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En matière d’impôt de solidarité sur la fortune, la non-application de l’abattement de 30 % en cas de détention de l’immeuble par le biais d’une SCI est conforme à la Constitution

En matière d’impôt de solidarité sur la fortune, la non-application de l’abattement de 30 % en cas de détention de l’immeuble par le biais d’une SCI est conforme à la Constitution
Publié le 28/04/2020 à 14:40


Conseil constitutionnel, décision n° 2019-820 du 17 janvier 2020

 

Concernant l’établissement de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’espèce concerne les conditions d’application de l’abattement de 30 % sur la valeur vénale d’un bien immobilier lorsque celui-ci appartient à une société civile et qu’il constitue la résidence principale du redevable de l’impôt, propriétaire des parts de cette société.

En l’espèce, les requérants reprochent à l’article 885 S du Code général des impôts de limiter le bénéfice de l’abattement sur la valeur vénale réelle de l’immeuble occupé à titre de résidence principale aux propriétaires directs et d’en exclure ceux qui détiennent leur résidence principale par l’intermédiaire d’une société civile immobilière dont elles sont les associées. Il en résulterait une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

Dans un arrêt du 17 octobre 20191, la Cour de cassation estime que la question posée présente un caractère sérieux, du fait que la détention de la résidence principale par l’intermédiaire d’une SCI n’ouvre pas droit à l’abattement de 30 % et renvoie la question au Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel considère que cette disposition est conforme à la Constitution.

En premier lieu, l’article 885 S du Code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, énonce que « la valeur des biens est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès. (…) un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire (…) ».

Le Conseil constitutionnel valide ces dispositions au regard du principe d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

D’une part, selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Selon le Conseil, le principe d’égalité n’exclut pas que le législateur déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général si la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

D’autre part, selon l’article 13 de la Déclaration de 1789, « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Pour assurer le respect du principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

Dans cette logique, le Conseil constitutionnel procède d’abord à une analyse stricte mais imparable de la notion de propriétaire.

En principe, l’immeuble constitue un élément du patrimoine de la société civile immobilière et lui appartient en propre.

Ce faisant, les associés de la société civile ne sont propriétaires que des parts de cette société. Ils ne disposent pas des droits attachés à la qualité de propriétaire des biens immobiliers appartenant à celle-ci.

Le Conseil distingue la valeur de l’immeuble de celle des parts de la société détenant cet immeuble qui peut donc faire l’objet de règles d’évaluation spécifiques.

En conséquence, le législateur fait une différence de traitement, fondée sur une différence de situation, en rapport direct avec l’objet de la loi en réservant le bénéfice de l’abattement de 30 % sur la valeur vénale réelle de l’immeuble aux redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune qui occupent à titre de résidence principale un bien dont ils sont propriétaires.

Cette décision du Conseil constitutionnel relative à l’ISF est pertinente concernant l’Impôt sur la Fortune Immobilière.

En effet, l’article 973, I-al. 2 du CGI prévoit le même abattement de 30 % sur la résidence principale.

La résidence principale2 est l’immeuble ou la partie d’immeuble constituant la résidence habituelle et effective du redevable, c’est-à-dire le logement dans lequel le redevable réside effectivement et de manière habituelle pendant la majeure partie de l’année.

Enfin, le régime appliqué à l’ISF est différent de celui applicable en matière de plus-value immobilière dans la mesure où l’associé d’une société immobilière non transparente3 qui occupe, à titre de résidence principale, un immeuble appartenant à cette société et que celle-ci met, en droit ou en fait, gratuitement à sa disposition, bénéficie, en cas de cession à titre onéreux de cet immeuble, de l’exonération prévue en matière d’habitation principale, de la même manière que s’il en avait été lui-même propriétaire4.


1) Cass. com., 17 oct. 2019, n° 19-14.256.

2) Au sens du deuxième alinéa de l’article 973 du CGI.

3) Qui relève de l’article 8 du CGI.

4) Débats Sénat du 24 novembre 2003, JO Sénat n° 108 S CR du 25 novembre 2003.

 

 

 

Jean Lefebvre,

Docteur en droit privé,

Chargé d’enseignement aux Universités de Toulouse et d’Angers



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