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Cryptoactifs et cadre juridique : règlementation, risques et perspectives

Cryptoactifs et cadre juridique : règlementation, risques et perspectives
Publié le 22/11/2022 à 17:04

Un Français sur douze dispose d’un wallet crypto. Cela représente 8 % de la population totale en France. Ces chiffres ne cessent d’augmenter et correspondent à un public jeune.

 

Les cryptoactifs, de quoi parle-t-on ?

 

Les actifs numériques comprennent :

• les jetons mentionnés à l’article L. 552-2, c’est-à-dire tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien, et ce, à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1 et des bons de caisse mentionnés à l’article L. 223-1 ;

• toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement.

 

La définition française des actifs numériques contenue dans le Code monétaire et financier est explicite puisqu’elle prévoit qu’ils comprennent d’une part les jetons (tokens), et d’autre part les cryptoactifs.

 

Le législateur européen utilise l’expression « cryptoactifs » (en anglais crypto-assets) là où le législateur français utilise l’expression « actifs numériques » (article L. 54-10-1 du CMF).

 

Des risques de blanchiment des paiements de rançongiciels en crypto-actifs

 

Les rançongiciels – ou ransomwares – correspondent à une attaque dans le cyberespace prenant la forme d’un logiciel malveillant dont la fonction est de chiffrer et de bloquer l’accès aux données de la victime.

 

Les attaques par rançongiciels ont connu une croissance significative à l’échelle mondiale ces dernières années. Le FBI et l’agence fédérale américaine chargée de la cybersécurité (CISA) ont, par exemple, relevé une augmentation de 20 % du nombre d’incidents liés à un rançongiciels entre 2020 et 2019 et, lors du premier semestre 2021, un nombre de plaintes équivalant à celui de l’année 2020, soit plus de 2 000 plaintes et 16,8 millions de dollars de pertes associées.

 

Le suivi du paiement des rançons révèle des circuits de blanchiment en cryptoactifs professionnalisés.

 

En 2021, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) a traité 203 attaques par rançongiciels, contre 192 en 2020 et 69 en 2019, soit une augmentation de 194 % des incidents traités en deux ans. En parallèle, le parquet de Paris a été saisi de 397 cas en 2020 (+ 543 %, soit une multiplication par 8,6 par rapport à 2019) et prévoyait un doublement de ce nombre en 2021.

 

Les rançongiciels présentent des risques économiques majeurs pour les entreprises qui en sont victimes, et constituent une source supplémentaire de blanchiment de capitaux. L’opacité entourant le paiement de la rançon est en effet renforcée par le recours aux cryptoactifs, ce qui altère considérablement la traçabilité du circuit financier emprunté par la rançon.

 

En 2020 déjà, le ministre de l’Économie exprimait son souhait de « renforcer le contrôle des flux financiers » propres aux cryptomonnaies dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme.

 

Tracfin a transmis dix dossiers d’investigation portant sur une attaque par rançongiciel, dont huit à l’autorité judiciaire, exclusivement à destination de la section J3 du parquet de Paris, laquelle centralise les procédures ouvertes pour une attaque par rançongiciels et dispose d’une compétence nationale concurrente pour toutes les infractions relevant de la cybercriminalité. Les dossiers transmis identifient des enjeux financiers variant de 11 000 euros à 1,5 million d’euros, illustrant ainsi l’hétérogénéité des profils de victimes ciblées.

 

Les conséquences issues du mouvement de désintermédiation des services financiers

 

La finance décentralisée repose sur la décentralisation permise par la technologie blockchain et les cryptoactifs. Elle permet aux utilisateurs des réseaux blockchain d’échanger entre eux sur ces mêmes réseaux – essentiellement sur la blockchain Ethereum – des valeurs numériques au moyen d’applications financières construites sur des smart contracts.

 

Elle génère également ses propres infractions. D’après un rapport publié le 24 août par Elliptic, une société de recherche sur les blockchains, le phénomène de vols de NFT s’est largement répandu : plus de 100 millions de dollars de NFT ont été dérobés en un an et près de 4 600 NFT sur le mois de juillet 2022.

 

Cryptoactifs : accord sur de nouvelles règles pour stopper les flux illicites

 

Un premier règlement de l’UE afin de tracer les transferts de cryptoactifs, comme les bitcoins et les jetons de monnaie électronique, vise à garantir la traçabilité des cryptoactifs de la même façon que les transferts de devises traditionnelles.

 

Il existe également un projet de règlement européen sur les marchés de cryptoactifs, dit MiCA (Markets in Crypto-Assets). Il s’appliquera au sein des 27 États membres et comporte des mesures sur la supervision des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), la protection des consommateurs ainsi que de l’environnement.

 

Myriam Quéméner,

avocate générale près la cour d’appel de Paris,

docteure en droit

 

 

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