JUSTICE

EPR de Flamanville : plusieurs associations saisissent la justice pour contester la mise en service

EPR de Flamanville : plusieurs associations saisissent la justice pour contester la mise en service
Publié le 24/07/2024 à 17:17

« Afin de faire toute la lumière sur les irrégularités constatées » sur certaines pièces du réacteur par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), les associations CRIIRAD, CRILAN, Global Chance, Robin des Bois et le réseau « Sortir du nucléaire » ont déposé un recours devant le Conseil d'État et une plainte contre X pour contester un « démarrage précipité ».

L’EPR de Flamanville continue de susciter de vives critiques de la part des opposants au nucléaire. Après douze ans de retard dus à des problèmes techniques récurrents, mardi 7 mars, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait donné son feu vert pour la mise en service prochaine de ce réacteur de nouvelle génération en Normandie, prévu pour être connecté au réseau électrique cet été. Cependant, cinq associations – CRIIRAD, CRILAN, Global Chance, Robin des Bois, et le réseau « Sortir du nucléaire » – se sont élevées, mardi 23 juillet, contre ce qu'elles qualifient de « démarrage précipité » et de « mise en service hâtive alors que des questionnements restent sans réponse ».

Une plainte pour usage de faux

Ces associations ont décidé d'intenter deux actions en justice : un recours devant le Conseil d’État et une plainte contre X auprès des parquets de Cherbourg et de Paris. Les accusations portent sur l'usage de faux et des « défauts de surveillance » prévus par le Code de l’environnement, et « au moins un des trois cas signalés concernerait un fournisseur du chantier de l’EPR de Flamanville ». Leur objectif : « faire toute la lumière sur les irrégularités constatées par l’Autorité de sûreté nucléaire sur des pièces de l’EPR ». Greenpeace France soutient ces démarches et s'est associé aux associations pour les deux actions en justice, tandis que France Nature Environnement Normandie s’est uniquement investie sur l'action pénale.

Les plaignants ont également inclus dans leur dossier un courrier en date du 26 mars 2024, envoyé par l'ASN au PDG d'EDF, Luc Rémont. Ce courrier exhortait l'entreprise à mener des investigations sur les « risques d’irrégularité au sein de la chaîne d’approvisionnement des matériels destinés aux réacteurs nucléaires » du groupe : « Récemment, des irrégularités ont été mises en évidence au sein de deux entreprises faisant partie de la chaîne d’approvisionnement d’EDF et produisant des matériels destinés aux réacteurs nucléaires en fonctionnement ainsi qu’au réacteur EPR de Flamanville », relatait ce courrier.

Des faux documents « pour camoufler ces malfaçons » ?

Pour expliquer le raisonnement derrière sa démarche, le réseau « Sortir du nucléaire » a exprimé dans un communiqué son « étonnement » quant à la décision de mettre en service l’EPR malgré les révélations de l’ASN. Il rappelle que l'ASN, « lors de ses vœux à la presse 2024, dévoilait de nouveaux problèmes de contrefaçons, falsifications et suspicions de fraude concernant deux entreprises produisant des matériels destinés au réacteur EPR de Flamanville ».

Le réseau, qui regroupe plusieurs associations anti-nucléaires depuis 1997, s’interroge sur la rigueur d’EDF dans la surveillance de ses fournisseurs, se demandant si l'entreprise a « correctement surveillé ses fournisseurs afin d’empêcher l’installation de pièces non conformes sur son EPR ». Il pose également la question de savoir si « des composants non conformes à des exigences essentielles de sûreté ont été mis sur le marché ». L’ASN avait annoncé en janvier avoir signalé à la justice trois situations de « fraudes avérées » en 2023, sans toutefois fournir plus de détails.

Un retard qui pose problème

Enfin, le retard de la mise en service est également dénoncé par les associations, qui estiment que le feu vert de l’ASN a été donné « sous la contrainte de délais très serrés » et visait « avant tout » à « éviter les conséquences juridiques d’un énième report ». Selon elles, la mise en service de l’EPR ayant « déjà été repoussée par décret » en 2017 et en 2020, avec une nouvelle échéance fixée avant « le 10 avril ».

Bien que la date limite soit désormais dépassée, l'ASN a néanmoins autorisé la mise en service du réacteur, comme l'avait précisé mi-mars le gendarme du nucléaire à l’AFP. Pourtant, l’ASN elle-même, explique dans un avis que ces délais ont pour but d’« éviter la mise en service d’une installation dont l’environnement ne serait plus compatible avec le fonctionnement » et de « ne pas laisser perdurer l’autorisation de création d’une installation dont l’exploitant ne serait pas en mesure d’achever la construction ».

Romain Tardino

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