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Adoption de MiCA : quels enjeux ?

Adoption de MiCA : quels enjeux ?
Publié le 02/12/2022 à 11:21


Après le projet de loi sur la résilience opérationnelle numérique (DORA) et la proposition d’un régime pilote pour la technologie des grands livres distribués (DLT), avec le règlement MiCA, l’Union européenne poursuit son ambition de faire de l’Europe un espace sécurisé pour les fournisseurs de services de cryptoactifs.

 

L’objectif de MiCA, adopté le 10 octobre avec le soutien massif de la commission des affaires économiques et monétaires (ECON), est en effet de réglementer l’émission, l’offre au public et la négociation des cryptoactifs, en fournissant un cadre complet des exigences relatives au fonctionnement et à la gouvernance des principaux émetteurs de ceux-ci et des prestataires de services, tout en donnant des protections détaillées pour leurs détenteurs.

 

L’Europe est ainsi la première à vouloir réguler les cryptoactifs, définis par le Règlement comme « une représentation numérique d’une valeur ou de droits pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de la technologie des registres distribués ou d’une technologie similaire », en fournissant un régime d’autorisation unifié dans toute l’Union européenne, sans besoin d’adopter des lois d’application nationales.

 

Autre avantage, les émetteurs de cryptoactifs n’auront pas besoin de l’autorisation de chaque pays pour pouvoir circuler dans l’UE, mais n’obtiendront plus qu’une seule autorisation commune pour toutes les juridictions de l’Union.

 

Un cadre juridique solidifié

 

Outre une définition claire et uniforme de la notion de cryptoactif, le Règlement présente ainsi l’avantage de définir les règles encadrant la pratique des différents intervenants de façon centralisée.

Le Règlement poursuit à ce titre quatre objectifs :

• fournir un cadre juridique solidifié pour les cryptoactifs au niveau européen ;

• lutter contre les transactions frauduleuses ;

• protéger les consommateurs et les investisseurs ;

• établir des règles spécifiques pour les monnaies stables, y compris lorsqu’elles sont commercialisées en tant que monnaie électronique.

 

L’article 15 du règlement prévoit à ce titre de soumettre l’ensemble des émetteurs de cryptoactifs à une obligation d’agrément pour proposer leur service sur le territoire de l’Union européenne, le texte prévoyant : « Aucun émetteur de jetons se référant à des actifs ne peut, au sein de l’Union, offrir ces jetons au public ou demander l’admission de ce type d’actifs à la négociation sur une plateforme de négociation de cryptoactifs sans avoir été agréé à cet effet conformément à l’article 19 par l’autorité compétente de son État membre d’origine. »

 

Tout émetteur de cryptoactif devra ainsi répondre à des exigences élevées pour obtenir l’agrément.

 

Aux termes des articles 5 et 17, le dirigeant devra tenir à disposition des autorités un livre blanc détaillant l’activité de l’entreprise.

 

Lutte contre les transactions frauduleuses

 

Le Règlement vise par ailleurs à lutter contre l’utilisation des cryptomonnaies aux fins de blanchiment et de financement du terrorisme. À cet égard, l’article 30 prévoit qu’aucun membre de l’organe de gouvernance ne doit avoir été condamné pour des infractions liées au blanchiment de capitaux, au financement du terrorisme ou à d’autres délits financiers.

 

L’article 56 ajoute que l’agrément sera retiré si un membre de l’organe de gouvernance est condamné pour faits de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

 

De manière générale, les transferts de cryptomonnaies devront être suivis d’informations sur celui qui envoie les fonds et sur le bénéficiaire. Les prestataires de services en cryptoactifs devront fournir ces informations aux autorités si une enquête pour blanchiment d’argent ou financement du terrorisme est ouverte. En outre, l’Autorité bancaire européenne (ABE) tiendra une liste des prestataires non-conformes.

 

Protéger les consommateurs et les investisseurs

 

Afin de protéger les consommateurs, les émetteurs de stablecoins seront soumis à des exigences de liquidité et devront en outre être présents dans l’UE. Autre gage de sécurité, les stablecoins seront soumis à la direction et à la supervision de l’ABE.

 

Fait notable, les jetons non fongibles (NFT), qui sont individuels et distincts, sont quant à eux exclus du champ d’application du Règlement MiCA, sauf si l’émetteur crée une « collection » d’actifs à acheter.

 

La plupart des fournisseurs de services de cryptoactifs considèrent le MiCA comme nécessaire pour leur donner davantage de légitimité et de crédibilité pour progresser sur le marché financier actuel.

 

Surveiller l’impact environnemental

 

L’impact environnemental des cryptomonnaies a été un sujet très discuté et controversé sur le marché. Au début, des inquiétudes ont été soulevées quant à savoir s’il serait interdit aux entités de minage de cryptomonnaies, telles que le bitcoin, d’opérer dans l’Union européenne, le « minage » étant trop énergivore.

 

Si ce procédé n’a pas été banni, dans le texte proposé, le Règlement MiCA demande cependant aux entreprises de cryptomonnaies une parfaite transparence en déclarant toute information utile sur leur impact environnemental et climatique. À ce titre, chaque prestataire sera tenu de divulguer le type de protocoles de consensus blockchain qu’il utilise dans un livre blanc public.

 

Le Règlement MiCA s’appliquerait 18 mois après l’entrée en vigueur du texte, qui n’interviendra que 20 jours après sa publication au Journal Officiel de l’UE. Ainsi, il est probable qu’il ne commencera à produire ses effets qu’au début de 2024.

 

Afin d’éviter toute perturbation potentielle du marché, le règlement MiCA prévoit une période transitoire pour les cryptoactifs déjà émis avant l’entrée en vigueur de la législation tout en prévoyant une exemption de l’obligation de publier un livre blanc en ce qui concerne ces anciennes émissions.

 

Elise Dufour,

Avocate associée,

Bignon Lebray

 

 

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