À l’occasion de la journée
internationale de lutte contre la corruption, lundi 9 décembre 2024, l’Agence française
anticorruption (AFA) a publié un rapport basé sur l’analyse de 504 décisions de
justice de première instance, révélant que 67 % des affaires concernaient la
corruption des agents publics. La corruption arrive en tête des atteintes à la
probité entre 2021 et 2022.
Selon l’ONG anti-corruption
Transparency International, la France a été classée en 2023 comme le 20e pays
le moins corrompu au monde, se plaçant bien devant l’Italie, 42e, ou encore la
Somalie, dernière du classement en 180e position. Pourtant, derrière ce bon
résultat, se cache une réalité plus nuancée : la corruption des agents
publics, un phénomène bien réel dans l’Hexagone.
Un constat confirmé par les
chiffres issus du rapport de l’Observatoire des atteintes à la probité de
l’Agence française anticorruption (AFA), publié à l’occasion de la
Journée internationale de lutte contre la corruption, lundi 9 décembre 2024.
L’organisme a ainsi analysé 504 décisions de justice rendues entre janvier 2021
et décembre 2022, portant sur 489 affaires impliquant 1350 prévenus. Les conclusions
de l’AFA démontrent que la corruption, sous toutes ses formes, domine les
infractions liées à la probité, représentant 37 % des cas et figurant dans près
de 30 % des affaires étudiées. La majorité des dossiers concerne la corruption
d’agents publics (67 %), suivie par celle du secteur privé (25 %). Plus rares,
mais tout aussi inquiétants, les cas impliquant des élus publics (5,85 %) et la
justice (1,75 %).
Cette corruption se manifeste
sous deux formes, précise l’AFA. D’une part, la corruption active, définie
comme « la proposition faite à une personne d’accomplir ou de s’abstenir
d’accomplir un acte lié à sa fonction, sa mission ou son mandat, ou facilité
par ceux-ci, en échange d’un avantage ». D’autre part, la corruption
passive, qui consiste cette fois en « la sollicitation ou l’acceptation d’un
avantage (offre, promesse, don, présent) pour soi-même ou pour autrui, en
échange d’un acte favorable ou d’une abstention entrant dans le cadre de ses
fonctions ou facilité par son activité ».
80 % des mis en cause sont
des hommes
La corruption n'est pas le seul délit du genre à avoir la cote. C’est aussi le cas du détournement
de fonds ou de biens publics, qui représente 22 % des infractions et 26 % des affaires, d’après
l’AFA. Une pratique qui peut prendre des formes diverses, entre emplois
fictifs, mise en location saisonnière d’un logement de fonction, utilisation d’agents publics à des fins personnelles ou encore détournement de saisies lors de perquisitions. Et qui peut être autant le fait de
titulaires de fonctions publiques ou de mandats électifs que de particuliers. L’organisme
précise notamment que « bien que l’infraction soit multiple, les
faits de détournement de fonds publics (espèces, chèques, virements) sont les
plus fréquents ».
Par ailleurs, le favoritisme,
soit l’octroi d’un avantage injustifié dans le cadre de la commande
publique, représente 15,5 % des infractions et 18 % des affaires. De son côté, la prise illégale
d’intérêts, qui consiste à utiliser sa position afin d'obtenir un avantage personnel, représente
17 % des affaires, tandis que le trafic d’influence (l’usage rémunéré de
son influence pour influer sur une décision), et la concussion (la perception illicite d’argent par un fonctionnaire) totalisent respectivement
6 % et 3 % des affaires.
Concernant le profil des
prévenus impliqués dans des atteintes à la probité, le rapport révèle une nette
prédominance masculine : 79,7 % des mis en cause sont des hommes, contre 20,3 %
de femmes, avec un âge médian de 44 ans. Parmi eux, 30,1 % sont des agents
publics, suivis par 23,2 % de dirigeants d’entreprise, 18 % de particuliers,
11,6 % d’élus et 9,9 % d’employés. Les personnes morales, bien qu’en nombre
plus restreint, ne sont pas épargnées : 5,3 % des infractions concernent des
entités de droit privé, et 1,8 % des entités de droit public.
Ces atteintes à la probité
affectent autant le secteur public que le secteur privé, mais certains secteurs
se distinguent par une vulnérabilité accrue. Il est question du bloc communal
dans le secteur public et le domaine de la construction dans le secteur privé qui
figurent parmi les plus impactés documente l’AFA.
La Corse particulièrement concernée
Dans 72 % des affaires, une
condamnation a été prononcée. 38 % des prévenus ont
écopé d'une peine d’emprisonnement seule, tandis que 37,5 % ont été sanctionnés
à la fois par une peine de prison et une amende. Dans 22 % des cas, seule une
amende a été retenue. En complément de ces sanctions principales, des peines
complémentaires ont été fréquemment appliquées pour alourdir et adapter les
sanctions aux spécificités de chaque affaire, qu’il s’agisse des circonstances
ou du profil des mis en cause. Ces peines, telles que des interdictions ou des
obligations, visent à renforcer la répression en fonction de la gravité des
infractions.
Au titre de ces mesures, la
confiscation est une peine particulièrement efficace, reconnaît l’Agence
française anticorruption, car elle peut avoir un effet dissuasif plus important
que l’incarcération. En frappant directement les auteurs là où cela les touche
le plus, c'est-à-dire sur les profits de leurs activités illicites. Concernant
les biens immobiliers, la confiscation a été prononcée dans 2 % des cas, tandis
que 11 % des biens mobiliers ont été confisqués.
Enfin, la répartition
géographique des infractions révèle que certaines régions, comme la Corse, les
territoires ultramarins, la région PACA et l'Île-de-France, sont plus
concernées que le reste du territoire. Toutefois, une nuance importante
apparaît lorsque l'on décompose la cartographie en fonction du type
d'infraction. Par exemple, les « détournements de biens et de fonds publics,
prises illégales d’intérêts et favoritisme constituent la grande majorité des
infractions poursuivies en Corse. Il en est de même en Occitanie où l’on notera
néanmoins un poids plus important des infractions de corruption. Ces dernières
constituent la grande majorité des infractions commises en Ile-de-France, ou
dans les Hauts-de-France ».
Romain Tardino