SOCIÉTÉ

Budget de la Sécurité sociale 2025 : le projet de loi bientôt en séance publique au Sénat

Budget de la Sécurité sociale 2025 : le projet de loi bientôt en séance publique au Sénat
Publié le 15/11/2024 à 17:18

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale arrive lundi en séance publique au Sénat. Les Sénateurs en ont commencé l’examen la semaine dernière en commission. Et ce alors que, faute de temps, les députés n’en étaient pas venus à bout. C’est donc en grande partie la copie du gouvernement qui est arrivée à la chambre haute, rehaussée de quelques amendements validés à l’Assemblée. La commission des affaires sociales du Sénat a de son côté ajouté 76 amendements avant l’arrivée en séance.

Lundi 18 septembre, le Sénat attaque en séance publique l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), après un passage en commission mardi et mercredi derniers. Le texte prévoit des dépenses de Sécurité sociale de 662 milliards d’euros en 2025, une hausse de 2,8% par rapport à 2024, avec un déficit ramené à 16 milliards d’euros, contre 18 milliards en 2024 – il était annoncé à 10,5 milliards dans le PLFSS 2023. Outre quatre milliards d’euros d’économies demandées à l’Assurance maladie, le texte fait notamment débat en ce qui concerne le report de l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation, et une limitation des allègements de cotisation sur les bas salaires.

Lors d’une conférence de presse mercredi après-midi, la commission des affaires sociales du Sénat a livré ses pistes pour faire évoluer le texte du gouvernement. Elle a déposé au total 76 amendements, et reste dans l’optique des 16 milliards d’euros demandés par le gouvernement. « Nous avons regardé branche par branche pour répartir l'effort sur l'ensemble des acteurs : retraités, entreprises, utilisateurs, salariés, professionnels de santé, patients, complémentaires santé... Pour une meilleure efficience des dépenses publiques et des efforts budgétaires », a expliqué le président de la commission, Philippe Mouiller (Les Républicains). « Ce sont des propositions douloureuses mais nous ne voyons pas comment faire dans ce contexte alarmant », a reconnu pour sa part la rapporteure générale de la commission Elisabeth Doineau (Union Centriste).

Le président a mis plusieurs fois en avant la nécessité selon le Sénat de ne pas se contenter d'ajustements budgétaires d'une année sur l'autre, mais d'engager de vraies réformes pour rétablir la situation, alors que le déficit pourrait atteindre 19,9 milliards d’euros en 2028. « On accepte de participer à cette logique mais on ne veut pas la même situation l'an prochain. Les réformes sont fondamentales sinon on sera toujours dans une logique d'économies ».

Un report partiel de la hausse des retraites

Le gouvernement entendait que l’indexation des pensions sur l’inflation, habituellement réalisée au 1er janvier, se fasse au 1er juillet 2025, ce qui ferait économiser quatre milliards d’euros en 2025. Cela suscitait d’ailleurs l’opposition de nombreux députés, même si l’Assemblée nationale n’a pas statué sur cette mesure faute de temps.

Mais au final – comme annoncé à la surprise générale par Laurent Wauquiez, chef de file des députés de la Droite Républicaine – les sénateurs ont voté un amendement prévoyant une revalorisation de toutes les pensions de presque la moitié de l’inflation en début d’année 2025 (0,8%), et, seulement pour les retraités dont le total des pensions est inférieur à un Smic net, une seconde revalorisation à l’été, ainsi qu’une compensation du manque à gagner subi durant le premier semestre. Cela coûterait 500 à 800 millions d’euros par rapport au plan initial, qui table sur quatre milliards d’euros d’économie.

Les sénateurs introduisent aussi dans le PLFSS un texte déjà voté au Sénat pour prendre en compte les 25 meilleures années de travail des agriculteurs, aux revenus de plus en plus irréguliers, dans le calcul de leur retraite et rendre leur régime compatible avec le régime général, 85% des agriculteurs étant poly-pensionnés. « On tient à ce que cela se fasse au 1er janvier 2026, c'est très attendu par la profession agricole », assure la sénatrice Pascale Gruny.

