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Entreprise : la Charte internationale pour une IA inclusive souffle sa première bougie

Entreprise : la Charte internationale pour une IA inclusive souffle sa première bougie
Publié le 14/05/2021 à 12:16

 

Le 21 avril dernier, sous le haut patronage de Cedric O, Secrétaire d’État chargé du Numérique de la République française, Arborus a célébré le premier anniversaire de la première charte internationale pour une intelligence artificielle (IA) inclusive, une charte qui défend une intelligence artificielle responsable et non discriminante. L’occasion aussi de fêter ses 100 premiers signataires (grands groupes, entreprises, associations, institutions) et de souligner l’engagement de la France et de ses acteurs politiques, économiques et associatifs, comme porteurs d’un mouvement pour une IA socialement et éthiquement responsable, juste et inclusive.

 


Faisant, depuis sa création en 1995, la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le monde à travers notamment la diffusion d’un standard européen et mondial avec le label européen et international GEEIS (Gender Equality European & International Standard), l’association Arborus s’adapte au monde qui l’entoure et aux modes de travail des entreprises qui évoluent. Elle s’est ainsi ouverte depuis l’année dernière à l’IA, à travers le lancement d’une charte internationale pour une IA inclusive, qui célébrait, le 21 avril dernier, via un live depuis Bercy, son premier anniversaire. Ce document, qui se veut être une référence pour l’ensemble des entreprises engagées en faveur de l’égalité des chances, a pour vocation de garantir une intelligence artificielle conçue, déployée et opérée de manière responsable et inclusive. Une centaine de signataires se sont déjà engagés dans cette voie. Parmi eux se trouvent des grands groupes (Accenture, Danone, EDF, L’Oréal, Metro, Orange, Sodexo, etc.), des entreprises de la Tech (Gandi, 50 in Tech, Technion, DOPTIM, Wave Autos, Awebi, Swiss Ingineering, The Good AI, AB5 Consulting, La Forge, Bruce, Dokki), des associations spécialisées (Social Builder, IA pour tous, Fondation Femmes@Numérique, WomenVAI, PWN, Syntec Numérique, Global Contact, Creative Resolution, etc.) et des institutions (université de Genève, ELM Lyon, université Rennes II, Institute of NeuroCognitivism, etc.).

 


La crise Covid comme accélérateur des inégalités

Malgré la crise sanitaire qui perdure, la présidente et fondatrice d’Arborus, Cristina Lunghi, se dit fière d’a voir pu organiser cette célébration, « ce qui démontre que cet événement est un événement majeur » assure-t-elle. « Cet anniversaire est un grand jour, car nous portons la vision d’un monde nouveau et nous voulons le meilleur, car inclusif, un grand jour, car nous voulons relever les défis du numérique », se réjouit-elle.

Il y a un an en effet, en plein confinement, Arborus lançait, sous le patronage du Secrétaire d’État chargé du Numérique de la République française Cédric O, et en partenariat avec le groupe Orange1, la charte internationale pour une IA inclusive.

Son lancement en avril dernier n’est pas un hasard. En effet, la crise sanitaire a placé le numérique au cœur de nouvelles pratiques : à l’heure de la Covid-19, l’IA s’est développée deux fois plus vite qu’en temps normal, souligne Cristina Lunghi. Source de progrès, et ce da ns de nombreux domaines (éducation, environnement, santé…), reconnait-elle, l’IA peut « aussi devenir un réel danger », met en garde la corédactrice de la charte. Car, la crise nous a aussi fait prendre conscience de l’impact des inégalités, tant « sur le plan économique, politique, sanitaire, environnemental, social, mais aussi personnel ». De nouvelles perspectives guidées par l’urgence sont apparues, de nouvelles méthodes aussi, qui doivent porter l’empreinte de la solidarité, pointe la fondatrice d’Arborus. « La crise de la Covid-19 a fait émerger l’urgence à agir, et à agir ensemble », affirme-t-elle. Aussi, pendant le premier confinement, Arborus et ses partenaires ont travaillé à la rédaction d’une charte, en partant du principe que la promesse de l’IA ne saurait se réaliser pleinement qu’en la concevant et la déployant de manière inclusive. Pour Cristina Lunghi, l’IA doit donc se construire au service de tous et de toutes. C’est, selon elle, un sujet « majeur, stratégique et humaniste ». Un « sujet d’une importance croissante », appuie Delphine O, ambassadrice et secrétaire générale du Forum génération Égalité2, qui soutient l’événement et se prononce, pour l’occasion, via l’enregistrement d’une vidéo. Cette charte s’inscrit dans la volonté « de faire de l’égalité un principe premier de gouvernance, particulièrement dans le contexte post Covid que nous connaissons », déclare, dans le prolongement, Nicole Ameline, ancienne présidente du Comité CEDAW pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, de l’ONU.

Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, se félicite également de cet anniversaire. « Cet événement est à la lisière de deux sujets qui me sont chers : les opportunités qu’offre la tech et le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes ». Cette dernière considère également la crise comme l’« opportunité de reconstruire correctement notre pays pour en faire une société beaucoup plus juste, plus égalitaire et plus inclusive ».



 


Élisabeth Moreno




L’IA, vecteur de discriminations ?

L’intelligence artificielle semble avoir de beaux jours devant elle. Désormais présente dans nos vies au quotidien, rien ne semble pouvoir arrêter son déploiement. Offrant des outils et services bénéfiques, la croissance du numérique tend-elle toutefois à participer à la création d’une société plus égalitaire ? Il serait en effet utopiste de penser que l’IA, parce qu’elle se base sur des données, serait complètement objective. Car n’oublions pas que derrière chaque invention, chaque développement, chaque programme se cache un être humain. Aussi, le risque que la « machine » puisse à son tour reproduire les travers de son inventeur est bien réel.

« Une IA non inclusive et non responsable pourrait accentuer les biais discriminants ou en créer de nouveaux », prévient Cristina Lunghi. En effet l’IA tend à reproduire, voire amplifier, les travers humains. « L’IA est porteuse d’espoir, mais s’il n’y a pas de stratégie appropriée, elle peut entraîner de nouvelles discriminations structurelles », affirme à son tour Nicole Ameline.

Un risque que soulève également Delphine O, laquelle appelle à la vigilance. Celle qui parle de « discrimination technologique » – une nouvelle forme de discrimination, liée entre autres à la reproduction de stéréotypes de genre – considère que nous nous trouvons aujourd’hui à un moment décisif : « il nous appartient, à tous et à toutes, de faire en sorte que les innovations numériques et technologiques deviennent des vecteurs d’égalité plutôt que des freins », déclare-t- elle.

Un propos soutenu par Élisabeth Moreno, qui reconnait elle aussi que le numérique peut être vecteur d’inégalités, et « à ces inégalités viennent s’ajouter les biais sexistes et discriminants que véhicule l’IA ».Toutefois, « le numérique peut devenir un accélérateur de l’égalité entre les femmes et les hommes », atteste-t-elle. « L’enjeu de la transformation numérique est donc un enjeu d’égalité » : « Aujourd’hui, le monde du numérique à l’opportunité de se réinventer, en faisant de l’IA un véritable vecteur de pratiques égalitaires ».

 

 


La place des femmes dans le numérique 

I l faut dire que les femmes se font encore discrètes dans le secteur numérique : « Seulement 17 % des femmes en Europe travaillent dans le digital » souligne Cristina Lunghi. Élisabeth Moreno, qui a travaillé 20 ans dans le monde des nouvelles technologies, s’interroge de son côté : le monde de la tech est-il en avance en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ? « La réponse est non », déclare la ministre sans détour, se basant sur des chiffres parlants. En effet, « seuls 30 % des salariés du secteur sont des femmes et elles ne représentent que 12 % des créateurs de start-up, alors même qu’un job sur trois qui sera créé dans les cinq prochaines années le sera dans le secteur du numérique », rappelle-t-elle.

