La Direction générale des
Finances publiques (DGFiP), direction de l’administration publique centrale qui
dépend du ministère de l’Action et des Comptes publics, contribue à la solidité
financière des institutions publiques et favorise un environnement de confiance
dans la société, l’économie et les territoires. Modernisation des services,
délocalisation… Zoom sur l’actualité de la DGFiP avec son directeur général,
Jérôme Fournel.
Pouvez-vous revenir
brièvement sur votre parcours ?
Après avoir été diplômé de HEC et de l’ENA, j’ai
commencé ma carrière à la direction du budget en 1995, puis j’ai rejoint le FMI
à Washington en 1999. À mon retour en France mi-2002, j’ai rejoint les cabinets
ministériels, d’abord comme conseiller du ministre de la Jeunesse, de
l’Éducation nationale et de la Recherche, puis, à compter de 2004, comme conseiller
budgétaire du Premier ministre, puis responsable du pôle économique auprès du
Premier ministre.
En 2007, je suis devenu directeur général des douanes
et des droits indirects, avant de rejoindre l’IGF en 2013 et de présider notamment
le conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme. En 2017, je retrouve les cabinets ministériels comme
directeur de cabinet auprès de Gérald Darmanin.
C’est depuis mai 2019 que je suis à la tête de la Direction
générale des Finances publiques.
Quelles ont été les grandes
actualités marquant l’année 2019 ?
2019 a débuté par le prélèvement à la source, modifiant profondément le mode de
recouvrement de l’impôt sur le revenu. Le bilan est très positif :
38 millions de foyers fiscaux concernés, une appropriation par les contribuables
avec 6 millions d’opérations de gestion de prélèvement, des entités
soumises à la DSN très bien préparées et une approbation massive de la réforme
par les Français.
Nous avons aussi accéléré dans la mise en œuvre de la
loi ESSOC, avec déjà une trentaine de groupes entrés dans le partenariat fiscal
et 135 PME dans le dispositif d’accompagnement fiscal personnalisé. Des
pratiques nouvelles ont pris un essor considérable avec 35 000 régularisations en cours
de contrôle, soit dix fois plus qu’en 2018.
2019 est aussi l’année où nous avons commencé à tirer parti de la loi de lutte
contre la fraude, via une pénalisation accrue, mais également des
possibilités plus importantes de transaction.
D’autres évolutions ont eu lieu en matière
d’exploitation des échanges automatisés et d’intelligence artificielle au
service du contrôle.
Enfin, il me faut parler de la grande réorganisation
des services de la DGFiP, dont les jalons ont été posés en 2019 : il
s’agit du nouveau réseau de proximité qui vise à transformer nos modes de
présence dans les territoires.
« À terme,
tous les actes et déclarations soumis à l’enregistrement
pourront être déposés en ligne. »
Quels sont les chantiers à
venir pour 2020 ?
En 2020, nous poursuivrons la démarche du Nouveau
Réseau de proximité, qui proposera nos services au plus proche des élus et des
usagers : plus de professionnalisme, plus de conseil, plus de proximité.
Les premiers effets de ce grand projet commencent en 2020, et se poursuivront
en 2021 et
2022.
Un autre chantier innovant pour 2020 est celui de la déclaration automatique. Après la déclaration de revenus en ligne, qui
a conquis un grand nombre de contribuables (70 % des foyers fiscaux en
2019), la déclaration préremplie du contribuable éligible sera automatiquement
prise en compte par l’administration s’il ne modifie rien. Ce chantier,
structurant pour notre maison, sera porteur d’allègement de tâches pour nos
agents, et d’allègement de démarches pour nos usagers.
Par ailleurs, les évolutions numériques du contrôle
fiscal vont se poursuivre en 2020 avec de grands chantiers concernant
l’utilisation de la donnée. Nous faisons monter en puissance les outils de big
data, avec la mise en place d’un lac de données afin de toujours mieux
cibler les contrôles et d’en améliorer l’efficacité.