Baisse des allègements de cotisations

Autre point chaud : la diminution des allègements de charges sociales sur les bas salaires. Le gouvernement prévoit de progressivement réduire ces allègements en 2025 et 2026. Cela ferait économiser quatre milliards d’euros en 2025. Les rémunérations des contrats d’apprentissage devraient également être soumises à moins d’aides de l’Etat pour les salaires les plus élevés.

Si la commission du Sénat approuve la nécessité de réduire ces allègements, elle a pointé le contexte économique difficile pour moduler le plan du gouvernement. La rapporteure générale de la commission Elisabeth Doineau a rappelé que ces allègements coûtaient environ 80 milliards d’euros par an aux finances publiques, dont 65 milliards à la Sécurité sociale.

Mais alors que le gouvernement veut limiter ces allègements dès les plus bas salaires, autour du Smic, avec jusqu’à deux points d’allègement en moins en 2025 et encore deux points de moins en 2026, les sénateurs ne veulent pas toucher aux allègements des plus bas salaires. Notamment car cela concerne en grande partie « les entreprises de nettoyage, de gardiennage, d'aide autour du domicile. Nous ne voulons pas pénaliser ces entreprises parce que nous estimons que leur marge n'est pas très importante, certaines souffrent déjà du contexte économique explique la rapporteure. La situation économique dans le pays est inquiétante et nous ne voulons pas trop de casse de l'emploi ».

En compensation, pour conserver les quatre milliards d’économie prévus, la commission propose que les allègements sur les cotisations sociales maladie et familiales ne concernent respectivement que les salaires jusqu’à 2,1 et 3,1 Smic, contre 2,5 et 3,5 Smic actuellement. Le gouvernement, lui, ne prévoyait que d’aller jusqu’à respectivement 2,2 et 3,2 Smic. Et, alors que le gouvernement prévoit d’arrêter les allègements au-delà de trois Smic en 2026, le Sénat plaide pour les arrêter après 2,05 Smic – sauf pour les Outre-Mer et l’agriculture. Le Gouvernement se dit prêt à négocier. « On est très ouverts à vouloir corriger les impacts sur les très bas salaires, c'est-à-dire les 1-1,2 SMIC », a ainsi assuré lors d’une audition devant le Sénat mardi 5 novembre la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet.

La commission a également voté un amendement pour instituer un comité de suivi des allègements généraux, afin d’évaluer leur efficacité et leur évolution possible. Coût de la mesure : un milliard d'euros. Par ailleurs, la rapporteure s’est dite favorable à la proposition gouvernementale que la prime de partage de la valeur soit prise en compte dans l'assiette de calcul des allègements. « De plus en plus de compléments de salaires qui n'entrent pas dans le calcul des cotisations, cette correction me semble utile ».

Ne pas asphyxier hôpitaux et collectivités

Représentants des collectivités territoriales, les sénateurs ont également assuré être attentifs à la situation des collectivités territoriales et des hôpitaux. En cause : le gouvernement veut leur faire payer plus de cotisations employeurs pour réduire le déficit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), à laquelle cotisent les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, en relevant le taux de cotisation de douze points en trois ans. Le Sénat a donc introduit un amendement pour que ce relèvement se fasse sur quatre ans, mettant en avant les énormes difficultés financières des hôpitaux et de certaines collectivités territoriales.

Bataille sur le ticket modérateur

Le Sénat se dit aussi décidé à limiter voire supprimer si possible - sans croire à cette seconde option, selon le président de la commission - la hausse du ticket modérateur (la part des dépenses non prise en charge par la Sécurité sociale) des consultations des médecins et sage-femmes, prévue par le gouvernement. Son objectif : transférer 1,1 milliard d’euros de dépenses de l’Assurance maladie vers les complémentaires santé. « Les arbitrages ne sont pas faits, rien n'est arrêté, mais nous faisons tout pour que l'option ne soit pas retenue », assure Corinne Imbert. Ce sujet n’est cependant pas inscrit dans le projet de loi, s’agissant d’une mesure réglementaire.

