Aujourd’hui, en pleine pandémie, le secteur du mariage connaît une crise
sans précédent. À l’heure où l’horizon d’un déconfinement est encore flou,
comment le secteur entrevoit-il l’avenir ? Entretien avec Virginie
Mention, co-fondatrice et présidente de l’Assocem (Association des consultants
en mariage) et wedding planner chez Ceremonize.
En 2020, la grande majorité des acteurs de l’industrie du
mariage ont déjà perdu plus de 70 % de leur chiffre d’affaires, et plus de
deux tiers des fêtes de mariages ont été reportées en 2021. Qu’est-ce que ces
chiffres vous inspirent ?
Cela m’inspire une double peine : pour les mariés, d’abord, qui
voient une des plus belles journées de leur vie, dans laquelle ils ont investi
beaucoup de temps et d’argent, passer au second plan ; et de la peine bien
sûr pour les prestataires du mariage, qui n’ont plus aucune rentrée d’argent et
qui, potentiellement, auront une année 2021 voire 2022 très affectées. C’est
une crise sans précédent. Pour le secteur du mariage, les conséquences
financières sont très lourdes.
Le Fonds de Solidarité actuel et les aides vous
apparaissent-ils suffisants ?
Le Fonds de Solidarité et les aides mises en place par le gouvernement
ont le mérite d’exister. Ce n’est pas forcément le cas de tous nos voisins
européens. Ils ne sont malheureusement pas suffisants. Le Fonds de Solidarité
de 1 500 euros versé sur certains mois ne couvre pas la totalité des
charges auxquelles doivent faire face nos entreprises, et ce quelle que soit
leur taille. Il faut faire avec. Mais c’est là qu’on note la différence de
traitement entre les salariés, pour lesquels le chômage partiel a pu maintenir une bonne partie des salaires, et les
indépendants qui doivent composer avec les aides, et parfois reprendre un
travail alimentaire pour les compléter.
« Sur un mariage, il nous arrive souvent de faire
face à des imprévus, il faut donc savoir rebondir. Disons que cette crise est
un très gros imprévu. »
Diriez-vous que les
professionnels du mariage sont aujourd’hui les grands oubliés de la
reprise ?
Grâces aux actions menées avec
différentes associations et notamment l’UPSE (Union des Professionnels
Solidaires de L’événementiel), le
gouvernement a eu écho de nos difficultés, et ce dès le début de la crise
sanitaire. Malheureusement, nous sommes une industrie qui n’est pas prise au
sérieux. Le mot « mariage » semble faire sourire. Peut-être
pense-t-on
que les professionnels du mariage s’amusent le jour d’un mariage, passent leur temps
au buffet ou à danser ? Sans rien préparer en amont ? C’est en ce
sens que nous avons eu du mal à nous faire entendre, à être pris au sérieux. Il
a fallu montrer que l’industrie du mariage représente tout de même plus de
trois milliards de chiffre d’affaires, 230 000 mariages a
minima par an et plus de 55 000 entreprises
en France. Nous n’avons, à ce jour, aucune visibilité sur une possible reprise
de notre activité, mais je n’irai pas à dire que nous sommes les « grands
oubliés » car malheureusement, beaucoup d’autres secteurs n’ont pas plus
de visibilité.
À ce jour, les
mariages civils et religieux sont autorisés, mais pas les réceptions. Pourtant,
certains rassemblements « sauvages » sont organisés. Quel regard
portez-vous sur cette situation ?
C’était prévisible ! Et
c’est un point sur lequel le gouvernement a été alerté. C’est une très bonne
chose d’autoriser les mariages civils et religieux. Mais il est évident qu’à la
fin de la cérémonie, les invités ne vont pas se « checker » le coude (à défaut de pouvoir s’embrasser) et repartir chacun dans leur
coin ! Des réceptions de mariage sont organisées
sauvagement chez les mariés, la famille ou même dans des lieux loués sur des
plateformes entre particuliers ! Cela porte préjudice à notre industrie,
mais cela a surtout un grand impact sanitaire que nous déplorons.
