Synonyme de grandes vacances, juillet est
également le mois durant lequel on célèbre la Révolution française et la prise
de la Bastille, à grands renforts de feux d’artifices. Le 14 juillet est aussi
l’occasion pour les pompiers d’organiser leur fameux bal. Moment de
convivialité populaire, cet évènement donne à chacun l’occasion d’approcher le
symbole des gardiens du feu : la « grande
échelle ». Nous avons retrouvé ses origines dans les brevets d’invention du
XIXe siècle conservés par l’Institut national de la propriété
industrielle.
C’est le 15 août 1806, lors de la fête de
Saint-Napoléon et des cérémonies célébrant l’anniversaire de Napoléon Ier,
que le premier bal des pompiers se serait tenu. Quelques années plus tard, en
1810, suite à l’incendie de l’ambassade d’Autriche à Paris, l’Empereur créa le
premier corps professionnel de sapeurs-pompiers, organisé sous la forme d’un
corps militaire.
Côté équipement, nous savons que les
premières pompes spécialement conçues pour combattre les incendies sont
apparues vers 1700, mais c’est près d’un siècle plus tard, en 1808, qu’a été
brevetée la première invention pour une pompe à incendie. C’est un ingénieur de
la marine, Pierre-Marie Touboulic, qui la dépose : « On a cherché dans tous les siècles les moyens les plus propices à
prévenir ou à arrêter les funestes effets des incendies et la pompe
actuellement en usage est ce que l’on a pu trouver de plus efficace[1].
» Il faut attendre les années 1830 pour que les premiers brevets de grandes
échelles, aussi appelées échelles aériennes, soient déposés. Le dossier le plus
explicite en la matière est celui déposé le 21 août 1844 par le baron Dirck Van
Lockhorst, de Bruxelles[2].
Son invention consiste en un « appareil
de sauvetage dans les incendies dit le sauveur ». L’appareil est destiné à
« retirer en cas d’incendie les personnes
des appartements embrasés ainsi que les objets précieux et pour dominer et
maîtriser promptement les flammes ». « Le
sauveur se traîne à l’aide de six hommes tirant à bricoles (à l’aide de
sangles) ou bien par un cheval qu’on y attèle », « deux hommes suffisent pour faire monter l’appareil dans sa position
verticale ». Il « repose sur un pivot
mouvant, on conçoit qu’il peut être facilement manœuvré dans tous les sens
quelle que soit d’ailleurs l’inclinaison du terrain sur lequel il se trouve, de
manière que les pompiers puissent toujours dominer le feu. Ceux-ci avec les
lances de leurs pompes placées en face des étages incendiés ont alors la
possibilité de verser des torrents d’eau partout où les flammes étendent leur
ravage, au lieu de le faire de bas en haut comme cela se pratique presque
toujours par les moyens ordinaires. Les boyaux des pompes, au lieu de traîner
çà et là sur le sol, reposent le long du corps du sauveur. »
La plateforme « converse circulairement afin de pouvoir tourner l’appareil en regard
des maisons embrasées et combattre ainsi le feu directement ». L’échelle
est équipée d’un « traîneau à quatre
roulettes dans lequel s’assied la personne qu’on retire des appartements. Ce
traîneau est poussé par un premier pompier sur le pont de sauvetage alors qu’un
second pompier reçoit ce traineau et place la personne dans un coffret de
sauvetage. » « Ce coffret glissant
dans une coulisse est alors descendu le long de l’appareil jusque sur la rue.
Les personnes malades, les vieillards ou les enfants sont descendus perpendiculairement
». « Quelques minutes suffisent pour
retirer et descendre une famille nombreuse ». Enfin, « le sauveur offre cet avantage que partout où l’on s’en servira, le feu
sera promptement maîtrisé, les personnes menacées de périr par le feu, seront sauvées,
ainsi que tout ce qui constitue souvent la fortune d’une famille : des papiers,
des titres, des registres et autres objets précieux ».
Le baron bruxellois, précurseur en la
matière, innove une nouvelle fois l’année suivante, en déposant un second brevet
d’invention améliorant les fonctionnalités du « sauveur »[3].
À partir de cette invention, de très nombreux brevets seront déposés pour
améliorer les systèmes existants, comme le brevet déposé par Jean
Gueunier-Lauriac en 1879 pour un « appareil
de secours et de sauvetage en cas d’incendie, pouvant également s’appliquer à
l’industrie et à l’agriculture »[4].
Petit à petit, les modèles vont se perfectionner. Actionnées au départ à la
main, puis par le biais des manivelles, des moteurs vont progressivement être
installés sur les échelles. Dans la majorité des cas, les échelles sont munies
d’une nacelle qui monte et descend, en fixe ou amovible, permettant ainsi
d’assurer la sécurité des pompiers et des personnes secourues. À l’heure
actuelle, les sapeurs-pompiers sont dotés d’appareils à bras articulés ou
télescopiques. Ces engins, bien que n’étant pas des échelles, ont une fonction
analogue. Leur avantage est de pouvoir surplomber le bâtiment ou la zone du
sinistre et de fournir une importante plate-forme de travail en hauteur. La
grande échelle disparaîtra peut-être un jour au profit de machines ou de
dispositifs plus efficaces, elle reste néanmoins aujourd’hui le symbole des
combattants du feu.
Steeve
Gallizia,
Chargé
de la valorisation des archives patrimoniales de l’INPI
[1] Brevet d’invention déposé le 20
octobre 1808 par Pierre-Marie Touboulic pour une pompe à incendie portative (1BA475,
source : archives INPI).
[2] Brevet d’invention déposé le 21 août 1844 par le baron Dirck
Van Lockhorst pour un appareil de sauvetage dans les incendies (1BA11693,
source : archives INPI).
[3] Brevet d’invention n°1299 déposé le 15 avril 1845 par le
baron Dirck Van Lockhorst pour un appareil de sauvetage, dit le sauveur,
destiné à retirer, en cas d’incendie, des appartements embrasés, les personnes
et les objets précieux, et à dominer et maîtriser promptement les flammes
(1BBB1299, source : archives INPI).
[4] Brevet d’invention n°132509 déposé le 4 août 1879 par Jean
Gueunier-Lauriac pour un appareil de secours et de sauvetage en cas d’incendie,
pouvant également s’appliquer à l’industrie et à l’agriculture (1BBB132509,
source : archives INPI).