Attachée, selon ses dires, à « mieux maîtriser les dépenses de soin » et à « la pertinence de la prescription », la commission a introduit un amendement qui encourage l'utilisation du dossier médical partagé, pas assez utilisé selon les sénateurs, qui pourrait permettre d'éviter les doublons de prescription, et veut généraliser la carte vitale sécurisée pour lutter contre la fraude. Alors que le gouvernement institue un contrôle des prescriptions médicales par la Sécurité sociale avant remboursement, avec la publication d’un décret à ce sujet le 31 octobre dernier, la commission prévoit de limiter ce contrôle aux soins les plus onéreux ou à ceux à risque de mésusage.

Les sénateurs ont aussi affirmé soutenir les mesures de prévention introduites à l'Assemblée Nationale et reprises par le gouvernement dans la version transmise au Sénat, notamment la taxation plus forte des boissons sucrées, afin d’inciter les producteurs à diminuer les quantités de sucres, ce qui rapporterait, selon eux, 200 millions d’euros. Elisabeth Doineau a d’ailleurs expliqué qu’elle aurait même préféré que soient taxés l’ensemble des sucres dans ces boissons, et non seulement les sucres ajoutés. Mais le Sénat augmente les taux prévu par l’Assemblée : 4 % au lieu de 3,5 %, et 3,5 % au lieu de 2,8 %, et durcit le barème pour les boissons avec édulcorants. La taxation sur le sucre ajouté dans les produits ultra-transformés n’a en revanche pas été retenue par le gouvernement.

Par ailleurs, le Sénat entend taxer davantage les plateformes de paris sportifs en ligne, ce qui rapporterait également 200 millions d’euros. Quant au prix du tabac, il continuera également d’augmenter pour atteindre 13 euros l’an prochain, ce qui devrait rapporter 150 millions d’euros. Le Sénat assume en revanche de ne pas toucher aux taxes sur le vin et sur les courses hippiques, notamment en raison de leur importance économique.

Un jour de travail gratuit dans l’année ?

La commission des affaires sociales a aussi insisté sur la nécessité d’une loi grand âge, évoquée depuis longtemps, et prévoit donc d’introduire dans le cadre du PLFSS une mesure qui servirait notamment à financer cette future loi. Il s’agirait de sept heures de temps de travail supplémentaires dans l’année, effectué gratuitement par les salariés, à la répartition libre, dont les cotisations sociales correspondantes représenteraient deux milliards et demi d’euros supplémentaires.

Outre l’initiation de la loi grand âge, ces fonds seraient fléchés pour soutenir les établissements d’accueil des personnes âgées et handicapées, les départements qui financent l’aide à domicile, la réforme fauteuil roulant. Une mesure que le ministre de l’Economie, Antoine Armand, a jugée « intéressante ».

Les sénateurs socialistes ont de leur côté annoncé qu’ils allaient porter des mesures alternatives. « Ce PLFSS met à mal l’esprit de notre protection sociale. Il augmente très timidement les recettes, augmente drastiquement les dépenses, en les mettant à la charge des malades », a dénoncé, ce 13 novembre, la sénatrice socialiste Annie Le Houérou. Ils plaident notamment pour des « taxes comportementales » (sur l’alcool, le tabac ou le sucre) et pour aller plus loin que le gouvernement dans la réduction des allègements de cotisations, à huit millions d’euros. Le Sénat devrait discuter le texte jusqu’au 23 ou 26 novembre.

