aux administrations fiscales et sociales d’y puiser les informations nécessaires à l’exercice de leurs missions. Il s’agit là, a indiqué Sophie Jonval, « d’un projet d’envergure à mettre en place dans des délais contraints, d’un projet stratégique qui concerne l’ensemble des acteurs économiques de notre pays ».

Malgré sa déception de ne pas avoir été choisi comme opérateur à la place de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), le CNGTC (via le GIE Infogreffe) a toutefois rempli ses engagements (cf. raccordement des 141 greffes à l’organisme unique) pour que ce projet d’envergure puisse aboutir.

Enfin, les greffiers sont des acteurs clés des dispositifs nationaux de lutte contre la fraude, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Une efficacité saluée par le ministre de la Justice en ces termes : « Votre profession a ainsi initié, depuis plusieurs années maintenant, une dynamique permettant de faire des greffiers des tribunaux de commerce des acteurs clés dans ce domaine. (…) Mieux, vous avez demandé à être assujettis au dispositif prévu par le Code monétaire et financier. (…) On ne peut que se réjouir des efforts entrepris par votre profession qui devient ainsi autorité de contrôle au sens du Code monétaire et financier. »

Ainsi, en 2020, 720 déclarations de soupçon ont été comptabilisées, pour 465 en 2019, soit une augmentation de 55 %, a précisé le garde des Sceaux.

« Les greffiers jouent désormais un rôle majeur dans le signalement des différentes fraudes. Aujourd’hui, ils sont devenus, aux côtés des autorités en charge de la lutte contre la fraude, de véritables acteurs de ce combat » a d’ailleurs déclaré, au sujet des greffiers des TC, Maryvonne Le Brignonen, directrice de Tracfin, dans une interview à retrouver dans le rapport d’activité 2020 du CNGTC.

Outre ces missions, le Conseil national est actuellement mis à contribution dans de nombreux projets et réformes portés par le ministère de la Justice.

 




Eric Dupond-Moretti, ministre de la Justice




DES PARTENAIRES DE CONFIANCE DE LA CHANCELLERIE

Le déplacement du garde des Sceaux au congrès des greffiers a eu lieu en parallèle des discussions parlementaires autour du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Le rapport rendu par l’inspection générale de la justice en octobre 2020 a en effet insisté sur la nécessaire réforme du régime disciplinaire des professions du droit.

Cette réforme a pour objectif de rendre le droit plus accessible, en instaurant des codes de déontologie rédigés par chaque profession, a rappelé le ministre de la Justice.

Afin de concevoir au mieux ce projet de loi, ces derniers mois, les greffiers des tribunaux de commerce ont été auditionnés par les rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat.

La réforme prévoit, entre autres, de confier le contrôle et la discipline des officiers publics et ministériels aux procureurs généraux et d’unifier l’architecture juridictionnelle ; de créer un service d’enquête indépendant, en modernisant l’échelle des peines, en créant un échelon infra-disciplinaire, etc. [Le 21 octobre, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi et du projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire s’est réunie au Sénat. Le 22 octobre, députés et sénateurs sont parvenus à un accord ndlr]

« Ma profession, qui a été amplement consultée, accueille favorablement cette réforme. Elle renforcera sans conteste la confiance, non seulement des autorités envers les professions, mais également celle des usagers et des justiciables » a souligné Sophie Jonval.

Autre domaine de collaboration entre la Chancellerie et le CNGTC : la réforme du droit des sûretés qui découle de l’ordonnance du 15 septembre 2021, et qui crée, notamment, un nouveau registre des sûretés mobilières qui sera entièrement confié aux greffiers des tribunaux de commerce.

Ce registre, a précisé Éric Dupond-Moretti, permettra une dématérialisation totale des démarches des entreprises dès le stade de l’inscription de la sûreté.

Il sera en outre complètement dématérialisé et disponible en open data.

Le Conseil national a été consulté sur le projet de décret-cadre et les décrets spécifiques à chacune des sûretés qui ont vocation à intégrer le futur registre national.

« La tenue du registre des hypothèques maritimes, auparavant assurée par les services douaniers et les warrants agricoles, gérés par les tribunaux judiciaires, seront désormais de la compétence des greffes des tribunaux de commerce, de même que les gages sur flottes automobiles » a détaillé Sophie Jonval.

La mise en place de ce registre sera progressive à partir du 1er janvier 2022 avec l’intégration des hypothèques maritimes, a-t-elle annoncé.

« J’ai toute confiance en la capacité des greffiers des tribunaux de commerce pour relever ce défi » a assuré le garde des Sceaux à ses interlocuteurs.

 


UNE FORMATION SOLIDE ET EXIGEANTE

Pour remplir leurs nombreuses missions, les greffiers des tribunaux de commerce doivent disposer d’une formation solide et exigeante.

Ces derniers ont d’ailleurs récemment formulé auprès du ministère de la Justice des propositions d’évolution de l’accès à la profession.

Comme l’a rappelé Éric Dupond-Moretti dans son intervention, les conditions d’accès à la profession de greffier de TC ont été profondément réformées par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015.

Mais les concours qui se sont déroulés à partir de cette date-là « ont révélé des points susceptibles d’être améliorés ».

Désormais, le CNGTC souhaite que, pour accéder à la profession, il soit impératif de détenir un master 2 en droit et réclame également l’allongement de la durée du stage obligatoire.

« Ces propositions sont en cours d’expertise par le bureau des professions et ont déjà été accueillies de manière positive » s’est réjouie la présidente du Conseil national.

Celle-ci s’est cependant avouée un peu inquiète pour l’avenir de la profession. En effet, a-t-elle rappelé, la loi croissance a prévu une révision des tarifs des greffiers tous les deux ans. À son avis, au lieu de baisses « systématiques et aveugles », il faudrait plutôt réfléchir à l’établissement d’une feuille de route commune permettant de planifier, à moyen et long terme, les actions à entreprendre et les moyens à leur consacrer. Cette demande sera-t-elle entendue ?

Autre inquiétude, le métier de greffier, qui a « traversé les siècles, les décennies », saura-t-il résister à l’essor de l’open data qui, comme l’a reconnu le ministre de la Justice, a déjà commencé à « impacter la profession et une partie de ses modalités de financement » ?


Maria-Angélica Bailly


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