De son côté, Delphine O affirme que les algorithmes et I’IA sont amenés à accompagner voire à régir un nombre croissant de processus décisionnels. Pourtant, aujourd’hui, 15 % seulement des ingénieurs dans le monde sont des femmes, déplore-t-elle. « Les algorithmes qui constituent l’IA sont conçus à 88 % par des hommes et rarement basés sur des données différenciées par le genre », appuie la secrétaire générale du Forum génération Égalité, qui constate des répercussions négatives très concrètes. « L’IA entretient et renforce des discriminations multiples », déclare-t-elle. Parmi les solutions possibles, Delphine O évoque la formation : « Je suis convaincue que la mise en place d’algorithmes plus inclusifs au service de l’égalité femme/homme passe par la formation de jeunes filles et de femmes aux métiers du numérique et de la programmation informatique », prône-t-elle.



Construire un nouveau monde

S’inscrivant dans la construction du plus grand défi du 21e siècle, c’est-à-dire la création d’une société d’égalité et d’inclusion, les enjeux de la Charte sont donc primordiaux. Son objectif est bien de faire en sorte que l’IA reste sous le contrôle de l’humain, au bénéfice de tous et de toutes en aidant de relever le défi de l’égalité. 

L’association croit en effet à l’égalité entre les femmes et les hommes comme levier du changement, à travers la charte internationale pour une IA inclusive, qu’elle considère aussi comme une première étape pour les signataires avant de s’engager dans le label international GEEIS (Gender Equality European & International Standard) qui fait la promotion d’ « une culture d’entreprise innovante mettant l’égalité au cœur des changements ».

Via ce texte, il s’agit de créer une nouvelle société, avec, pour fondement, l’égalité entre les êtres humains. Un système nouveau qui remettrait en cause tous nos systèmes traditionnels, reconnait la présidente de l’association, mais un renouveau nécessaire. L’hôte du jour préconise ainsi un changement radical, un « “reset” pour redéfinir les règles du jeu ».

« Les valeurs d’inclusion sont aux cœurs de nos enjeux sociétaux », considère, dans le prolongement, Élisabeth Moreno, laquelle reconnaît que cette charte constitue « une approche innovante pour aider les entreprises à embrasser ces nouveaux enjeux ».

En créant cette charte, une référence internationale « car lIA na pas de frontières », assure Cristina Lunghi, Arborus et ses partenaires entendent créer, concrètement, un cadre de confiance et de sensibilisation aux enjeux de l’IA pour toutes les entreprises qui souhaitent s’engager dans un acte citoyen et responsable, qui repose sur sept engagements (voir encadré). Ses rédacteurs souhaitent ainsi que la charte devienne une référence pour toutes les entreprises engagées en faveur de l’égalité des chances.






« Via le soutien de cette charte, la France s’engage dans une voie exemplaire, qui allie les valeurs universelles à la transition numérique » se réjouit de son côté Nicole Ameline. Celle qui parle d’une « d’une dynamique puissante et innovante » considère l’égalité comme « un droit fondamental, mais aussi comme une force de transformation positive du monde, comme une force de changement durable ». Cela permet, selon elle, de « donner sens au développement ».

Pour l’ancienne présidente du Comité CEDAW de l’ONU, cet anniversaire et le Forum Égalité ont donc pour même ambition de mobiliser des acteurs pour faire de l’égalité un véritable champ d’innovation, « et surtout pour développer l’égalité dans le cadre d’un nouveau paradigme au service de la croissance, du développement et du bien-être de l’humanité ».

 

NOTES :

1) Premier signataire de cette charte, Orange a d’ailleurs annoncé, le 23 mars 2021, la création de son Conseil d’éthique de la Data et de l’IA composé de 11 personnalités reconnues dans le domaine. Présidé par Stéphane Richard, président-directeur général d’Orange, cet organe consultatif et indépendant a pour mission d’accompagner la mise en œuvre par l’entreprise de principes éthiques encadrant l’utilisation des technologies de data et d’Intelligence Artificielle.

2) Rassemblement féministe mondial coprésidé par la France et le Mexique, sous l’égide d’ONU femme lancé à Mexico fin mars, qui culminera à Paris du 30 juin au 2 juillet

 

Constance Périn

 

 

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