Le 30 août dernier, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances
et de la Relance, a présenté avec Élisabeth Borne, ministre du Travail, de
l’Emploi et de l’Insertion, Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des
Transports, Alain Griset, ministre délégué chargé des PME et Jean-Baptiste
Lemoyne, secrétaire d’État chargé du Tourisme, des Français de l’étranger et de
la Francophonie, les nouvelles aides destinées à soutenir les entreprises pour
sortir de la crise. Au programme : la fin du fonds de solidarité au 30
septembre 2021 qui sera remplacé par le dispositif de coûts fixes, des
changements dans le dispositif de l’activité partielle, etc. Des mesures en faveur
des indépendants sont également à l’étude.
Pendant la crise, le « quoi qu’il en
coûte » décrété par le président Emmanuel Macron le 12 mars 2020 peu
après le début du premier confinement a coûté 35 milliards d’euros pour le
fonds de solidarité, 35 milliards pour l’activité partielle,
10 milliards pour les exonérations de charges, soit 80 milliards d’euros
d’aides directes de subventions de l’État pour sauver les entreprises et éviter
un chômage de masse. Des chiffres rappelés, le 30 août dernier, par Bruno
Le Maire, lors d’un point presse à l’issue de la réunion sur l’accompagnement
des secteurs économiques affectés par la crise sanitaire.
À ces dépenses s’ajoutent plus de
160 milliards d’euros de différents prêts, notamment les prêts garantis
par l’État (PGE).
Il semble que tous ces sacrifices n’aient pas été
faits en vain puisque « l’activité économique du pays tourne à 99 %
de ses capacités d’avant crise » s’est félicité le ministre de l’Économie.
Une conjoncture si favorable que les experts
espèrent 6 % de croissance pour l’année 2021. Quant au taux de chômage,
Élisabeth Borne a annoncé que celui-ci se situait autour de 8 %, soit un
peu mieux qu’avant la crise.
La mise en place du pass sanitaire a certes eu un
impact défavorable sur certaines activités au début de sa mise en œuvre –
notamment dans les parcs d’attractions, les cinémas, et encore actuellement
dans les centres commerciaux…–, mais « [Il] n’a pas eu d’impact durable
sur l’activité économique du pays » a assuré Bruno Le Maire.
L’économie française est en voie de résilience.
C’est ce constat plutôt positif qui a amené le gouvernement à prendre la
décision de sortir du « quoi qu’il en coûte ».
Comité national de sortie de crise : mission et actions
Dès le 1er juin 2021, à Bercy, Bruno Le Maire et
Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux et ministre de la Justice, ont annoncé la
mise en place d’un comité national de sortie de crise dont le rôle consiste à
piloter le plan d’action d’accompagnement des entreprises en sortie de crise.
Ce comité réunit l’ensemble des acteurs de
l’économie, notamment les représentants des professions du chiffre et du droit,
les institutions financières, les fédérations d’entreprises, les organismes
consulaires ainsi que des représentants de l’État (U2P, Medef, Ordre des
experts-comptables, conseil national des barreaux, URSSAF, Conférence générale
des juges consulaires de France, etc.). Les représentants de tous ces métiers
siègent au sein du comité national de sortie de crise.
Cet organisme est actuellement dirigé par Gérard
Pfauwadel, conseiller national à la sortie de crise, ancien haut-fonctionnaire
et président d'Unigestion, entouré par une équipe resserrée qui comprend
Stéphane Tourte, chargé de la Mission d'accompagnement des entreprises à la
sortie de crise (MAESC), ancien directeur des particuliers au sein de la Banque
de France, Emmanuel Susset, secrétaire général de la Commission nationale des
sanctions entre 2016 et 2020, et Marc Auberger, inspecteur des finances pour le
fonds de transition.
Le comité s'est réuni pour la première fois le 22
juillet dernier. « Aucune entreprise ne doit se retrouver seule face à ses
difficultés. Nous devons leur apporter quelque part une réponse, quelle qu'elle
soit ! », a assuré Gérard Pfauwadel à cette occasion.
Lors de cette réunion, les participants ont
détaillé les engagements pour la mise en œuvre de ce plan aux niveaux national
et local : outils de détection des difficultés, supports d’informations et
de formation, entretiens gratuits et efforts sur les tarifs, accompagnement
personnalisé, traitement de la détresse psychologique, ou encore aide au rebond
en cas de cessation d’activité.
Le comité national est également décliné localement
avec un comité départemental de sortie de crise.
Ainsi, dans chaque département, un conseiller à la
sortie de crise a été désigné afin d’accueillir et conseiller les entreprises
en situation de fragilité financière.
Des mesures pour sortir du « quoi qu’il en coûte »
Le 30 août, le ministre de l’Économie, des Finances
et de la Relance a annoncé les mesures qui vont désormais remplacer les anciens
dispositifs mis en place au début de la crise.
