INTERVIEW.
La Jurist Day fait son retour à Lyon pour une toute nouvelle édition. Samedi 15
mars, le salon dédié aux étudiants en droit investira le Radisson Blu Hôtel de
la Tour Part-Dieu pour une journée riche en échanges, ateliers, conférences et
rencontres avec des professionnels, des écoles et des acteurs du monde
juridique. À cette occasion, Constance Mosnier, élève-avocate et fondatrice de
l’événement, revient sur son parcours et partage son regard sur les enjeux
modernes des études de droit.
JSS :
Comment est née la Jurist Day et quelle est sa vocation ?
C.M. : Tout a
commencé en 2020, durant la pandémie. À l’époque, j’étais en troisième année de
licence de droit à l’Université Lyon 3. Pour aider mes camarades et moi-même à
rester motivés dans nos études, malgré le contexte sanitaire et l’école à
distance, j’ai décidé de créer ma chaîne Youtube, Le Droit en 5 minutes, et de
partager mes révisions en vidéo.
Deux
ans plus tard, j’ai voulu aller encore plus loin en créant la Jurist Day pour rapprocher
les étudiants des professionnels du droit. L’objectif est d’offrir à tous les étudiants, quel que soit leur milieu social,
un accès direct à un réseau professionnel et de leur permettre d’échanger sans
crainte avec des magistrats, avocats, juristes ou notaires. De rendre les
études de droit plus accessibles et compréhensives pour tous. L’idée est de
briser le sentiment d’illégitimité et de lever les barrières qui empêchent
souvent de contacter ces experts
La Jurist Day vise
aussi à ouvrir les horizons des étudiants en leur montrant la diversité des
parcours, opportunités et choix d’orientations offerts au sein de leur cursus
en droit.
JSS :
Depuis, la Jurist Day a beaucoup évolué, vous aussi…
C.M. : Tout à
fait ! Pour ma part, j’ai réussi l’examen du barreau et je suis aujourd’hui
élève-avocate à l’École des Avocats de Lyon (EDARA), bien que j’aie redoublé
mon Master 1.
En
parallèle, je suis à la tête de trois sociétés : ma chaîne YouTube (près de
50 000 abonnés et 600 vidéos, ndlr) qui s’étend désormais à l’édition de
manuels juridiques, le salon étudiant, et j’ai dernièrement lancé Jurist Mag,
un magazine d’études de droit entièrement digital destiné aux étudiants et
lycéens.
Quant à
la Jurist Day, l’événement continue de grandir avec plusieurs centaines de
participants à chaque édition, et s’exporte désormais à Paris, Marseille et
Rennes. Les partenaires se multiplient aussi, avec les écoles, les institutions
régionales, les prépas droit et CRFPA, ainsi que le ministère de la Justice.
JSS :
Quel est le programme de cette nouvelle édition ?
C.M. : Le programme se décompose en quatre pans tout au long de
la journée, de 9h30 à 17h30. Il y a une partie exposants avec les partenaires :
chambres des notaires, ministère de la Justice, prépas droit, écoles,
associations étudiantes, etc… En bref, tout un panel d'experts réunis pour
explorer les multiples opportunités offertes par des études de droit.
Il y a
également des conférences animées par des professionnels et partenaires pour
apporter un éclairage sur des secteurs tels que le droit immobilier ou le droit
social, ainsi que sur des thématiques essentielles comme l’installation en
libéral, la création d’un cabinet ou l’orientation dans les études de droit.

« Les
lycéens et étudiants sont stressés, anxieux, et ont besoin d’être rassurés »
- Constance Monier, fondatrice de la Jurist Day
Puis des
ateliers pratiques sont également proposés sur des thématiques comme le
recrutement, la rédaction d’un CV et d’une lettre de motivation, ou encore la
préparation à l’examen du barreau. C’est aussi l’occasion de rencontrer des
créateurs de contenus juridiques et des professionnels du droit pour développer
son réseau.
JSS :
Comment expliquez-vous l’engouement que vous générez, que ce soit à travers le
salon, les manuels ou les vidéos ?
C.M. : Selon
moi, il y a deux raisons principales. La première est le manque d’informations
et de communication de la part des universités et des professionnels du droit, qui
ne jouent pas leur rôle sur les études, l’orientation et les débouchés.
Beaucoup d’étudiants se sentent perdus, et c’est ce vide que j’essaie de
combler, notamment à travers mes vidéos.
