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CHRONIQUE. (91) Tribunal d’Évry : « Vous savez ce que ça fait, les hurlements d'un petit enfant ? C’est comme des coups »

CHRONIQUE. (91) Tribunal d’Évry : « Vous savez ce que ça fait, les hurlements d'un petit enfant ? C’est comme des coups »
Publié le 29/11/2024 à 08:30

Mariem est une jeune femme de 27 ans qui vit seule avec ses deux filles depuis que leur père est incarcéré pour violences conjugales. Elle comparaît, ce mercredi 13 novembre, devant la 7e chambre du tribunal correctionnel d’Évry pour des violences contre sa plus jeune fille et des faits de soustraction à ses obligations légales.

C’est parce qu’elle n’en pouvait plus du vacarme incessant et des cris d’enfants que la voisine de Mariem a appelé la gendarmerie. Quand ils lui ont demandé ce qu’elle avait entendu, elle a dit : « Des hurlements d’enfant. J’entends souvent des cris, mais là c’était déchirant. »

Les gendarmes se sont présentés à la porte d’une maison avec jardin, à Saint-Vrain (Essonne), où Mariem vit avec ses deux filles de 4 et 2 ans et – avant qu’il ne soit incarcéré - son mari. Ils ont toqué une fois, deux fois, C. leur a ouvert. C’est un ami de Mariem. Il leur a dit : « Elle fait une crise de nerfs. Elle m’a mis des gifles. J’ai réussi à la maîtriser mais elle ne s’est pas calmée, et a mis une fessée à sa fille. » Léa, deux ans.

Mariem a été auditionnée à la gendarmerie. Elle était partie se reposer deux minutes dans sa chambre, et quand elle a ouvert les yeux, elle a compris immédiatement qu’elle avait laissé sa cadette sans surveillance. Elle s’est ruée dans la cuisine et a découvert un « carnage » : il y avait du Nutella partout, ça l’a mise hors d’elle et elle a grondé Léa, s’explique-t-elle. Mais elle ne l’a pas frappée. Les traces rouges ? « Des piqûres de moustique ». En fait, c’est quand elle a voulu nettoyer sa fille dans le bain que la fessée serait partie, raconte C., l’ami. La petite a eu un jour d’ITT. C’était le 18 mai.

Une autre voisine a été interrogée, et elle avait quelque chose d’important à dire. Depuis son jardin, elle a vu les petites jouer dehors, seules et enfermées à l’extérieur, visiblement peu ravies de ne pas pouvoir rentrer. La plus jeune a basculé dans une piscine au fond de laquelle stagnait un reste d’eau de pluie, et elle a vu la grande la tirer de là par les pieds. Mariem n’est pas intervenue, ce qui lui a valu une poursuite pour « soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la santé, la moralité ou l’éducation de son enfant ». Elle a aussi vu Mariem envoyer sa fille aînée valdinguer contre la porte, dans un accès de colère.

« J’ai fait une crise de craquage »

Toute vêtue de noir à la barre, Mariem nie les violences et plaide la difficile maîtrise de ses accès de colère. La présidente demande :

« Sur les violences ?

-  Ce jour-là, j’ai craqué, j’ai pris ma fille par la main, j’ai fait une crise de craquage et j’ai tiré fort pour l’emmener dans la salle de bain.

-     Expliquez-nous calmement.

-     Je faisais le ménage et je disais aux filles de ne pas faire de bruit en marchant pour ne pas énerver le voisin.

-     Les gendarmes ont auditionné l’aînée, qui a dit ‘Maman met des coups de pied à Léa dans le dos’.

-     Non, je n’ai jamais frappé ma petite fille dans le dos. Je ne dis pas qu’elle ment mais je n’ai pas frappé ma fille.

-     Et Monsieur C. ? Pourquoi a-t-il dit qu’il vous avait vu mettre une fessée à la petite ?

-     Je ne me rappelle pas.

-     Pourquoi ?

-     J’étais énervée. J’étais énervée.

-     C’est quoi, l’histoire de la piscine ?

-     C’est une petite piscine gonflable. Souvent la petite est dans le jardin et elle joue. Elle est tombée dedans, j’étais derrière la fenêtre et j’ai vu que sa sœur l’avait aidée, et y’avait rien.

-     Pourquoi vous n’aidez pas votre fille de 5 ans à sortir sa sœur de la piscine ?

-     Il ne se passait rien du tout.

-     Vous savez qu’un enfant petit peut se noyer dans une petite profondeur ?

-     Oui.

-     Ça ne vous choque pas de laisser votre fille comme ça ?

-     J’étais en train d’étendre le linge, je l’ai vue mais y’avait pas de danger.

-     Vous vous êtes sentie dépassée par deux enfants ? »

La prévenue émet un son étrange, comme si elle allait se mettre à pleurer.

« Pas du tout, mais j’ai un voisin qui me met beaucoup de pression. 

-     Le père, il sort quand ?

-     Dans trois semaines, peut-être.

-     Pourquoi a-t-il été condamné ?

-     Pour des violences conjugales.

-     Sur vous ?

-     Oui, mais il n’avait rien fait cette fois-ci, il a violé une interdiction et a été envoyé en prison. »

La juge assesseuse demande : « Pourquoi vous mettez-vous dans un tel état, pourquoi vous vous énervez ?

-     J’ai craqué, à cause du voisin.

-     Vous savez ce que ça fait les hurlements d’un petit enfant ? C’est comme des coups.

-     Je sais, je regrette. »

« J’espère que cette audience va permettre à madame d’avancer »

C’est ensuite l’avocate de l’administrateur ad hoc qui s’exprime. Elle intervient pour le conseil départemental, qui représente les intérêts des deux petites filles, placées après les faits. L’avocate explique que c’est une famille connue des services sociaux depuis 2022, qui fait l’objet de mesures d’aide éducative. Le père en est à sa quatrième condamnation pour des violences sur Mariem. « Il n’est pas admissible, Madame, de frapper vos enfants, mais on peut comprendre que vous soyez dépassée. Il faut l’admettre et accepter d’être aidée, c’est comme ça que vous pourrez les récupérer. »

Dans la même veine, la procureure remarque que « c’est compliqué pour Madame de gérer deux petites filles en très bas âge ». Elle s’inquiète en revanche que les faits ne soient pas pleinement reconnus. « J’espère que cette audience va permettre à Madame d’avancer. » Elle requiert 10 mois de prison avec sursis et 200 euros d’amende. Mariem a choisi de comparaître sans avocat. La présidente l’interroge : « Que souhaitez-vous dire pour votre défense ?

-     Je n’ai rien à répéter. »

La prévenue est condamnée à 10 mois de prison avec sursis et 100 euros d’amende.

Julien Mucchielli

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