En réponse à cette situation,
votre association, associée à trois autres (l’UPSE - Union des Prestataires
Solidaires de l’Évènementiel, La Demeure Historique - Association représentant
les Châteaux et Monuments Historiques ; et le Sydhev - Syndicat Professionnel des
Hébergeurs d’Évènements) réclame la possibilité d’organiser un
« mariage test ».
Pouvez-vous nous en
dire plus ? Quelle forme prendrait-il ?
À l’instar de concerts tests ou
matchs tests, l’idée est de proposer l’organisation d’un mariage test pour
démontrer que les mesures sanitaires peuvent être compatibles avec une
réception de mariage. Lors de ce mariage test, il s’agirait de mettre en
application le protocole sanitaire qui a été spécialement rédigé pour
l’industrie du mariage. C’est une solution qui a été proposée par l’UPSE pour
montrer que l’industrie du mariage est professionnalisée et est force de
proposition également. Il n’était pas envisageable de rester les bras croisés
en attendant que la crise prenne fin. Sur un mariage, il nous arrive souvent de
faire face à des imprévus, il faut donc savoir rebondir. Disons que cette crise
est un très gros imprévu.
Ces
mêmes associations avaient remis au gouvernement, à l’été 2020, un protocole sanitaire. De quoi s’agissait-il ?
En effet, l’UPSE a travaillé sur
une première version de protocole remise au gouvernement à l’été 2020.
Depuis, ce protocole a été
amélioré et enrichi. Il a été envoyé à nouveau fin février et il est
d’ailleurs en cours d’étude et de lecture au gouvernement. L’idée est de
décomposer toutes les mesures sanitaires pour chaque métier qui intervient sur
un mariage. On en dénombre une vingtaine, tout de même. Ceci afin de minimiser
les risques de transmission et permettre aux mariages de pouvoir se tenir en
toute sécurité.
Ce document détaille également le
protocole sanitaire à tenir avant la réception,
donc pendant les préparatifs et l’installation, mais aussi pendant les différents
moments de la journée, jusqu’à la fin du mariage. Il est aussi demandé aux
invités de se faire tester avant l’évènement et de nommer un référent sanitaire
qui sera le garant du respect des règles sanitaires. Tout en définissant
également les rôles et responsabilités de chacun, mariés et invités inclus.
Quel serait le rôle
de ce référent sanitaire ?
Le référent sanitaire est une
personne désignée par les mariés (cela ne pourra en aucun cas être les mariés
eux-mêmes). Il peut s’agir d’un invité ou d’un prestataire dédié à cette tâche,
comme par exemple un wedding planner. Ce référent serait la personne garante de
la bonne compréhension et application du protocole par les prestataires et
mariés en amont du mariage. Il devrait aussi s’assurer, le jour du mariage, du
respect des règles sanitaires de la part des invités, mais aussi des
prestataires : s’assurer que
les gels hydro-alcooliques soient bien prévus, et faire un éventuel réassort,
s’assurer que les masques soient bien mis à disposition des invités souhaitant
en changer ou ayant oublié le leur, etc.
Comment
envisagez-vous l’avenir ?
Plutôt sereinement. Je suis une éternelle positive. Je suis convaincue que l’industrie va repartir en
flèche dès que la crise sera passée. Il y aura d’une part tous les mariages de
2020 qui n’ont pas pu se tenir. À l’Assocem, au cours d’un sondage, nous
avons constaté que près de 70 % des réceptions de mariage n’ont pas pu se
tenir l’année dernière. À cela s’ajoutent tous les mariages de 2021 ! En voyant la tournure de la crise,
beaucoup de futurs mariés « 2021 » ne se sont pas engagés dans les
préparatifs. Ils n’attendent que le feu vert pour foncer. Le mariage reste une
valeur refuge. L’amour sera toujours présent, peut-être même plus fort après cette crise que nous traversons. Les relations sociales nous manquent
beaucoup et les fêtes ne seront que plus belles une fois cette crise passée. Mais il faut encore être patient, et
continuer à serrer les dents le temps que cette crise soit derrière nous .
Propos
recueillis par Constance Périn