ENTREPRISE

En France, plus de la moitié des morts au travail sont consécutives à un malaise

En France, plus de la moitié des morts au travail sont consécutives à un malaise
Publié le 06/01/2025 à 15:39

L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles a publié, fin décembre, une analyse qualitative de ces incidents survenus entre 2012 et 2022. Avec cette donnée qui se démarque : l’ampleur du nombre de malaises cardiovasculaires, qui interviennent surtout chez les hommes issus du secteur du bâtiment.

Les malaises mortels au travail font moins l’objet d’articles de presse locale et d’enquêtes judiciaires que les accidents causés par un facteur externe - chute, intoxication, électrocution, accident de la route… -, mais ils sont pourtant la cause majoritaire des décès en entreprise chez les salariés relevant du régime général* : en 2022, en France, 57 % des morts au travail étaient consécutives à un malaise fatal.

En partant de données collectées dans la base nationale EPICEA (Étude de prévention par l’informatisation des comptes rendus d’accidents) entre 2012 et 2022, l’INRS a cherché à mieux qualifier ces malaises, définis comme des décès survenus sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail sans cause externe identifiée, pour comprendre et identifier leurs causes, afin d’ « améliorer [la] prévention des malaises mortels en entreprise ».

51 ans, l’âge médian des victimes

Plusieurs constats issus de l’étude donnent une idée précise des profils concernés : l’infarctus du myocarde est la principale cause de décès, 93 % des victimes sont des hommes, et dans trois cas sur quatre, la victime se trouve seule au moment du malaise. Les secteurs des transports et du bâtiment sont les plus représentés. L'âge médian de ces victimes : 51 ans. Et parmi les tranches d’âge les plus concernées, on retrouve notamment les 40-49 ans et les 50-59 ans.

Qu’entend-on exactement par « malaise » dans le contexte du travail ? Telle qu’entendue dans le cadre de la formation aux premiers secours dispensée en entreprise (« PSC1 »), il s’agit « d’une sensation pénible traduisant un trouble du fonctionnement de l’organisme, sans pouvoir en identifier obligatoirement l’origine sans appui médical. Cette sensation, parfois répétitive, peut être fugace ou durable, de survenue brutale ou progressive, et conduire dans certains cas à la perte de connaissance voire le décès ».

Le malaise mortel ou mort subite correspond à « un arrêt cardiorespiratoire brutal, inattendu, sans cause évidente, survenant chez un sujet ne présentant pas de condition pré-morbide ». Dans le milieu professionnel, les malaises conduisant à la mort sont principalement des accidents cardiaques (infarctus du myocarde…), des défaillances respiratoires ou des atteintes neurologiques (AVC…).

Mais parfois, d’autres causes entrent en jeu, en lien ou non avec les conditions de travail : l’exposition à des agents chimiques ou biologiques, des efforts physiques prolongés, un manque d’hydratation et/ou de sommeil, voire un choc psychologique important, liste de son côté la Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT). « Les malaises au travail peuvent également trouver tout ou en partie de leurs causes dans des éléments de santé de la victime (maladie, prise de médicaments, allergie, consommation d’alcool, stupéfiants dont cannabis, etc.) ».

« Au vu des récits figurant dans la base EPICEA, les malaises mortels correspondent à des morts subites de l’adulte, dont le mécanisme principal est l’infarctus du myocarde. Or, l’exposition des salariés à de nombreux facteurs de risques professionnels (risques psychosociaux, horaires atypiques, postures sédentaires, ambiances thermiques, polyexposition froid-bruit, risque chimique…) peut favoriser, à court, moyen ou long terme, la survenue de maladies coronariennes », analyse aussi l’INRS.

La France, une exception en Europe

En 2021, l’Hexagone accusait le quatrième taux le plus élevé d’accidents mortels au travail, selon Eurostat : 3,32 pour 100 000 travailleurs, soit près du double de la moyenne de l’Union européenne (1,76). La France est toutefois l’un des rares pays d’Europe à reconnaître et compter comme accident mortel au travail les malaises sans cause externe. Cette particularité la place de fait comme mauvaise élève, comparée à ses voisins européens.

« Ailleurs, il n’y a pas d’obligation déclarative des AT par les employeurs du même niveau que la nôtre. Un AVC, par exemple, ne sera pas reconnu dans la majorité des pays européens », explique dans le Monde Raphaël Haeflinger, directeur général d’Eurogip - un groupement d’intérêt public né sous l’égide de la CNAM, qui défend la prévention des risques professionnels à l’échelle européenne. Le quotidien avait consacré en 2024 une enquête sur les morts au travail, révélant « un problème systémique sur l’état de la santé et de la sécurité au travail dans les entreprises françaises ».

Renforcer la culture de prévention

Que faire, alors, pour mieux prévenir les malaises mortels au travail ? L’INRS dégage trois pistes : pour agir sur les facteurs de risques professionnels associés aux maladies coronariennes, elle préconise d’évaluer ces risques en amont et de mettre en place des actions de prévention. Notamment « analyser plus précisément certains types de risques auxquels sont exposés les salariés ou mécaniser certaines tâches ». 

L’institut suggère aussi d’améliorer l’organisation des secours dans l’entreprise, en sensibilisant les salariés et en formant des sauveteurs secouristes du travail en entreprise qui sachent comment réagir et qui connaissent les gestes de premier secours.

Enfin, pour assurer le suivi individuel de l’état de santé des travailleurs, l’INRS recommande de « vérifier que le suivi des salariés par les services de prévention et de santé au travail est effectué dans les temps impartis ; mettre à profit la visite de mi-carrière pour évaluer le risque cardiovasculaire du salarié et le retentissement des contraintes professionnelles auxquelles il est, ou a été, exposé ».

En 2023, le nombre de morts liés au travail a atteint 1 287, soit 60 de plus qu’en 2022.

Mylène Hassany

*L'étude porte sur les salariés relevant du régime général, et ne comprend donc pas les agents de la fonction publique, les marins-pêcheurs, les agriculteurs ou encore les autoentrepreneurs.


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