Les
résultats d’une étude réalisée par l’Université de Lausanne pour le Conseil de
l’Europe sur l’impact à moyen terme de la Covid-19 sur la population carcérale
en Europe, publiée le 10 novembre dernier, montrent que la population
carcérale a diminué entre le 1er janvier et le
15 septembre 2020. En France, on enregistre une baisse de 13,4 % à
mi-septembre. Toutefois, l’Observatoire international des prisons alerte quant
à la hausse des personnes détenues en France, et quant au nombre de cas
confirmés, parmi les détenus, qui se multiplie.
Alors que l’Europe est frappée de
plein fouet par la seconde vague de l’épidémie, quel impact la crise sanitaire
a-t-elle sur la population carcérale en Europe ?
Si on s’intéresse en premier lieu
aux contaminations en milieu carcéral, l’étude réalisée par l’Université de
Lausanne pour le Conseil de l’Europe estime qu’au moins 3 300 détenus et 5 100 agents
pénitentiaires auraient été infectés par la Covid-19, au 15 septembre, dans les
38 administrations pénitentiaires européennes ayant fourni des données.
BAISSE GENERALE DE LA POPULATION CARCERALE EN EUROPE
Focus
ensuite sur la population carcérale
elle-même. Un état des lieux chronologique nous indique que durant le
confinement du printemps, la population carcérale en Europe a d’abord diminué.
Puis, le taux d’incarcération est, de manière générale, resté stable dans la
plupart des pays européens durant l’été. Cependant, entre juin et septembre, 12
pays ont vu leur population carcérale augmenter. Malgré tout, ces chiffres en
hausse ne viennent pas modifier la tendance générale, et les taux de population
carcérale à la mi-septembre étaient globalement inférieurs à ceux du début de
2020. Alors comment expliquer cette baisse ?
Les
rédacteurs de l’étude mettent tout d’abord en avant la libération de détenus à
titre de mesure préventive afin de réduire la propagation du virus. 25
administrations pénitentiaires auraient libéré au moins 143 000 détenus entre
mars et septembre, dont la grande majorité en Turquie, qui, à elle seule,
aurait libéré 114 460 personnes, soit près de 40 % des détenus du pays (pour
rappel, le pays « comptait la seconde
population carcérale d’Europe [la plus élevée] », précise l’étude). La
Catalogne, Chypre, le Portugal, la France, la Slovénie et la Norvège figurent
aussi parmi les administrations pénitentiaires ayant libéré une forte
proportion de leur population carcérale.
Autre
explication : d’après le professeur Marcelo Aebi, directeur de l’étude, la
baisse de l’activité du système de justice pénale en raison du confinement et
la diminution de la criminalité entraînée par cette période « qui a sans doute réduit les possibilités de
commettre des infractions traditionnelles », précise l’étude, viendraient
également justifier cette réduction. « Au
15 avril, le taux d’incarcération avait baissé de plus de 4 % dans 17
administrations pénitentiaires, et il était demeuré stable dans 29
administrations pénitentiaires. La Suède, qui n’a pas confiné sa population, a
été le seul pays dans lequel ce taux a augmenté sur cette très courte période »
pointent les universitaires.
Focus sur la France : L’Observatoire international des prisons
inquiet
En France
comme dans la majorité des pays d’Europe, le taux de population carcérale était
donc en baisse à la mi-septembre par rapport au début de l’année (-13,4 %), selon l’étude de
l’Université de Lausanne. Comme l’expliquait l’Observatoire international des
prisons dans un communiqué en date du 5 novembre,
«grâce à des mesures volontaristes de
libération anticipée combinées à la mise à l’arrêt forcé de la machine
judiciaire, le pays avait connu pendant la première phase de la crise sanitaire
une diminution sans précédent de sa population carcérale ». « Il y avait ainsi fin mai, pour la première
fois en France depuis vingt ans, plus de places de prison que de prisonniers »,
se réjouit-il.
Mais depuis,
l’augmentation du nombre de personnes détenues en France inquiète
l’Observatoire : « Au 1er octobre, le nombre de personnes détenues s’élevait à
61 102, soit 2 400 de plus qu’il y a trois mois. Les prisons françaises ont
désormais retrouvé un taux d’occupation moyen supérieur à 100 %, taux qui frôle
les 115 % dans les maisons d’arrêt », alerte-t-il dans son communiqué.
Dans ce
contexte sanitaire, l’Observatoire indique même que le nombre de cas confirmés
parmi les détenus se multiplie, « passant de 47 le 5 octobre à 88 le 14,
puis 117 le 20 octobre et, enfin, 178 le 4 novembre » affirme-t-il. Face à ce constat,
l’association appelle le gouvernement à « mettre en œuvre des solutions permettant
d’endiguer de manière pérenne la surpopulation carcérale ».
Pour rappel,
suite à l’annonce du confinement, le garde des Sceaux avait transmis une
dépêche aux chefs de cours et de juridictions et au directeur de
l’administration pénitentiaire pour les « mobiliser pour lutter contre
la propagation du virus ». Éric Dupont-Moretti leur avait ainsi demandé de privilégier les assignations
à résidence. Son intention, s’était-il justifié, n’était pas de vider les
prisons ou de laisser en liberté des criminels, mais d’adapter au mieux la
réponse pénale à la nature de la délinquance en utilisant toutes les voies de
droit (et pas seulement les incarcérations).
Constance Périn