DROIT

Entre bilan et revendications appuyées, le 120e Congrès des notaires en ordre de marche

Entre bilan et revendications appuyées, le 120e Congrès des notaires en ordre de marche
Publié le 27/09/2024 à 13:08

Lors de la séance d’ouverture solennelle du 120e Congrès des notaires, à Bordeaux,  la thématique de l’événement - l’urbanisme durable - a quasiment été éclipsée par les revendications de la présidente du CSN, Sophie Sabot-Barcet, auprès de la nouvelle directrice des Affaires civiles et du Sceau. L’occasion d’épingler les « expériences de laboratoire d’économie appliquée » au détriment de la profession. La matinée a également été pimentée par le discours de Guillaume Guérin, vice-président de l’AMF, qui a fustigé les contraintes de la Loi Climat et Résilience de 2021, et dont les prises de position radicales, approuvées par le public, ont tranché avec l’engagement optimiste des membres du directoire.  

Un état des lieux du notariat aux airs d’introspection. En ouverture (officielle) du 120e Congrès des notaires, qui se déroule du 25 au 27 septembre à Bordeaux, et à l’approche de la fin de son mandat qui « expire dans un mois », l’heure était « au bilan », pour Sophie Sabot-Barcet. La présidente du Conseil supérieur du notariat a profité de l’occasion pour recenser une grande partie des politiques, réformes et actions, conduite par le notariat depuis 10 ans. Au sommaire, la formation, la discipline, la déontologie, les inspections, les instances, lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCBFT), la dématérialisation mais encore l’obligation de renseignement des bases immobilières.

« Il faut rompre avec l’esprit de système »

Représentante d’une profession en proie à un « retournement conjoncturel », elle a par ailleurs auguré qu’en 2024, le chiffre d’affaires de la profession se situerait « probablement au moins 13 % en dessous celui 2022 », pointant du doigt « l’esprit de système avec lequel il faut rompre, avant que la lassitude et peut-être la colère ne gagne les rangs ».

Epinglant un système basé sur « des expériences de laboratoires d’économie appliquée » au détriment d’un travail « en intelligence collective », l’intervention de Sophie Sabot-Barcet est montée en tension, au moment de mentionner les retards et les « occasions manquées », impliquant la « très occupée » Chancellerie. « Nous constatons depuis des années une dilution des responsabilités dans la sphère publique, liée à la multiplication des discontinuités et à l’éparpillement des responsabilités au sein de tout l’appareil public ».

Offensive, Sophie Sabot-Barcet a saisi l’opportunité de son discours de 12 pages appris par cœur et récité sans embuche devant Valérie Delnaud, nommée DACS le 2 septembre dernier, pour dénoncer avec insistance « le mécanisme proprement infernal et implacable aux allures technocratiques » de la carte d’installation, de l’adaptation du tarif des notaires et du tirage au sort. Pour s’arrêter finalement sur la demande d’une évaluation rapide des impacts et des imperfections de la Loi Croissance.

Une intervention suivie par le discours (aux allures de droit de réponse) de Valérie Delnaud, qui représentait le nouveau garde des Sceaux, attendu au 120ème Congrès des Notaires mais empêché pour cause d’imprévu. Sur un ton conciliant, la DACS a évoqué l’importance du notariat dans le paysage juridique français et la nécessaire concertation entre les services du ministère de la Justice et le CSN, pour faire avancer les projets en cours et les projets à venir.

Se remettre en question face aux enjeux de la transition

Durant cette séance d’ouverture solennelle, était également au cœur des interventions la thématique de ce 120e cru, particulièrement en phase, comme l’exposait Delphine Detrieux, Présidente de la Chambre des notaires de Gironde, avec le territoire qui l’accueillait : « Ici, nos viticulteurs doivent d’ores et déjà adapter leurs pratiques face à des phénomènes tels que le gel tardif, les sécheresses ou les épisodes de précipitation excessives, qui perturbent la production, réduisent les rendements et affectent la qualité des raisins ».

Tout autant que la ville, le littoral girondin représente une zone particulièrement vulnérable, le recul du trait de côte pouvant atteindre par endroit plusieurs mètres par an. Particulièrement fragiles, les forêts du département craignent également d’être détruites par des étés de plus en plus chauds et secs, à l’image du feu géant du 12 juillet 2022 qui avait brûlé plus de 20 000 hectares à Landiras. Des exemples « de terrain » qui traduisent aisément le rôle actuel des notaires d’aujourd’hui, désormais contraints d’accompagner et de conseiller une population dont les préoccupations environnementales prennent de plus au plus de poids, au sein de leurs études.

Pour Hervé de Gaudemar, rapporteur général du Congrès, « les motifs d’inquiétude ne manquent pas : gonflement des sols argileux fragilisant de nombreux bâtiments, éboulements de montagne, conflits sur l’usage de l’eau… ». Autant de raisons qui, selon lui, exigent un congrès « réaliste, engagée et pragmatique », conscient, parallèlement que « le droit de l’environnement s’est imposé dans l’ordre juridique » et que « la notion de développement durable s’est répandue dans les textes normatifs et déclarations internationales », à l’instar de la décision du 9 avril 2024 [1]de la Cour européenne des droits d’Homme ou de celle du Conseil Constitutionnel du 31 janvier 2020[2].