La
seconde raison est que les lycéens et étudiants sont stressés, anxieux, et qui
ont besoin d’être rassurés. En partageant mes propres expériences – mes échecs,
mes doutes, mais aussi mes réussites –, ils peuvent se projeter, se retrouver
un jour dans mes situations et éviter mes erreurs. Cela crée un lien de
confiance, une sorte de relation bienveillante où je deviens, pour beaucoup,
une grande sœur qui les guide et les encourage.
JSS :
Pourquoi si peu de professionnels du secteur prennent-ils la parole sur ces
sujets ?
C.M. : Cela
demande du temps, de l’énergie, mais surtout un vrai travail de vulgarisation.
S’adresser à des étudiants implique d’adapter son langage et de rendre le droit
accessible. Mon approche repose sur la pédagogie : je ne me considère pas comme
une étudiante très brillante, mais j’ai toujours misé sur le travail et la simplification.
Pour
réussir mes examens, j’avais besoin de simplifier mon langage et mon
vocabulaire pour comprendre. Et c’est ce que je veux transmettre : donner
confiance aux étudiants en utilisant des termes basiques et compréhensibles
pour tous.
Puis,
au fil du temps, on complexifie les notions puisque le droit exige de la
précision et une maîtrise du jargon juridique. Mon objectif est d’accompagner
cette progression en douceur, sans jamais décourager ceux qui apprennent.
JSS :
La filière droit reste très attractive, avec près de 200 000 étudiants en France,
malgré un taux de réussite relativement bas. Comment expliquez-vous cette
tendance ?
C.M. : Beaucoup
d’étudiants choisissent encore la faculté de droit parce que c’est une
formation accessible financièrement et qui ouvre de nombreuses portes. Et c’est
vrai ! Après une licence, on peut intégrer des écoles privées, entrer dans la
fonction publique, ou même se réorienter vers d’autres domaines comme le
marketing, la communication, les ressources humaines ou encore une école de
commerce. Cette polyvalence rassure : s’inscrire en droit, c’est garder ses
options ouvertes, surtout quand on ne sait pas encore précisément ce que l’on
veut faire.
Pourtant,
est-ce que ces étudiants vont au bout de leur projet initial ? Je pense que
non. Beaucoup se découragent rapidement, et à mes yeux, le manque de confiance
y est pour beaucoup. Il est indéniable que les études de droit demandent de la
rigueur, mais aussi une capacité d’adaptation à un environnement parfois
intimidant.
D’autant
plus qu’un certain nombre de professeurs rue montrent distants et peu
accessibles. Cela peut créer un sentiment d’exclusion chez les étudiants, qui
finissent par se dire "C’est trop difficile, ce n’est pas fait pour
moi." Résultat : ils s’investissent moins, perdent l’envie d’apprendre
et finissent par s’imposer des limites. Il faut garder la tête froide.
L’essentiel, c’est de s’organiser intelligemment pour faciliter son
apprentissage. Avec la bonne méthode, tout le monde est capable de réussir en
droit.
JSS :
Vous conseillez donc de ne pas se précipiter dans son orientation, car la
perception que les lycéens ont du droit peut être éloignée de la réalité ?
C.M. : Tout à
fait. Il est essentiel de bien se renseigner avant de s’engager. Beaucoup
choisissent des études de droit en pensant exclusivement à des métiers comme
avocat pénaliste, juge pour enfants ou magistrat, sans réaliser que le domaine
juridique offre une multitude d’autres carrières tout aussi épanouissantes. De
plus, le métier d’avocat est souvent idéalisé, alors qu’en réalité, de nombreux
professionnels rencontrent des difficultés financières.
Un
autre point de vigilance concerne, plus tard, les « mastères », qui
peuvent prêter à confusion. Certaines écoles les présentent comme équivalents
aux « masters », alors qu’en réalité, seuls les masters
universitaires permettent d’accéder aux concours d’avocat ou de la fonction
publique. Il est donc crucial de bien comprendre ces distinctions avant de
faire son choix.
Cela
dit, les mastères présentent un réel intérêt, notamment grâce à l’alternance,
qui constitue un atout majeur. Ils sont d’ailleurs parfaitement adaptés pour se
former au métier de juriste. L’important est donc de s’informer en profondeur
pour faire un choix éclairé et adapté à ses ambitions.
Propos recueillis par Enzo
Maisonnat