« Afin de faire toute la
lumière sur les irrégularités constatées » sur certaines pièces du réacteur
par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), les associations CRIIRAD, CRILAN,
Global Chance, Robin des Bois et le réseau « Sortir du nucléaire » ont déposé
un recours devant le Conseil d'État et une plainte contre X pour contester un «
démarrage précipité ».
L’EPR de Flamanville continue
de susciter de vives critiques de la part des opposants au nucléaire. Après
douze ans de retard dus à des problèmes techniques récurrents, mardi 7 mars,
l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait donné son feu vert pour la mise en
service prochaine de ce réacteur de nouvelle génération en Normandie, prévu
pour être connecté au réseau électrique cet été. Cependant, cinq associations –
CRIIRAD, CRILAN, Global Chance, Robin des Bois, et le réseau « Sortir du
nucléaire » – se sont élevées, mardi 23 juillet, contre ce qu'elles qualifient
de « démarrage précipité » et de « mise en service hâtive alors que
des questionnements restent sans réponse ».
Une plainte pour usage de
faux
Ces associations ont décidé
d'intenter deux actions en justice : un recours devant le Conseil d’État et une
plainte contre X auprès des parquets de Cherbourg et de Paris. Les accusations
portent sur l'usage de faux et des « défauts de surveillance » prévus
par le Code de l’environnement, et « au moins un des trois cas signalés
concernerait un fournisseur du chantier de l’EPR de Flamanville ». Leur
objectif : « faire toute la lumière sur les irrégularités constatées
par l’Autorité de sûreté nucléaire sur des pièces de l’EPR ». Greenpeace
France soutient ces démarches et s'est associé aux associations pour les deux
actions en justice, tandis que France Nature Environnement Normandie s’est
uniquement investie sur l'action pénale.
Les plaignants ont également
inclus dans leur dossier un courrier en date du 26 mars 2024, envoyé par l'ASN au
PDG d'EDF, Luc Rémont. Ce courrier exhortait l'entreprise à mener des
investigations sur les « risques d’irrégularité au sein de la chaîne
d’approvisionnement des matériels destinés aux réacteurs nucléaires » du
groupe : « Récemment, des irrégularités ont été mises en évidence au
sein de deux entreprises faisant partie de la chaîne d’approvisionnement d’EDF
et produisant des matériels destinés aux réacteurs nucléaires en fonctionnement
ainsi qu’au réacteur EPR de Flamanville », relatait ce courrier.
Des faux documents « pour
camoufler ces malfaçons » ?
Pour expliquer le
raisonnement derrière sa démarche, le réseau « Sortir du nucléaire » a exprimé
dans un communiqué son « étonnement » quant à la décision de mettre en
service l’EPR malgré les révélations de l’ASN. Il rappelle que l'ASN, « lors
de ses vœux à la presse 2024, dévoilait de nouveaux problèmes de contrefaçons,
falsifications et suspicions de fraude concernant deux entreprises produisant
des matériels destinés au réacteur EPR de Flamanville ».
Le réseau, qui regroupe
plusieurs associations anti-nucléaires depuis 1997, s’interroge sur la rigueur
d’EDF dans la surveillance de ses fournisseurs, se demandant si l'entreprise a
« correctement surveillé ses fournisseurs afin d’empêcher l’installation de
pièces non conformes sur son EPR ». Il pose également la question de savoir
si « des composants non conformes à des exigences essentielles de sûreté ont
été mis sur le marché ». L’ASN avait annoncé en janvier avoir signalé à la
justice trois situations de « fraudes avérées » en 2023, sans toutefois fournir
plus de détails.
Un retard qui pose problème
Enfin, le retard de la mise
en service est également dénoncé par les associations, qui estiment que le feu
vert de l’ASN a été donné « sous la contrainte de délais très serrés »
et visait « avant tout » à « éviter les conséquences juridiques d’un
énième report ». Selon elles, la mise en service de l’EPR ayant « déjà
été repoussée par décret » en 2017 et en 2020, avec une nouvelle échéance
fixée avant « le 10 avril ».
Bien que la date limite soit
désormais dépassée, l'ASN a néanmoins autorisé la mise en service du réacteur,
comme l'avait précisé mi-mars le gendarme du nucléaire à l’AFP. Pourtant, l’ASN
elle-même, explique dans un avis que ces délais ont pour but d’« éviter la
mise en service d’une installation dont l’environnement ne serait plus
compatible avec le fonctionnement » et de « ne pas laisser perdurer
l’autorisation de création d’une installation dont l’exploitant ne serait pas
en mesure d’achever la construction ».
Romain
Tardino