Alors que la perspective d'une censure du
gouvernement dès la semaine prochaine occupe tous les esprits, la gauche a
tenté hier, jeudi 28 novembre, d’abroger la très décriée réforme des retraites
à l’Assemblée. Mais comme attendu, la proposition de loi n’a pas pu être votée,
en raison du trop grand nombre d’amendements restants à examiner.
Minuit
a sonné : abrogation de la réforme des retraites non votée. La tentative de la
gauche pour abroger la réforme des retraites de 2023 est restée lettre morte.
La France insoumise souhaitait profiter des 24 heures de sa niche parlementaire
pour revenir sur la réforme-phare du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron et
ramener de 64 à 62 ans l'âge légal de départ à la retraite. Sa proposition de
loi, approuvée la semaine dernière en commission avec l’appui de
l’extrême-droite, revenait non seulement sur la réforme de 2023 – qui
concernait l'âge de départ – mais également sur celle menée en 2013 par la
ministre socialiste Marisol Touraine, sous la présidence de François Hollande –
qui avait augmenté la durée de cotisation.
Le
texte avait toutes les chances d'être adopté grâce au soutien de l'ensemble de
la gauche et du Rassemblement national (RN) mais n’a pas pu être soumis au vote
avant l'heure limite : minuit, qui a sonné le glas de la « niche »
LFI. La stratégie du bloc central a payé : les groupes politiques du socle
gouvernemental (l'ex-majorité présidentielle et la droite) avaient déposé plus
de 900 amendements pour ralentir les débats et empêcher la tenue du vote dans
les délais impartis. Pari réussi.
Débats houleux
Après 4
heures d’âpres débats, une longue série d’invectives et de rappels au
règlement, seuls une dizaine d’amendements déposés avaient été examinés à la
mi-journée. À la pause, la présidente du groupe LFI-NFP à l’Assemblée Mathilde
Panot dénonçait devant la presse « l'indignité d'un gouvernement et de
députés qui vont ainsi à l'encontre de la souveraineté populaire ». Selon
un sondage Toluna-Harris Interactive, publié le 19 novembre et commandé par la
France Insoumise, près de 70 % des Français souhaitent revenir à un âge légal
de départ à la retraite fixé à 62 ans.
« Il
n'y a aucune obstruction, il y a simplement une volonté de débat », a
assuré le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, opposant les « quelques
centaines d'amendements » du socle commun déposés sur la proposition
d'abrogation, aux « 19 000 » déposés par LFI sur ladite
réforme gouvernementale en 2023. Il ne s’agit pas d’amendements d’empêchement
mais de règles du jeu parlementaire, ont martelé les députés du bloc central
tout au long de la journée, qui s’est soldée par l’impossibilité d'examiner la
totalité des amendements et de voter l’abrogation.
La question des finances
Sur le
fond, il a surtout été question de budget.
« La vérité, c'est qu'avec cette proposition de loi, ce sont 15
milliards de déficit en plus en 2030 et 21 milliards à partir de 2035 »,
a fustigé la députée Ensemble pour la République, Prisca Thévenot, alors que le
gouvernement est empêtré dans une crise pour faire voter un budget censé
redresser les finances publiques. « Abroger cette réforme, ce serait
compromettre l'avenir de notre système de retraite », a souligné quant à
elle la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet.
Dans
l’hémicycle, les socialistes ont largement été pointés du doigt pour leur
soutien à un texte d'abrogation de la retraite à 64 ans, qui revient sur leur
propre réforme Touraine. « Le Parti socialiste voudrait détricoter
quand ils ont eu le courage et la responsabilité de le faire à l'époque. C'est
inouï de posture politique », a fustigé Laurent Saint-Martin. Mais à
l’issue des débats, les socialistes persistent et signent : « La
macronie empêche (encore une fois) les députés de s'exprimer sur la réforme
Borne ! Nous restons mobilisés pour l'abrogation de la retraite à 64 ans »,
a indiqué le porte-parole du groupe, Arthur Delaporte.
« Tôt ou tard, nous abrogerons
cette réforme »
« La
macronie a fait ce soir un bras d’honneur au débat démocratique » a
réagi la présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, Marine Le
Pen, tout en n’oubliant pas d'épingler « la gauche (qui) porte une
lourde responsabilité dans cet échec ». « En refusant de voter
le 31 octobre, la proposition de loi du groupe RN sur cette abrogation, elle a
sacrifié une fois encore l’intérêt des Français par pur sectarisme ».
De
l’autre côté du spectre politique, Mathilde Panot, présidente du groupe LFI-NFP
à l’Assemblée nationale, s’est dit « fière du groupe parlementaire
insoumis qui s’est battu toute la journée face à l’obstruction crasse du
gouvernement et des macronistes pour empêcher l’abrogation de la retraite à 64
ans ». « Tôt ou tard, que ce soit aujourd’hui ou demain, nous
abrogerons cette réforme » a prévenu la députée, avant de donner « rendez-vous
mercredi prochain pour censurer le gouvernement Barnier et en finir avec la
retraite à 64 ans ! ».
Menace de censure
Une
séquence politique en chasse une autre. Tous les yeux se tournent désormais
vers Michel Barnier et son gouvernement, sous la menace d’une censure
imminente. Le projet de budget de la
Sécurité sociale fait son retour à l’Assemblée nationale, lundi 2
décembre. Un compromis entre sénateurs
et députés a finalement été trouvé sur ce texte, mercredi 27 novembre au soir,
en commission mixte paritaire.
Mais,
privé de majorité dans l’Hémicycle, le premier ministre pourrait recourir pour
la première fois, lundi, au 49.3 pour le passer sans vote. En engageant sa
responsabilité, le chef du gouvernement ouvre la voie à une motion de censure,
promise par la gauche et qui pourrait être soutenue par le RN.
Marine
Le Pen a annoncé hier au Monde qu’elle fixait un ultimatum à Michel
Barnier pour lever les obstacles à une non-censure de la part de ses troupes.
Delphine Schiltz