Alors que le retour en présentiel se profile,
comment les entreprises se préparent-elles à accueillir leurs salariés ?
Fondateur du cabinet Whistcom, Charlie Clarck est expert en stratégie orale.
Dans un entretien accordé au JSS, ce dernier
considère cette nouvelle voie très bénéfique, mais encore faut-il que les
managers et les dirigeants prennent le temps de l’organiser.
Quels outils les manager peuvent-ils mettre en place afin
d’assurer une reprise en présentiel optimale ? Dans ce contexte
« hybride », quels conseils donneriez-vous aux dirigeants pour
assurer une bonne communication avec leurs salariés ?
À court
terme, je conseillerai en premier temps de « fêter » ce retour. Le
premier écueil que pourrait faire un dirigeant serait de considérer ce retour
en présentiel comme un retour à la normale, et de faire comme si rien n’avait
changé depuis plus d’un an. Je conseille au contraire de marquer le coup, de
célébrer ce retour au collectif, qui était attendu par beaucoup.
« Ce serait une erreur de penser qu’un
modèle global
encadrant le télétravail pourrait s’appliquer à tous les salariés
de l’entreprise.
Cela se fait au cas par cas, selon les services. »
Rappelons
qu’il y a plus d’un an, la normalité en entreprise était le présentiel. En
effet, seule une minorité d’entre elles proposaient le télétravail. Puis, en
mars 2020, nous avons tous été confinés, et avons dû nous adapter, du jour au
lendemain, aux règles du télétravail, sans préparation ni accompagnement.
Depuis, le distanciel s’est installé majoritairement. Ce retour en présentiel
lance la troisième voie qui s’ouvre à nous.
Après avoir
fêté ce retour, la seconde étape consistera à installer cette troisième voie.
En effet, nous ne travaillons plus comme nous le faisions il y a un an, aussi,
il faut prendre le temps de se réorganiser. Je conseille alors aux managers et
leurs équipes de se mettre autour de la table pour trouver le meilleur
équilibre. Ce serait une erreur de penser qu’un modèle global encadrant le
télétravail pourrait s’appliquer à tous les salariés de l’entreprise. Cela se
fait au cas par cas, selon les services. Selon les missions de chacun,
certaines équipes privilégieront deux jours de télétravail, quand d’autres
profiteront de trois jours. L’objectif est d’allier efficacité et lien humain.
Il serait également dommage de tomber dans l’écueil où l’État imposerait un
modèle d’organisation. C’est au niveau des équipes, en fonction des missions de
chacun que cela doit se faire, via un modèle adapté.
Quels impacts le déploiement du télétravail et cette nouvelle façon de
travailler à distance auront-ils, selon vous, à long terme, sur le monde du
travail ?
C’est sûr,
nous ne travaillerons plus comme nous le faisions avant la pandémie. La crise
de la Covid-19 a ouvert la voie au télétravail, a accéléré et a généralisé sa
mise en place. Un dirigeant sur deux déclare d’ailleurs avoir gagné en qualité
de vie. En effet, il est apparu primordial de concilier vie personnelle et vie
professionnelle, et le télétravail peut, dans ce sens, être un atout. Face aux
bienfaits liés au télétravail, les dirigeants n’ont pas le choix, ils ne
pourront pas revenir en arrière.
Le but est
de trouver un nouveau modèle, naissant de l’équilibre entre les deux formats,
en gardant le meilleur de chacun. À mon sens, le travail s’organisera en deux
temps : l’humain et la créativité en présentiel, favorisée par la
prolifération des échanges, et l’efficacité et la productivité en télétravail.
Reste donc à créer les conditions du renouveau, avec, au cœur, la stimulation
entre les équipes. L’hybridation que l’entreprise va choisir va devenir un
argument de communication pour attirer les candidats lors des recrutements. Le
projet humain de l’entreprise aura son importance. Cela fera désormais partie
de l’image de marque de la société.
Toutefois,
cette 3e voie inquiète, car elle demande inévitablement
l’acquisition de nouvelles compétences, qui vont très largement reposer sur les
managers. C’est à lui que revient la tâche d’assurer le lien avec ses équipes,
même à distance. Il va donc falloir qu’il assume désormais des réunions avec
une partie de l’équipe dans la salle, et une autre via écrans interposés. Cela
demande indéniablement des compétences techniques et humaines. C’est à lui
d’animer la réunion, il va devoir organiser l’hybridation. On va beaucoup lui
en demander. Il devra même parfois assurer le lien avec des salariés qu’il n’a
jamais croisés, qui vivent à plusieurs centaines de kilomètres des locaux de
l’entreprise. Durant le confinement, nous nous sommes aperçu que la communication
était au centre des problématiques des managers. Elle sera aussi l’outil clé de
ce format hybride qui s’installe ; afin que le salarié se sente considéré.
Justement, le numérique permet-il le maintien des liens
humains ? Comment utiliser correctement ces outils, parfois considérés
comme déshumanisants ?
Le
numérique, et j’entends par là la visio, recréé quasiment à 100 % une
prise de parole normale. Quand on regarde un film par exemple, on ressent de
l’émotion, parfois très fortement. Il en est de même pour la visio lors des
réunions de travail. Je dirais même que nous gagnons en efficacité, les
réunions étant souvent beaucoup plus courtes en visio qu’en présentiel. Mais
encore faut-il bien utiliser les outils. Il y a en effet des clés à connaître.
Premièrement, lors des réunions à
distance, nous conseillons à l’intervenant (ici, le manager) d’allumer sa
caméra. Il doit s’adresser à elle comme il le ferait à une personne qui se
trouverait en face de lui. La caméra est le vecteur entre lui et les membres de
son équipe. Malgré la distance, il faut que le salarié se sente au centre de
l’attention. Le manager s’adresse à LUI, et l’image est un outil pour y
parvenir. À ce sujet, les études menées en communication sont très claires.
Pour convaincre et motiver son auditoire, il y a trois dimensions à prendre en
compte : ce qui se voit, ce qui s’entend (et les silences en font partie)
et ce qui se comprend (les mots). Ce qui se voit correspond à 56 % de
l’impact du discours. C’est dire l’importance du visuel ! Nous mettons
ainsi en garde les intervenants qui se cachent derrière des slides, via un
partage d’écran. Dans le temps, ce procédé risque de perdre l’auditoire et
parasiter les mots.
Nous
conseillons aussi, à chaque début de réunion, de réaliser un tour de table
rapide durant lequel chacun se présente et explique la raison de sa présence.
Mais d’introduire la réunion et d’intégrer chaque membre, mais également de
répondre au risque de la « zoom fatigue », où certains se demandent
parfois pourquoi ils sont là. Cette façon de débuter une réunion est, à mon
sens, à conserver aussi en présentiel.
Il est
enfin important que la réunion soit suivie d’actions. C’est le but de chaque
réunion.
Ce nouveau mode de travail
hybride nous fait prendre conscience encore plus clairement que la
communication est le ciment qui fédère les équipes et leurs membres. Cela
permet de créer l’échange ! Désormais, il sera donc aussi demandé au
manager des compétences d’animateur, car le salarié doit, en présentiel comme
en distanciel, se sentir considéré. Il en va de son bien être. Rappelons qu’un
collaborateur qui se sent épanoui au travail gagne en efficacité. C’est le
schéma vertueux de la productivité.
Propos
recueillis par Constance Périn