La DGFiP a récemment
apporté des précisions sur la nouvelle règle de la répression de l'abus de
droit fiscal. Qu’indiquent-elles, en substance ?
Avant cette nouvelle règle, codifiée à l’article L. 64 A du livre des procédures
fiscales, seuls les actes à but exclusivement fiscal étaient concernés par des
dispositions générales anti-abus. Désormais, l’administration peut écarter les
actes à but principalement fiscal, pris à compter du 1er janvier
2020.
Le choix de la voie fiscale la moins imposée reste
ouverte au contribuable, s’il ne se place pas artificiellement dans une
situation visée par le législateur pour remplir un objectif principalement
fiscal.
Les commentaires administratifs publiés soulignent
aussi que l’application du nouveau texte suppose, comme celle des dispositions
préexistantes en matière d’abus de droit, que le contribuable fasse une
application d’un texte de loi qui va à l’encontre des objectifs du législateur.
Précisons que la nouvelle règle concerne tous les
impôts, sauf l’impôt sur les sociétés, visé par une clause anti-abus
spécifique.
Enfin, le texte ne prévoit pas l’application
automatique d’une sanction, à la différence des dispositions préexistantes
relatives à l'abus de droit. L’administration doit ainsi motiver spécifiquement
les pénalités de droit commun qu'elle appliquera en cas d'abus démontré par ses
services de contrôle.
Les bons résultats de la
lutte contre la fraude ont été très médiatisé. Pouvez-vous nous parler de ces
algorithmes qui permettent de mieux cibler les contrôles fiscaux ?
Pour valoriser le grand nombre de données dont
dispose la DGFiP, nous avons engagé la modernisation des travaux de ciblage des
contrôles fiscaux avec la mission requête et valorisation (MRV) qui développe
l'utilisation des nouvelles méthodes d'analyse de données et le décloisonnement
des données via un entrepôt unique.
Nous sommes capables d’identifier des critères et
d’établir un profil de fraude appliqué ensuite à une population cible, grâce à
des techniques d’apprentissage automatique reposant sur trois outils
principaux :
• les modèles supervisés (analyse des contrôles réalisés au cours des
années antérieures) ;
• les modèles non supervisés (détection des groupes d'entreprises ou de
particuliers ayant un comportement assimilable à de la fraude) ;
• l'analyse de réseaux (détection des entités ayant une proximité forte
avec des personnes fraudeuses ou suspectes).
Ces outils sont des aides à la programmation des
contrôles mais, naturellement, l’humain, le vérificateur reprend la main soit
pour écarter une programmation non pertinente, soit pour réaliser le contrôle.
De nombreuses formalités
légales peuvent être réalisées de manière dématérialisée, mais les services de
l’État travaillent toujours avec une version papier pour enregistrer les actes
des sociétés. Avez-vous des réflexions en cours sur ce sujet ?
La DGFiP travaille actuellement à la
dématérialisation de l'enregistrement et à sa simplification.
Côté dématérialisation, nous concevons un
téléservice de dépôt en ligne des déclarations de dons, de succession et de
cessions de droits sociaux. Les premiers dépôts dématérialisés des déclarations
de dons par les particuliers sont prévus en janvier 2021, et courant 2021 pour les déclarations de
cessions de droits sociaux non constatées par un acte. À terme, tous les actes
et déclarations soumis à l'enregistrement pourront être déposés en ligne.
Côté simplification, l’enregistrement des actes de
prorogation et de dissolution de société n’est plus obligatoire depuis le 1er janvier
2020.
Suite à une réorganisation
des services d’enregistrements (SDE) d’actes pour les sociétés, tels que
l’augmentation ou la réduction de capital, les délais de traitement ont été
fortement allongés ces derniers temps, pénalisant les entreprises qui doivent
faire des formalités au Registre du commerce et des sociétés (RCS) de mise à
jour de leur Kbis. Comptez-vous proposer des solutions sur ce point ?