Le premier changement de taille aura lieu dès le
30 septembre pour les entreprises. À cette date, le gouvernement a prévu
la fin du fonds de solidarité. Ce dispositif ouvert depuis mars 2020 pour faire
face à l’urgence a permis, rappelons-le, d’indemniser deux millions
d’entreprises pour un montant de 35 milliards d’euros.
Sa suppression se justifie par le fait que depuis
le mois de mai 2021, l’État fait face à beaucoup moins de demandes
d’indemnisation au titre du fonds de solidarité. Il y avait 500 000
demandes d’indemnisation en mai dernier, et seulement 50 000 au mois de
juillet, soit dix fois moins, a indiqué Bruno Le Maire.
Pour que la transition ne soit pas trop brutale, le
fonds de solidarité est maintenu tout le mois de septembre selon les mêmes
modalités que pour le mois d’août, c’est-à-dire une compensation de 20 %
des pertes de chiffre d’affaires, dès que l’entreprise justifie d’une perte d’au
moins 10 % de son chiffre d’affaires.
Il reste que l’État a imposé une nouvelle
contrainte pour le mois de septembre qui n’existait pas avant : les
entreprises doivent justifier d’un niveau minimum de chiffre d’affaires de
15 % pour pouvoir bénéficier de ce fonds de solidarité.
Pourquoi avoir imposé cette condition ?
« C’est qu’il y a des effets d’aubaine et qu’il y a certaines entreprises
qui, plutôt que de rouvrir, se disent “on préfère rester fermées et toucher le
fonds de solidarité.” Je ne veux pas d’effet d’aubaine dans l’aide qui est
apportée par l’État, c’est-à-dire par le contribuable français aux entreprises
en difficulté » a expliqué Bruno Le Maire.
À partir du 1er octobre, le fonds de solidarité
sera maintenu uniquement pour les départements et territoires d’outre-mer où la
situation sanitaire impose encore des fermetures administratives obligatoires,
a toutefois précisé le ministre.
En outre, à partir de cette date, c’est le
dispositif des coûts fixes qui prendra le relai. Il s’agit d’un dispositif qui
existe depuis longtemps et qui, contrairement au fonds de solidarité (un
soutien général et forfaitaire), est un mécanisme sur mesure en fonction de la
perte réelle à l’euro près.
Cette nouvelle aide s’adresse à toutes les
entreprises des secteurs dont l’activité est toujours pénalisée par les
restrictions sanitaires. Plus précisément, il s’agit des sociétés des secteurs
S1 et S1 bis (on trouve notamment dans ces deux catégories les hôtels, les
restaurants traditionnels, les débits de boisson, la pêche en mer, les éditeurs
de livres…). Mais alors qu’auparavant, les entreprises de ces secteurs devaient
réaliser un minimum de 1 million d’euros de chiffre d’affaires pour
pouvoir bénéficier du dispositif des coûts fixes, cela ne sera plus le cas désormais.
Ainsi, « un restaurant de deux ou trois
salariés, un bar, un hôtel plus modeste pourra avoir accès à ce dispositif de
coûts fixes » a annoncé le ministre de l’Économie et des Finances.
Cette nouvelle aide a pour ambition de couvrir
70 % des pertes d’exploitation pour les entreprises de plus de
50 salariés, 90 % des pertes d’exploitation pour les entreprises de
moins de 50 salariés, dans la limite de 1,8 million d’euros sur l’année
2021. Les petites entreprises seront donc davantage aidées que les grandes.
Une difficulté se pose cependant. Alors que le
dispositif du fonds de solidarité est facile à mettre en place puisqu’il s’agit
d’un dispositif général, le dispositif des coûts fixes, beaucoup plus précis,
« va donc prendre du temps, parce qu’il faut tout simplement avoir des
factures, avoir des pièces comptables pour faire cette indemnisation » a
prévenu le ministre de l’Économie.
Le gouvernement souhaite cependant que les délais
soient réduits par rapport à ce qui se fait actuellement. C’est pourquoi le
directeur des finances publiques, Jérôme Fournel, a été mandaté pour formuler
des propositions afin que ces délais diminuent, en particulier dans les petites
entreprises où l’indemnisation est seulement de quelques milliers d’euros.
Autre changement d’envergure : depuis le 31
août dernier, les aides au paiement des cotisations sociales ne sont plus
d’actualité (celles-ci représentaient une aide de 15 % de la masse
salariale pour les mois de juin à août). Conçues à l’origine pour encourager
les employeurs à réembaucher, celles-ci ne sont plus nécessaires puisqu’on
observe, au contraire, de nombreux employeurs qui souhaiteraient recruter
davantage, indique un communiqué de presse publié par le ministère de
l’Économie le 30 août.
Cependant, les nouvelles demandes d’exonération et
d’aide au paiement de cotisations sociales portant sur les mois postérieurs à
août 2020 ne sont désormais plus soumises au plafond de 1,8 million d’euros, a
précisé ce même communiqué.