Un texte présenté au Sénat très semblable à la copie du gouvernement

Au final, le texte arrivé au Sénat le 8 novembre dernier, après l’examen par l’Assemblée Nationale, est essentiellement celui présenté initialement par le Gouvernement. En effet, fait inédit, la chambre basse du Parlement n’a pas réussi à aller au bout de l’examen du projet de loi. L’article 47-1 de la Constitution impose en effet un délai légal de vingt jours à l’Assemblée pour étudier le PLFSS une fois le texte transmis, et la « date couperet » tombait mardi 5 novembre.

Or, mardi minuit, il restait encore 400 amendements à étudier, sur 2400 au total. L’occasion pour le gouvernement de faire passer son texte au Sénat sans avoir recours à l’article 49-3 de la Constitution, qui permet une validation à l’Assemblée nationale sans vote. Une attitude vivement critiquée par de nombreux députés d’opposition, qui ont accusé le gouvernement et ses groupes d’avoir fait durer les débats pour que l’examen du texte n’aille pas au bout et que les amendements adoptés n’aient pas l’obligation d’être repris.

Le gouvernement a repris ses propres amendements déposés durant l’examen du texte par l’Assemblée nationale (face au peu de temps dont il disposait suite à sa nomination), notamment concernant le cumul emploi-retraite des médecins, la lutte contre la fraude sociale, la généralisation de la vaccination des collégiens contre la méningite et la réforme du calendrier des examens de prévention bucco-dentaires. Il a aussi annoncé qu’il redéposerait ses amendements qui n’avaient pu être discutés à l’Assemblée. Parmi les amendements parlementaires retenus, outre celui sur la taxe soda, ceux permettant le remboursement des tests permettant de détecter la soumission chimique.

Le projet de loi prévoit aussi une baisse du prix des médicaments et des dispositifs médicaux et du plafond des indemnités journalières pour arrêt maladie. Mais aussi le développement des maisons de santé, des services d’accès aux soins non programmés, des soins palliatifs, de la prise en charge de la santé mentale. Côté famille, le budget de la Sécurité sociale doit aider au développement du service public de la petite enfance à compter de 2025 et acter la réforme du complément de libre-choix du mode de garde.

De grandes modifications votées par l’Assemblée Nationales qui n’arriveront pas au Sénat

De leur côté, les députés avaient tout de même adopté la partie « recettes » du texte (à 126 voix pour et 98 contre), malgré un rejet du texte initial en commission des affaires sociales, mais n’ont pas eu le temps de procéder à un vote solennel du texte dans son ensemble. La version initiale du gouvernement avait été sensiblement modifiée, à tel point que le volet recettes avait été adopté par la gauche, avec une abstention du Rassemblement national, et une opposition des groupes de gouvernement, Ensemble pour la République et La Droite républicaine.

Les modifications adoptées supprimaient du texte plusieurs transferts financiers entre les branches de la Sécurité sociale, la hausse du reste à charge après consultation chez le médecin et l’article prévoyant que les administrations de la Sécurité sociale engrangent davantage de recettes que de dépenses. Surtout, la limitation des allègements de cotisations avait été rejetée, suite au vote des députés de la coalition gouvernementale elle-même, quand la gauche s’était prononcée pour.

En revanche, les députés avaient adopté la hausse de trois points du taux de CSG sur les revenus du capital et rendu obligatoire la mention du nutriscore sur tous les supports publicitaires. Les amendements adoptés par l’Assemblée prévoyaient notamment une hausse de 15 à 20 milliards d’euros de cotisations sociales, selon les députés. La gauche avait aussi réussi à faire adopter un amendement supprimant le rehaussement de l’âge légal de la retraite à 64 ans, un malus sur les entreprises enregistrant un taux trop élevé d’accidents du travail, ainsi qu’une extension des cotisations sociales aux dividendes, aux primes d’intéressement et aux primes de participation. Des députés de droite et d’extrême droite avaient quant à eux fait voter une mesure obligeant les retraités résidant à l’étranger à se rendre chaque année au consulat pour continuer de toucher leur retraite.

Aude David

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