Entre 2016?et 2019, la DGFiP a réorganisé et rationalisé le
réseau des services chargés de l'enregistrement. La mission, auparavant exercée
dans les services des impôts des entreprises, est maintenant assurée par des
services dédiés, spécialisés dans les matières mêlant droit civil et droit
fiscal. Dans la plupart des départements, ce sont des services de la publicité
foncière et de l'enregistrement (SPFE). Dans les départements aux plus gros enjeux,
ainsi qu'en Alsace-Moselle pour des raisons historiques que vous connaissez
s'agissant du RCS, ce sont les services départementaux de l'enregistrement
(SDE).
Toute réorganisation d'ampleur peut générer des
retards dans les premiers temps. Ils se résorbent actuellement et la poursuite
des chantiers de transformation sur ces sujets fait de la résorption des délais
un axe prioritaire. Par ailleurs, comme je l’ai indiqué précédemment, le dépôt
des actes et déclarations va progressivement, dès 2021 pour certains actes de
sociétés, relever de procédures dématérialisées, ce qui facilitera et
accélérera leur traitement et améliorera encore la qualité de service
qu'attendent – et c'est bien légitime – les entrepreneurs.
Votre Direction est
largement concernée par la modernisation des services publics. Pouvez-vous nous
en dire plus ?
Je l’ai dit plus haut, la DGFiP a entamé la démarche
du Nouveau réseau de proximité (NRP).
Cette réforme s’envisage tout d’abord sous l’angle de
l’accueil de proximité : la nouvelle carte de nos services fait l’objet de
concertations dans chaque département.
Le second axe porte sur notre offre de services aux
collectivités territoriales, désormais articulée autour d’un cadre dédié au
conseil au plus près des élus (le conseiller aux décideurs locaux), et des
services de gestion comptable chargés des tâches courantes.
Nous avons aussi entamé une démarche de modernisation
du recouvrement des créances publiques. Depuis début 2019, l’unification du
recouvrement entre DGFiP et Douane se traduit par le transfert progressif à la
DGFiP de certaines taxes gérées par la Douane.
À plus long terme, un portail unique de recouvrement
commun à la DGFiP, la DGDDI et l’ACOSS permettra aux entreprises de satisfaire
une partie des obligations fiscales et sociales.
Enfin, la DGFiP s’est engagée dans une stratégie
numérique ambitieuse. Au-delà de la dématérialisation de nos procédures, la
modernisation de nos services passe par l’utilisation accrue de la donnée et de
l’intelligence artificielle pour travailler encore plus efficacement. Les
traitements analytiques et prédictifs se multiplient, que ce soit dans le
domaine du contrôle fiscal, de la dépense, de la détection précoce des
entreprises en difficulté ou de la relation avec nos usagers.
Basée en Île-de-France,
la DGFiP envisage de délocaliser ses services en région. Quels facteurs sont
venus motiver ce choix ?
Conformément aux volontés du gouvernement et
notamment du ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, un
mouvement de démétropolisation de nos services va être engagé. L’objectif est
de désengorger les métropoles et grandes villes en transférant certaines
missions vers des villes moyennes, tout en offrant aux agents volontaires une
meilleure qualité de vie. La délocalisation portera sur 3 000 emplois
au sein du ministère de l’Action et des Comptes publics, dont 2 500 au sein de la DGFiP, pour
des services administratifs qui, sauf exception, n’ont pas vocation à
accueillir physiquement les usagers puisqu’ils regrouperont des tâches d’appui
ou à distance.
Suite à l’appel à candidatures lancé le
17 octobre 2019, 408 collectivités ont manifesté leur intérêt pour
l’accueil de nos services.
Une première liste de cinquante collectivités
éligibles à l’accueil de certains de nos services a été diffusée fin janvier,
et une sélection complémentaire de candidatures devrait être effectuée d’ici quelques semaines.
Propos recueillis par Myriam de Montis