JUSTICE

COMMENTAIRE D'ARRÊT. Écrire ses dernières volontés pour s'assurer de les faire respecter

COMMENTAIRE D'ARRÊT. Écrire ses dernières volontés pour s'assurer de les faire respecter
Publié le 07/08/2024 à 07:00

Une attestation qui ne respecte pas l’article 202 du Code de procédure civile est soumise à l’appréciation du juge.

L’arrêt rendu le 14 février 2023 par la 1re chambre civile de la Cour de cassation (RG N°23-11.641) rappelle opportunément que les dispositions de l’article 202 du Code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité.

Les faits

Le 23 janvier 2023, une femme décède et ses parents ne sont pas d’accord avec son compagnon sur les modalités des funérailles, étant précisé qu’il n’y a pas eu de discussion sur la volonté de la défunte d’être incinérée. La divergence porte sur le devenir de ses cendres.

Les parents de la femme décédée entendaient voir l’urne funéraire de leur fille, être inhumée dans le caveau où son frère reposait dans l’Est de la France. Le compagnon prétendait que la défunte avait émis le souhait de voir ses cendres déposées à un Lac situé dans l’Hérault.

Le 31 janvier 2023, le Premier président de la cour d’appel de Reims rendait une ordonnance selon laquelle les cendres seraient déposées auprès du Lac, et qu’il appartenait au compagnon de la femme décédée d’organiser les funérailles aux motifs que la défunte n’avait laissé aucune disposition concernant l’organisation de ses funérailles, et que les attestations produites par les parents de la défunte ne comportaient pas toutes les mentions visées par l’article 202 du Code de procédure civile. C’est ce dernier motif qui a donné lieu à la cassation.

L’article 202 du Code de procédure civile

Ce texte dispose en son alinéa 2 que l’attestation mentionne : « les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que s’il y a lieu, son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles ».

Selon la jurisprudence, ces dispositions ne sont pas prescrites à peine de nullité, et les attestations qui ne comportent pas toutes les mentions prescrites par le texte constituent néanmoins, un commencement de preuve qui peut être corroboré par d’autres témoignages (CA Lyon, 2e chambre 6 juin 2011 RG N°10/02395). Dès lors, il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement si ces attestations non conformes, présentent ou non des garanties suffisantes pour emporter leur conviction. (Cass, 16 mars 2016 RG N°14-22.922)

En l’espèce, le compagnon de la défunte soutenait qu’elle souhaitait que ses cendres soient déposées auprès du Lac héraultais, et a produit des attestations pour justifier sa position. En appel, les parents de la défunte produisaient également des attestations dont les auteurs indiquaient au contraire, qu’elle désirait que son urne funéraire soit inhumée dans le caveau familial auprès de son frère décédé quelques semaines avant sa sœur.

Le Premier président de la cour d’appel de Reims a relevé que plusieurs attestations produites par les parents ne mentionnaient pas les date et lieu de naissance de leurs auteurs et leurs liens avec les parties, et les a déclarées irrecevables. Ainsi, il s’est déterminé uniquement en fonction de la régularité formelle des attestations, sans apprécier quelle pouvait être leur valeur probante intrinsèque, ce qui a conduit la Cour de cassation à le sanctionner. La position prise par la 1re chambre civile, doit être approuvée.

Le devenir des cendres

L’urne funéraire est une sépulture et à ce titre, bénéficie de la protection légale accordée à toute sépulture. L’article 3 de la loi du 15 novembre 1887 dispose que les désirs d’un défunt doivent être parfaitement respectés, et ses proches sont tenus de réaliser ses directives.

Dès lors, quand le défunt n’a laissé aucune directive ou s’est contenté d’émettre des souhaits oraux, les proches peuvent se trouver en difficulté, d’autant plus qu’en cas de désaccord, il leur appartient d’apporter la preuve de leurs allégations quant à la volonté présumée du défunt.

Les proches n’auront pas d’autres solutions que d’interroger l’entourage du défunt qui peut avoir recueilli ses souhaits ou ses confidences. Ainsi, il est conseillé de prévoir son mode de sépulture et ses funérailles afin d’éviter tout litige à ses proches.

Patricia Barthélémy
Avocate à la Cour


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