Et quid du dispositif de l’activité partielle ?
Le régime de droit commun de l’activité partielle – c’est-à-dire un reste à
charge de 40 % pour l’entreprise –, est dorénavant appliqué à l’ensemble
des secteurs depuis le 1er septembre 2021.
Les entreprises des secteurs S1 et S1 bis qui
connaissent toujours des restrictions sanitaires telles que des jauges ou qui
connaissent une perte de chiffre d’affaires supérieure à 80 % continuent
cependant à bénéficier d’un reste à charge nul, peut-on lire dans le
communiqué.
En outre, le dispositif d’activité partielle de
longue durée, avec un reste à charge de 15 % pour l’entreprise, reste
disponible pour accompagner les entreprises connaissant une réduction durable
de leur activité.
L’ensemble de ces changements ne concernent –
encore une fois – bien évidemment pas les départements d’outre-mer dont un
grand nombre d’entreprises sont encore soumises à une interdiction d’accueil du
public.
Quant aux secteurs affectés par la crise sanitaire
de manière non pas conjoncturelle, mais structurelle – l’événementiel professionnel,
les agences de voyages, la montagne –, ces derniers « feront l’objet de
plans d’action, que nous dessinerons avec eux en nous appuyant sur les fonds
qui ont été dégagés pour l’accompagnement des entreprises en difficulté »
a promis le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance.
En outre, une clause de revoyure de ces
décisions a été fixée la première semaine du mois de novembre. Nous verrons
ainsi « avec les acteurs économiques si les décisions que nous avons
prises tous ensemble ce matin sont les bonnes et doivent être ajustées ou
non » a indiqué Bruno Le Maire.
Un soutien massif aux travailleurs indépendants
En parallèle de la mise en place de ces mesures
pour aider les entreprises à sortir de la crise, le 16 septembre, lors des
rencontres annuelles de l’Union des entreprises de proximités (U2P), le
président de la République, Emmanuelle Macron, a présenté 20 nouvelles mesures
de soutien aux indépendants. Ces derniers, qui représentent environ
2,9 millions d’actifs en France, ne doivent en effet pas être oubliés dans
la conjoncture actuelle de sortie de crise, d’autant plus que celle-ci les a
davantage exposés aux risques économiques liés à leurs activités.
Pour cette raison, le gouvernement a donc décidé de
déployer un vaste plan en faveur des travailleurs indépendants.
Objectifs : offrir aux entrepreneurs un cadre plus simple et protecteur au
moment de la création d’entreprise et les accompagner tout au long de
l’exercice de leur activité.
Ce plan comprend 20 mesures organisées autour
de cinq grands axes qui sont les suivants :
• créer un statut unique protecteur pour
l’entrepreneur individuel et faciliter le passage d’une entreprise individuelle
en société ;
• améliorer et simplifier la protection sociale des
indépendants ;
• faciliter la reconversion et la formation des
indépendants ;
• favoriser la transmission des entreprises et des
savoir-faire ;
• simplifier l’environnement juridique des
indépendants et leur accès à l’information.
« Nous nous sommes par ailleurs tenus à leurs
côtés durant la crise grâce à l’ensemble de nos dispositifs de soutien. Si les
dispositions déjà prises vont dans le bon sens, nous devons aller encore plus
loin pour mieux protéger les indépendants face aux accidents de la vie,
renforcer leur accompagnement – de la création d’entreprise jusqu’à sa
transmission – pour simplifier leurs démarches du quotidien. Dans la continuité
de l’action menée depuis près de cinq ans, et après le temps du soutien dans la
crise, et de la relance (…) » explique Emmanuel Macron dans un communiqué
paru le 16 septembre pour présenter le Plan indépendants.
L’ensemble de ces mesures seront applicables dès
janvier 2022, a promis l'Exécutif. Elles doivent en outre faire l'objet d'un
projet de loi spécifique via trois textes : un projet de loi dédié, le
projet de loi de finances et le projet de loi du financement de la Sécurité
sociale.
Même si l’ensemble de ces mesures sont
« insuffisantes » pour certains syndicats, comme independants.co ou
l’Union des autoentrepreneurs, « ce plan est une étape historique » a
toutefois reconnu le président de l'U2P, Dominique Métayer.
Pour le chef de l’État, l’ambition de ce plan va
au-delà de la simple reconnaissance d’une catégorie d’actifs : « Nous
devons réengager la nation tout entière dans cette culture du travail et du
mérite, c’est un combat culturel » a-t-il en effet argumenté.
C’est pourquoi « il faut s’assurer qu’il n’est
jamais plus rentable de ne pas travailler que de travailler ». Des propos
reçus avec soulagement et enthousiasme par les petits entrepreneurs qui sont en
général moins aidés par l’État que les chômeurs.
Maria-Angélica
Bailly