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Covid-19 en Europe : quel impact sur la population carcérale ?

Covid-19 en Europe : quel impact sur la population carcérale ?
Publié le 03/12/2020 à 10:08


Les résultats d’une étude réalisée par l’Université de Lausanne pour le Conseil de l’Europe sur l’impact à moyen terme de la Covid-19 sur la population carcérale en Europe, publiée le 10 novembre dernier, montrent que la population carcérale a diminué entre le 1er janvier et le 15 septembre 2020. En France, on enregistre une baisse de 13,4 % à mi-septembre. Toutefois, l’Observatoire international des prisons alerte quant à la hausse des personnes détenues en France, et quant au nombre de cas confirmés, parmi les détenus, qui se multiplie.

 


Alors que l’Europe est frappée de plein fouet par la seconde vague de l’épidémie, quel impact la crise sanitaire a-t-elle sur la population carcérale en Europe ?

Si on s’intéresse en premier lieu aux contaminations en milieu carcéral, l’étude réalisée par l’Université de Lausanne pour le Conseil de l’Europe estime qu’au moins 3 300 détenus et 5 100 agents pénitentiaires auraient été infectés par la Covid-19, au 15 septembre, dans les 38 administrations pénitentiaires européennes ayant fourni des données.

 

BAISSE GENERALE DE LA POPULATION CARCERALE EN EUROPE

Focus ensuite sur la population carcérale elle-même. Un état des lieux chronologique nous indique que durant le confinement du printemps, la population carcérale en Europe a d’abord diminué. Puis, le taux d’incarcération est, de manière générale, resté stable dans la plupart des pays européens durant l’été. Cependant, entre juin et septembre, 12 pays ont vu leur population carcérale augmenter. Malgré tout, ces chiffres en hausse ne viennent pas modifier la tendance générale, et les taux de population carcérale à la mi-septembre étaient globalement inférieurs à ceux du début de 2020. Alors comment expliquer cette baisse ?


Les rédacteurs de l’étude mettent tout d’abord en avant la libération de détenus à titre de mesure préventive afin de réduire la propagation du virus. 25 administrations pénitentiaires auraient libéré au moins 143 000 détenus entre mars et septembre, dont la grande majorité en Turquie, qui, à elle seule, aurait libéré 114 460 personnes, soit près de 40 % des détenus du pays (pour rappel, le pays « comptait la seconde population carcérale d’Europe [la plus élevée] », précise l’étude). La Catalogne, Chypre, le Portugal, la France, la Slovénie et la Norvège figurent aussi parmi les administrations pénitentiaires ayant libéré une forte proportion de leur population carcérale.


Autre explication : d’après le professeur Marcelo Aebi, directeur de l’étude, la baisse de l’activité du système de justice pénale en raison du confinement et la diminution de la criminalité entraînée par cette période « qui a sans doute réduit les possibilités de commettre des infractions traditionnelles », précise l’étude, viendraient également justifier cette réduction. « Au 15 avril, le taux d’incarcération avait baissé de plus de 4 % dans 17 administrations pénitentiaires, et il était demeuré stable dans 29 administrations pénitentiaires. La Suède, qui n’a pas confiné sa population, a été le seul pays dans lequel ce taux a augmenté sur cette très courte période » pointent les universitaires.



Focus sur la France : LObservatoire international des prisons inquiet

En France comme dans la majorité des pays d’Europe, le taux de population carcérale était donc en baisse à la mi-septembre par rapport au début de l’année (-13,4 %), selon l’étude de l’Université de Lausanne. Comme l’expliquait l’Observatoire international des prisons dans un communiqué en date du 5 novembre, «grâce à des mesures volontaristes de libération anticipée combinées à la mise à l’arrêt forcé de la machine judiciaire, le pays avait connu pendant la première phase de la crise sanitaire une diminution sans précédent de sa population carcérale ». « Il y avait ainsi fin mai, pour la première fois en France depuis vingt ans, plus de places de prison que de prisonniers », se réjouit-il.



Mais depuis, l’augmentation du nombre de personnes détenues en France inquiète l’Observatoire : « Au 1er octobre, le nombre de personnes détenues s’élevait à 61 102, soit 2 400 de plus qu’il y a trois mois. Les prisons françaises ont désormais retrouvé un taux d’occupation moyen supérieur à 100 %, taux qui frôle les 115 % dans les maisons d’arrêt », alerte-t-il dans son communiqué.


Dans ce contexte sanitaire, l’Observatoire indique même que le nombre de cas confirmés parmi les détenus se multiplie, « passant de 47 le 5 octobre à 88 le 14, puis 117 le 20 octobre et, enfin, 178 le 4 novembre » affirme-t-il. Face à ce constat, l’association appelle le gouvernement à « mettre en œuvre des solutions permettant d’endiguer de manière pérenne la surpopulation carcérale ».


Pour rappel, suite à l’annonce du confinement, le garde des Sceaux avait transmis une dépêche aux chefs de cours et de juridictions et au directeur de l’administration pénitentiaire pour les « mobiliser pour lutter contre la propagation du virus ». Éric Dupont-Moretti leur avait ainsi demandé de privilégier les assignations à résidence. Son intention, s’était-il justifié, n’était pas de vider les prisons ou de laisser en liberté des criminels, mais d’adapter au mieux la réponse pénale à la nature de la délinquance en utilisant toutes les voies de droit (et pas seulement les incarcérations).

 

Constance Périn

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