Mariem est
une jeune femme de 27 ans qui vit seule avec ses deux filles depuis que leur
père est incarcéré pour violences conjugales. Elle comparaît, ce mercredi 13
novembre, devant la 7e chambre du tribunal correctionnel d’Évry pour
des violences contre sa plus jeune fille et des faits de soustraction à ses
obligations légales.
C’est parce
qu’elle n’en pouvait plus du vacarme incessant et des cris d’enfants que la
voisine de Mariem a appelé la gendarmerie. Quand ils lui ont demandé ce qu’elle
avait entendu, elle a dit : « Des hurlements d’enfant. J’entends
souvent des cris, mais là c’était déchirant. »
Les gendarmes
se sont présentés à la porte d’une maison avec jardin, à Saint-Vrain (Essonne),
où Mariem vit avec ses deux filles de 4 et 2 ans et – avant qu’il ne soit
incarcéré - son mari. Ils ont toqué une fois, deux fois, C. leur a ouvert.
C’est un ami de Mariem. Il leur a dit : « Elle fait une crise de nerfs.
Elle m’a mis des gifles. J’ai réussi à la maîtriser mais elle ne s’est pas
calmée, et a mis une fessée à sa fille. » Léa, deux ans.
Mariem a été
auditionnée à la gendarmerie. Elle était partie se reposer deux minutes dans sa
chambre, et quand elle a ouvert les yeux, elle a compris immédiatement qu’elle
avait laissé sa cadette sans surveillance. Elle s’est ruée dans la cuisine et a
découvert un « carnage » : il y avait du Nutella partout,
ça l’a mise hors d’elle et elle a grondé Léa, s’explique-t-elle. Mais elle ne
l’a pas frappée. Les traces rouges ? « Des piqûres de moustique ».
En fait, c’est quand elle a voulu nettoyer sa fille dans le bain que la fessée
serait partie, raconte C., l’ami. La petite a eu un jour d’ITT. C’était le 18
mai.
Une autre
voisine a été interrogée, et elle avait quelque chose d’important à dire.
Depuis son jardin, elle a vu les petites jouer dehors, seules et enfermées à l’extérieur,
visiblement peu ravies de ne pas pouvoir rentrer. La plus jeune a basculé dans une
piscine au fond de laquelle stagnait un reste d’eau de pluie, et elle a vu la
grande la tirer de là par les pieds. Mariem n’est pas intervenue, ce qui lui a
valu une poursuite pour « soustraction par un parent à ses obligations
légales compromettant la santé, la moralité ou l’éducation de son enfant ».
Elle a aussi vu Mariem envoyer sa fille aînée valdinguer contre la porte, dans
un accès de colère.
« J’ai
fait une crise de craquage »
Toute vêtue
de noir à la barre, Mariem nie les violences et plaide la difficile maîtrise de
ses accès de colère. La présidente demande :
« Sur les violences ?
- Ce
jour-là, j’ai craqué, j’ai pris ma fille par la main, j’ai fait une crise de
craquage et j’ai tiré fort pour l’emmener dans la salle de bain.
- Expliquez-nous
calmement.
- Je
faisais le ménage et je disais aux filles de ne pas faire de bruit en marchant
pour ne pas énerver le voisin.
- Les
gendarmes ont auditionné l’aînée, qui a dit ‘Maman met des coups de pied à Léa
dans le dos’.
- Non, je
n’ai jamais frappé ma petite fille dans le dos. Je ne dis pas qu’elle ment mais
je n’ai pas frappé ma fille.
- Et Monsieur
C. ? Pourquoi a-t-il dit qu’il vous avait vu mettre une fessée à la petite ?
- Je ne me
rappelle pas.
- Pourquoi
?
- J’étais
énervée. J’étais énervée.
- C’est
quoi, l’histoire de la piscine ?
- C’est
une petite piscine gonflable. Souvent la petite est dans le jardin et elle joue.
Elle est tombée dedans, j’étais derrière la fenêtre et j’ai vu que sa sœur l’avait
aidée, et y’avait rien.
- Pourquoi
vous n’aidez pas votre fille de 5 ans à sortir sa sœur de la piscine ?
- Il ne se
passait rien du tout.
- Vous
savez qu’un enfant petit peut se noyer dans une petite profondeur ?
- Oui.
- Ça ne
vous choque pas de laisser votre fille comme ça ?
- J’étais
en train d’étendre le linge, je l’ai vue mais y’avait pas de danger.
- Vous vous êtes sentie dépassée par deux
enfants ? »
La prévenue émet un son étrange, comme si elle allait se mettre à pleurer.
« Pas du tout, mais j’ai un voisin qui me met beaucoup de
pression.
- Le père,
il sort quand ?
- Dans
trois semaines, peut-être.
- Pourquoi
a-t-il été condamné ?
- Pour des
violences conjugales.
- Sur vous
?
- Oui,
mais il n’avait rien fait cette fois-ci, il a violé une interdiction et a été
envoyé en prison. »
La juge
assesseuse demande : « Pourquoi vous mettez-vous dans un tel état,
pourquoi vous vous énervez ?
- J’ai
craqué, à cause du voisin.
- Vous
savez ce que ça fait les hurlements d’un petit enfant ? C’est comme des coups.
- Je sais,
je regrette. »
« J’espère
que cette audience va permettre à madame d’avancer »
C’est ensuite
l’avocate de l’administrateur ad hoc qui s’exprime. Elle intervient pour
le conseil départemental, qui représente les intérêts des deux petites filles,
placées après les faits. L’avocate explique que c’est une famille connue des
services sociaux depuis 2022, qui fait l’objet de mesures d’aide éducative. Le
père en est à sa quatrième condamnation pour des violences sur Mariem. « Il
n’est pas admissible, Madame, de frapper vos enfants, mais on peut comprendre
que vous soyez dépassée. Il faut l’admettre et accepter d’être aidée, c’est
comme ça que vous pourrez les récupérer. »
Dans la même
veine, la procureure remarque que « c’est compliqué pour Madame de
gérer deux petites filles en très bas âge ». Elle s’inquiète en
revanche que les faits ne soient pas pleinement reconnus. « J’espère
que cette audience va permettre à Madame d’avancer. » Elle requiert 10
mois de prison avec sursis et 200 euros d’amende. Mariem a choisi de
comparaître sans avocat. La présidente l’interroge : « Que souhaitez-vous
dire pour votre défense ?
- Je n’ai
rien à répéter. »
La prévenue
est condamnée à 10 mois de prison avec sursis et 100 euros d’amende.
Julien Mucchielli